“Changer le monde sans prendre le pouvoir”. Qui sont les vrais révolutionnaires à Cuba ?

Cuba : libertés, socialisme et autogestion ? (vidéo de 54 minutes)

Dans le cadre de l’émission “Tribuna latinoamericana” de Radio libertaire du 15 octobre 2011, voici un échange sur Cuba et l’Observatoire critique animé par Nestor Vega :

http://www.dailymotion.com/video/xluptj_cuba-liberte-s-socialisme-et-autogestion_news

Invités de l’émission :

- Karel Negrete, coordinateur pour l’Europe de l’Observatoire critique de La Havane

- Daniel Pinos, animateur des GALSIC (Groupes d’appui aux libertaires et aux syndicalistes indépendants de Cuba)

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Pour découvrir le blog du réseau de l’Observatoire critique :

http://observatoriocriticodesdecuba.wordpress.com

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“Changer le monde sans prendre le pouvoir”. C’est le titre d’un ouvrage de l’altermondialiste John Holloway, un économiste et un philosophe marxiste d’origine irlandaise dont le travail est associé au mouvement zapatiste de l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN).

Comme cela a été déjà écrit sur notre blog, cette phrase résume bien la démarche de nos ami-e-s du réseau Observatorio Crítico de La Havane. Le réseau regroupe aujourd’hui de nombreuses associations et de nombreux groupes formés d’activistes qui agissent sur le terrain social et culturel. Il fait partie du nouveau panorama social, culturel, alternatif, contestataire, qui se dessine aujourd’hui dans l’île où des groupes informels de jeunes artistes, de jeunes musiciens, de jeunes universitaires, de jeunes activistes se regroupent et se retrouvent autour de discussions, de lectures, de manifestations à caractère culturel, de happenings… indépendamment des structures officielles.

COMPENDIO, le bulletin d’information et le blog du réseau suscitent aujourd’hui un grand intérêt dans le monde entier et surtout à Cuba, mais l’Observatoire Crítico suscite de nombreuses controverses, au-delà des cercles marxistes.
Les oppositions les plus fortes à ce réseau sont venues du Parti communiste cubain et des organisations héritières du bolchevisme et de la social-démocratie, parce que cette nouvelle génération militante remet en cause ce qui est un de leurs fondements : la prise du pouvoir comme perspective privilégiée de l’action politique.

Les activistes de l’Observatorio Crítico défendent l’idée des Zapatistes qu’il est possible de changer le monde sans prendre le pouvoir, en se centrant sur des actes de résistance situés dans le quotidien. Les thèses qu’ils défendent rejoignent ainsi la tradition anarchiste et le marxisme anti-autoritaire, et offrent une critique en règle de la tradition marxiste-léniniste.
Ils mènent aussi mène une analyse théorique et politique de ce que portent les mouvements sociaux depuis le milieu de la décennie quatre-vingt-dix impulsés notamment par la révolte zapatiste en 1994 et par la mobilisation de Seattle en 1999. L’Observatorio Crítico lutte pour un changement radical mais dans des termes qui n’ont rien à voir avec la radicalité des luttes antérieures qui visaient la prise du pouvoir d’État.

Les mouvements sociaux qui inspirent nos ami-e-s cubains sont donc en rupture avec la théorie marxiste-léniniste classique de la révolution, qui se centre uniquement sur la prise du pouvoir institutionnel. Il s’agit pour eux de reformuler notre compréhension de la révolution en tant que lutte contre le pouvoir et non pas pour le pouvoir. Après un siècle de tentatives manquées visant à mener des changements radicaux, et ce autant du côté des révolutionnaires que de celui des réformistes, le concept de révolution est entré en crise.
Selon les activistes de l’Observatorio Crítico :

“Changer le gouvernement de Fidel Castro ou de Raul Castro ne servirait à rien si nous ne sommes pas capables de changer, nous-mêmes et notre entourage. Autrement, le caudillisme, le paternalisme, le machisme, la verticale du pouvoir resteraient intacts. Contre l’étatisme, l’Observatoire prône un socialisme participatif, autogestionnaire et libertaire. L’imaginaire néolibéral domine aujourd’hui les débats sur le tournant économique. Sans participation populaire, nous allons vers la restauration du capitalisme”.

“La mythologie révolutionnaire s’est effondrée avec la crise qui frappe Cuba depuis les années 1990, ouvrant ainsi la possibilité de débattre des problèmes réels du pays. Le gouvernement ne dispose plus du consensus des années 1960. La société cubaine est démobilisée, atomisée, elle souffre d’anomie”.

L’Observatorio Crítico a ouvert le débat à Cuba en reposant des questions essentielles du marxisme et de la tradition libertaire, utilisant aussi pour ce faire les traditions non-orthodoxes du marxisme. Le réseau part de l’idée centrale que nous sommes toutes et tous capables de faire en tant qu’êtres humains. Le faire est plus qu’une simple activité physique, c’est un mouvement créateur qui implique la transformation continue du monde qui nous entoure, dans nos actions de tous les jours. Ainsi, la lutte pour la transformation radicale est loin d’être marginalisée car elle est imbriquée dans nos vies ordinaires.

Ce qui implique que la révolution doit être comprise aujourd’hui comme un questionnement et non comme une réponse. Repenser la révolution, c’est « questionner en marchant », comme disent les Zapatistes. C’est le fait de se poser des questions qui correspond au processus révolutionnaire et non de donner des réponses toutes faites. « Nous avons perdu toutes les certitudes, mais l’ouverture à l’incertitude est centrale pour la révolution ».

“Nous nous posons des questions non pas seulement parce que nous ne connaissons pas le chemin, mais aussi parce que mettre en question le chemin fait partie du processus révolutionnaire lui-même” (Holloway, Change the world…).


Enrique   |  Actualité, Culture, Politique, Société   |  10 23rd, 2011    |