
Dans les sciences sociales, il est courant d’entrer dans des extrêmes – épistémologiques et politiques – qui emprisonnent la réalité dans des schémas manichéens. Paradoxalement, ces extrêmes coïncident du point de vue d’une téléologie explicative qui ignore les processus et les sujets réels, situés dans le contexte socio-historique. Les lectures idéalistes radicales abondent, qui nient la réalité complexe et dynamique des sociétés modernes, pariant sur des utopies déconnectées des processus réels. Il existe encore des visions affirmatives du statu quo, qui établissent des causalités mécaniques entre des phénomènes qui coïncident dans le temps et l’espace, mais qui appartiennent à des dimensions différentes du social. Le domaine intellectuel, avec ses confréries d’apologistes et d’adversaires dogmatiques de la Modernité libérale, est un bon exemple de ce que je mentionne ici.
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À 43 ans, cette militante féministe, battante et critique, cherche à travers ses articles et son mode de vie à tendre vers une Cuba plus juste et moderne, régie par l’équité. Même si la Révolution a fait avancer les droits des femmes, il s’agit aujourd’hui, selon elle, d’ouvrir de nouveaux espaces d’échange et de débat, hors des organisations de masse officielles.
On arrive chez elle dans la matinée, au troisième étage, dans un appartement baigné de lumière. Elle nous ouvre la porte alors qu’elle allaite Nina, un joli bébé au regard bleu et profond, prénommée ainsi en hommage à Nina Simone. Marta María a les cheveux attachés, elle ne porte pas de soutien-gorge et par l’encolure du tee-shirt apparaît un cœur tatoué sur sa poitrine. Elle s’excuse pour le désordre, qui n’a rien de bien terrible. À l’entrée de la cuisine, un poster : « Insistez pour déconstruire l’idée de l’amour ». Marta nous invite à nous asseoir au sol, là où Nina aime jouer, pendant que la petite essaye d’entrer par la fenêtre de sa maisonnette en carton, couverte de pages du journal Granma.

« La noblesse, la dignité, la constance et un certain courage souriant.
Tout ce qui constitue la grandeur reste essentiellement identique à travers les siècles ».
Hanna Arendt
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Un contexte de répression
En Amérique latine, l’année 2021 a commencé par une offensive générale des autocraties du bloc bolivarien contre leur société civile. Neutralisées par la répression, la cooptation ou l’exil, les forces politiques partisanes de la confrontation – les régimes de Caracas, La Havane et Managua – visent à détruire les fondements mêmes de l’auto-organisation et de l’autonomie civile. Peu importe qu’il s’agisse de groupes revendiquant des identités sociales spécifiques, de collectifs de défenseurs des droits de l’homme ou d’organisations communautaires de protection sociale. A Cuba, la campagne de l’État – médias, police – contre les artistes du mouvement 27N se développe. Au Nicaragua, ils approuvent des mesures visant à criminaliser le travail et le soutien international aux ONG. Au Venezuela, des militants qui distribuaient de la nourriture et des médicaments dans les zones pauvres ont été emprisonnés. Dans les trois cas, l’organisation autonome des citoyens et la solidarité à leur égard deviennent une obsession gouvernementale.
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Nous publions aujourd’hui un texte de notre ami Armando Chaguaceda. Une réflexion sur l’autoritarisme et le populisme que nous partageons totalement à l’heure où le virus du populisme frappe sur l’ensemble des pays de notre planète.
Politologue à l’Université de La Havane et historien à l’Université de Veracruz. Chercheur en analyse gouvernementale et politique et expert du pays dans le cadre du projet V-Dem. Spécialisée dans l’étude des processus de démocratisation et d’“autocratisation” en Amérique latine et en Russie.
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« Je comprends pourquoi les doctrines qui m’expliquent tout m’affaiblissent en même temps.
Elles me libèrent du fardeau de ma propre vie, et pourtant il est nécessaire que je le porte seul. »
Albert Camus
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L’année commence par une offensive généralisée des autoritarismes latino-américains contre leur société civile. A Cuba, la campagne d’État – médiatique, policière – contre les artistes du mouvement 27N s’est étendue. Au Nicaragua, des mesures sont approuvées pour criminaliser le soutien aux ONG. Au Venezuela, des militants qui distribuaient de la nourriture et des médicaments dans les zones pauvres ont été arrêtés. Dans les trois cas, l’organisation autonome des citoyens et la solidarité à leur égard deviennent une obsession gouvernementale. Dans d’autres gouvernements, à la droite du spectre idéologique, les journalistes, les défenseurs des migrants et les militants des droits de l’homme sont également assiégés. Les cas du Brésil, du Honduras et de la Colombie sont, en ce sens, révélateurs.
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ALPIDIO ALONSO NE DÉLÈGUE PAS LA VIOLENCE À SES SUBORDONNÉS, IL LA PRATIQUE LUI-MÊME
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Le vice-ministre de la Culture, Fernando Rojas, avait déjà montré par le passé des signes montrant qu’il pouvait résoudre les différends par la force. Son supérieur immédiat, Alpidio Alonso, son vice-ministre, viennent d’être filmé en train d’agresser physiquement un journaliste du Diario de Cuba.
Sur les images enregistrées par plusieurs téléphones à l’entrée du ministère de la Culture, le ministre Alonso s’avance vers les membres du mouvement 27N (1) escortés par ce qui semble être des gardes du corps, bien qu’ils puissent aussi être des spécialistes de la culture (avec un ministre et un vice-ministre comme ceux-là, tout énergumène a un bureau et ses opinions au sein du ministère).
Aujourd’hui, ces autorités se précipitent pour déclarer qu’elles ont invité le 27N à entrer et à dialoguer, mais que c’est le 27N qui a refusé. « La violence n’est pas la solution », a tweeté Fernando Rojas. Ils essaient de changer le sens de l’agression et, bientôt, la version officielle dira que ce sont les 27N qui ont agressé physiquement le ministre Alonso.
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L’Esprit frappeur vient de publier les chroniques cubaines de Floréal Melgar. L’auteur, un fils de réfugié politique espagnol, a longtemps milité au sein du mouvement anarchiste. Le livre porte un regard critique sur la nature autoritaire du système instauré à Cuba en s’appuyant sur plusieurs témoignages d’opposants.
Sous le régime castriste, durant soixante ans, des milliers de Cubains ont été exécutés, emprisonnés dans des conditions déplorables, des milliers d’autres ont été persécutés et intimidés, et des générations entières ont été privées des libertés politiques fondamentales. Quelques années avant le triomphe de la révolution de 1959, les anarchistes combattaient la dictature sanguinaire de Fulgencio Batista aux côtés de Fidel Castro et ses alliés. Au début des années 1960, quand s’installa la dictature castriste, ces mêmes anarchistes furent les premières victimes de la répression.
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Jacques est arrêté et incarcéré par la justice cubaine. ll témoigne, pour le site Prison Insider, de ses conditions de détention dans deux prisons et des actes de torture qu’il a subis.
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Jacques est arrêté, en février 2017, par la justice cubaine. Il est immédiatement incarcéré dans une prison de la Sécurité d’État, maintenu au secret sous le régime incommunicado (1) durant 48 jours. Sa fille se retrouve alors seule du jour au lendemain.
Il est transféré en France en septembre 2019 et indique que plus de 300 personnes étrangères sont ainsi détenues à Cuba.
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Il témoigne, pour Prison Insider, de ses conditions de détention à la prison de la Sécurité d’État (DTI) puis dans l’établissement de la Condesa à Mayabeque.
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Le texte que nous publions aujourd’hui est une analyse sur la nature du pouvoir à Cuba de notre ami universitaire cubain Armando Chaguaceda.
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L’absence de Cuba dans certaines analyses sur l’état de la politique en Amérique latine est impressionnante. Dans les académies de la région, la structure du pouvoir en place sur l’île n’est pas bien comprise. Certains collègues utilisent des justifications banales pour justifier leur manque d’intérêt, comme « c’est une petite île isolée de la mondialisation ». Nombreux sont ceux, issus du relativisme gauchiste, qui accordent au gouvernement cubain la certification selon laquelle Cuba est « une démocratie différente et populaire ». D’autres, à partir d’un certain réductionnisme libéral, se limitent à le rejeter uniquement parce que ce gouvernement « ne permet pas d’élections multipartites ». La bureaucratie de l’Union européenne a même utilisé un euphémisme qualifiant le système politique cubain de « démocratie à parti unique ». Ces positions s’ajoutent à l’absence de débat sérieux sur cette même question au sein du milieu universitaire cubain.
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Le blog généraliste Polémica cubana, en langue française, est né il y a 11 ans. Nous sommes un collectif ayant pour objectif de donner à connaître le nouveau panorama politique, social et culturel qui se dessine aujourd’hui dans l’île où des groupes informels de jeunes travailleurs, d’artistes et d’universitaires se retrouvent autour de différents projets à caractère politique et culturel indépendamment des structures officielles dominées par un État tentaculaire et dictatorial.
La renaissance du mouvement libertaire à La Havane est la clé pour entreprendre un vaste travail de solidarité avec les activistes cubains dans leur lutte contre le capitalisme d’État, pour la liberté, pour l’autogestion et pour un changement profond de société.
Films alternatifs, ateliers d’écriture en marge des institutions, publications parallèles, galeries d’art libre, concerts de hip-hop ou d’électro, cours de danse… Cuba vit un renouveau culturel exceptionnel malgré la censure et la répression imposée par le ministère de la Culture et l’État. Une révolution !
Nous t’offrons sur notre blog un vaste panorama sur les nouvelles expressions politiques et culturelles existant sur l’île.
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Pour le collectif Polémica cubana,
Daniel Pinós
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Découvre le site Polémica cubana :

Nous n’acceptons ni maîtres au-dessus de nous, ni serviteurs au-dessous de nous. Nous travaillons pour une société où toutes les questions publiques seront résolues par l’auto-organisation de ceux qui vivent, travaillent, créent et aiment, à Cuba et sur la planète. Nous témoignons cependant du fait que le passage à une telle façon de gérer notre vie commune ne peut être que le produit de la révolution sociale la plus profonde. Mais être radical dans notre conception du socialisme et de la libération humaine ne fait pas de nous des gens stricts ou extrémistes, ni ne nous oppose à ceux qui cherchent sincèrement des voies de dignité. La lutte pour les droits sociaux est légitime, même lorsque sa racine germante n’atteint pas immédiatement l’idéal – à condition seulement qu’une telle racine existe – beaucoup d’elles contiennent des germes vivants, ils sont en développement dans la perspective de la société commune dont nous n’osons pour l’instant que rêver. Défendre ces germes et semer les graines de la liberté même si nous savons qu’ils peuvent prendre des millénaires pour devenir des arbres aussi robustes que les fromagers dans nos champs, est notre devoir et notre choix de vie.
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