Un Che libertaire ?

En Amérique latine le terme «libertario» est parfois utilisé dans le sens de «libérateur» (Simón Bolivar 1783-1830 tout comme le Che sont alors en ce sens évidemment libertaires).

Historiquement cependant le terme représente le courant politique et/ou philosophique qui met en avant la primauté de la liberté et la lutte contre l’autorité sous toutes ses formes. Il est alors pratiquement synonyme d’anarchiste et/ou d’antiautoritaire, et cela dès le milieu du XIX° siècle. Le Che n’en fait évidemment pas partie.

D’autres utilisent un troisième sens plus général : le mot représente tous les mouvements et pensées qui tentent d’atteindre la liberté ou des libertés, où qui donnent à la liberté (toujours ou parfois) la primauté sur d’autres revendications. L’anarchisme y appartient évidemment, mais aux côtés d’autres mouvances. Le Che peut y être associé, mais le débat est loin d’être tranché.

Ernesto Guevara de la Serna (1928-1967) est un personnage particulier, revendiqué par différents camps ou tendances y compris – mais rarement – parfois libertaires, et trop souvent mythifié (ce qui est une régression[1]) et récupéré comme tous les grands personnages historiques. À Cuba dans les années 1960-1970 (et après), il fait parfois office de culte («outrancier») «de compensation»[2] face aux difficultés et insuffisances du régime.

Ce qui n’arrange rien, il a parfois été présenté comme anarchiste par certains qui voulaient en faire un épouvantail ; ainsi les staliniens tchèques, évidemment pour le calomnier et désamorcer son propos, en faisaient un «nouveau Bakounine»[3].

La confusion est donc parfois la règle. Ainsi Daniel Guérin (1904-1988), souvent rigoureux, semble encore aveuglé par la mythologie révolutionnaire lors de son passage à Cuba en janvier 1968 : il distingue une évolution vers le «communisme libertaire de Kropotkine» alors qu’il vient juste d’expliquer que l’autogestion est absente de Cuba et que tout est octroyé par en-haut[4]. Il se rattrape heureusement dans sa conclusion, en souhaitant à Cuba d’établir enfin une vraie démocratie et de «découvrir le marxisme libertaire».

Aujourd’hui, la vision ou mythe libertaire guévariste existe encore, et un soi-disant «arrière plan libertaire et humaniste»[5] est assez fréquemment avancé. Ce mythe est abordé (avec esprit critique et très ouvert) par mon ami Roberto Massari, infatigable écrivain sur l’utopie humaniste révolutionnaire guévariste, et efficace animateur de la Fondazione Ernesto Che Guevara qu’il a installée dans le nord Latium et qui rayonne sur le monde entier[6]. Quand on lit les 8 Cahiers de la Fondation déjà parus, on reste frappé par l’éclectisme, la totale liberté d’expression, la richesse du débat (sans fermeture puisqu’il inclut les critiques) et les positions souvent très corrosives qui s’y expriment, même si une sensibilité évidemment trop pro-guévariste et globalement quasi uniquement marxiste en limite parfois l’apport critique, ne serait-ce qu’en assimilant socialisme et marxisme, ce qui est une importante limitation. Dès le 1° numéro des Quaderni en 1998, Roberto annonce la couleur qu’il souhaiterait plus libertaire : le Che s’est modelé selon de «déterminés et irrenonçables principes libertaires»[7].

L’écrivain hispano-mexicain parfois libertaire Paco Ignacio Taibo II (né en 1949) lui aussi met surtout en avant le fait que l’image du Che reste associée à «l’idée de rébellion»… Idéalisant son héros, il affirme que «le Che est aussi un style, l’irrévérence, la distance vis-à-vis du pouvoir, la bataille permanente contre la bureaucratie…»[8]. Encore récemment Alain Ammar note (alors qu’il y a plusieurs passages de son livre qui le démentent) «qu’il était le parfait rebelle de par son insoumission aux situations, aux hommes, aux institutions qui voulaient s’imposer à lui. Son nom est devenu synonyme de rebelle»[9].

Pour tenter d’apporter des réponses ou quelques pistes, il faudrait en tous les cas distinguer diverses périodes dans la biographie du Che : le jeune rebelle un peu romantique, le communiste plus ou moins orthodoxe, l’homme d’État plus ou moins autoritaire, le (à nouveau) rebelle et humaniste socialiste, un peu plus pluraliste, mais seulement en fin de sa vie donc sur une très courte période, ce qui ne peut donc en aucun cas caractériser le Che dans sa globalité. Roberto Massari s’est attaqué à cette chronologisation avec grande validité[10].

Il faudrait aussi et surtout distinguer ce que le mythe est devenu, comment il s’est créé, et comment il a évolué. En se solidifiant il est devenu à son tour une réalité historique, même si elle a peu à voir avec les hommes et les évènements eux-mêmes. Je souscris donc à la remarque d’Adolfo Gilly : «pour cette génération imaginative (celle de 1968), Che Guevara représentait l’incarnation du mythe révolutionnaire… Peu importe de savoir si cette image correspondait à la réalité de leurs idées (du Che et de ses influences). Il importe de noter que la simultanéité de la figure du Che parcourant le monde résumait l’esprit de 68 : on voyait en lui l’opposition au pouvoir avant celle de la lutte pour le pouvoir… Le Che n’était pas anarchiste, mais un homme qui renonçait à un pouvoir qu’il avait déjà perdu à Cuba pour essayer la conquête d’un autre qui reste encore à conquérir en Amérique du Sud. Il n’y a pas réussi»[11].

Quelques raisons qui peuvent permettre d’attribuer un aspect utopique et/ou libertaire au Che :

- La preuve principale serait sa renonciation au pouvoir d’État et sa démonstration «qu’il est possible de résister à l’intoxication du pouvoir»[12]. C’est en effet une des trop rares personnalités politiques qui abandonnent le pouvoir au plus haut niveau pour vivre leurs propres choix et garder leur autonomie. Mais il y en a eu d’autres, et notamment à Cuba comme les commandants Huber Matos (né en 1918) et Humbert Sorí Marín (1915-1961), ou encore Haydée Santamaria (1922-1980), une des premières révolutionnaires, qui refusa un haut poste, et qui, malgré son aveuglement fidéliste, finit par se suicider.

On ne saura peut être jamais si le Che n’a pas été incité à quitter ses postes officiels tant il commençait à vraiment déranger, où si les conflits internes dans l’appareil d’État ne le poussaient pas à la même extrémité. Il est sûr en tout cas que sa renonciation correspond à un moment où il devient minoritaire et battu dans la discussion «économique».

D’autre part ce refus du pouvoir central concerne seulement la fin de sa vie, pas les périodes militaires et étatistes assumées antérieurement, et sans compter que cela ne change rien sur sa philosophie marxiste et étatiste d’ensemble. Comme l’homme a forcément et sur certains points fortement évolué, on ne peut pas parler de lui sans préciser de quelle période on cause.

Enfin l’intégrité («intégralisme révolutionnaire»[13]), toujours rare et estimable, n’est pas le propre des seuls libertaires et peut aussi mener à une forme de fanatisme ou de vision monacale de l’engagement militant.

- En rejetant le pouvoir institutionnalisé, le Che en rejette également les fastes et les bibelots, les titres et les médailles, les avantages matériels excessifs ou non…

Dans les dernières années de sa vie surtout, il vit simplement, se contentant du strict nécessaire. Cette modestie intérieure et personnelle est effectivement un trait fort sympathique du Che. Il deviendrait ainsi un des premiers symboles anticonsuméristes[14] et fournit une autre belle image de l’intégrité des révolutionnaires de son temps. Cela est cependant contradictoire avec ses prises de positions productivistes. Le Che ne semble absolument pas un pré-écologiste ni un partisan de la décroissance.

Le refus des décorations est bien vivace également dans le mouvement anarchiste et parmi les penseurs libertaires, mais là aussi ils ne sont pas les seuls à l’assumer.

Sur un autre plan (peu respecté par ses descendants) le Che en s’opposant aux droits d’auteur d’appropriation privée est proche des positions libertaires et mutualistes (dans leur majorité) en la matière[15].

De la même manière son dédain vis-à-vis de l’héritage a des traits bakouniniens insoupçonnés puisqu’il se réjouit de ne laisser aucun bien matériel à ses enfants[16].

- Le Che apparaît comme un incorrigible rebelle, revendiquant sa totale autonomie d’agir et de penser. Ce côté un peu hérétique[17], libertaire et subversif est souvent mis en avant, mais c’est surtout et toujours – faut-il le préciser – dans le cadre du marxisme, ce qui en limite énormément la portée en terme libertaire.

Je pense que c’est ce point (symbole de la rébellion) qui est évoqué le plus souvent pour lier le Che à la pensée et l’action libertaire : celui d’un aventurier romantique, «de trait individualiste, anarchiste et rebelle» (Luciano Dottarelli)[18], avec le risque évident d’utiliser le terme «anarchiste» avec un sens trivial, médiatique, mais peu rigoureux sur le plan de la pensée. En tout cas l’autonomie de penser et d’agir est bien un trait que les libertaires mettent en avant, et que le Che a souvent pratiqué, surtout en fin de sa vie.

Enfin si on contextualise un peu, l’image qu’on a de lui est amplifiée par la révolte des sixties, et du Mai français ; sa mort est encore fraîche. Il va donc être d’une des incarnations de cette révolte iconoclaste d’une partie de la jeunesse d’alors. Le scandaleux et servile soutien de CASTRO à l’invasion de la Tchécoslovaquie cette même année profite en contre partie au Che qui serait le seul à avoir jusqu’au bout maintenu le drapeau de la révolte antiautoritaire.

- Le Che exprime un vitalisme et/ou un volontarisme utopique et radical qui peut le faire comparer à des penseurs révolutionnaires et à quelques anarchistes conséquents, peut être sur ce plan surtout l’italien Errico Malatesta (1853-1932) ou l’espagnol Buenaventura Durruti (1896-1936).

C’est ce que met en avant l’intellectuel libertaire argentin Osvaldo Bayer (né en 1927)[19], mais il évoque seulement le côté du militant «qui teinte la révolution d’utopie – tocar la revolución con la utopía» (titre de l’article en espagnol), en aucun cas il ne fait du Che un libertaire.

Le radicalisme volontariste n’est de toute manière pas l’apanage des seuls révolutionnaires ni des seuls anarchistes.

- Sur le plan tactique et/ou stratégique, le Che ne croit pas à la prise du pouvoir par les élections, surtout dans les pays latino-américains où le résultat de celles-ci peut toujours être renversé par un pronunciamiento[20]. L’affaire chilienne de 1973 lui a d’ailleurs donné raison rétrospectivement.

Le Che peut donc sembler proche des positions libertaires puisque celles-ci dénoncent la voie électorale comme insuffisante, mensongère et source d’un régime de délégation qui est trop éloigné de la démocratie directe (démocratie directe qui n’est en aucun cas une revendication de l’argentin).

Mais son refus peut aussi provenir de la crainte que les élections marginalisent son mouvement en donnant à d’autres forces et d’autres idéologies une prééminence jugée inacceptable au nom de sa propre vision de la révolution. On est proche alors de la position de Lénine vis-à-vis des élections en fin 1917 et de la Constituante en début 1918, et cela nous confirme qu’il est toujours difficile de distinguer les principes des positions tactiques.

- Pureté et dédition à la cause : «L’abnégation poussée jusqu’au sacrifice» pour le parti et pour la cause (Roberto Massari) ou la «dédition désintéressée à la cause» (Pier Francesco Zarcone) est parfois avancée également pour faire du Che un être cohérent et libertaire. Ce «modèle ascétique et sacrificiel»[21] nous renvoie plutôt à tous les messianismes, au Christ, et à des attitudes fanatiques nullement libératrices, qui ressortent plus du funeste netchaïevisme que de la pensée libératrice.

Quand on dit qu’il incarne «la pureté révolutionnaire», cela ne veut pas vraiment dire grand-chose si on ne définit pas de quelle révolution on parle et qu’elle pureté on évoque. Pour me faire comprendre, je prendrai l’exemple de Felix Dzerjinski (1877-1926), intègre, le meilleur de nous tous disaient parfois les bolcheviks, non carriériste… il est un révolutionnaire qui voue sa vie à la révolution, mais à celle incarnée par son parti, et à sa version la plus autoritaire et arbitraire. Il assume sans état d’âme puisqu’il est à la tête de la Tcheka, terrible institution fondée dès la fin 1917, juste après le coup d’État bolchevik. Le Che n’est pas Dzerjinski, mais il n’est pas non plus anarchiste ou libertaire assumé ; si on parle de sa pureté révolutionnaire, c’est au nom d’une interprétation partisane et utilitaire de la pureté ; politiquement ce n’est pas un critère anarchiste même si on l’applique parfois à Emiliano Zapata (1879-1919), à Ricardo Florès Magón (1874-1922) ou à Buenaventura Durruti. «Le don total à la révolution»[22] comme il l’exprime dans Le socialisme et l’homme à Cuba pourrait même paraître inquiétant, car il exprime une attitude acritique et unicentrée… alors que l’on devrait attendre d’un révolutionnaire libertaire son sens de l’ouverture, du pluralisme et sa modestie, et surtout le refus de l’abnégation totale, car forcément source ou légitimation de servitude.

Par contre il est clair que la revendication d’intégrité et l’adoption d’un mode de vie trop intègre peuvent déranger, surtout quand ils s’opposent au faste que d’autres s’octroient. La nouvelle direction cubaine n’a sans doute pas aimé le contre exemple que le Che offrait alors au monde.

Pour clore sur le problème de la pureté, il faut aussi rappeler que comme toute perfection, c’est une forme acritique et coupée du réel ; la vie est imperfection permanente, vitalisme pluriel… et non pureté figée.

- Le Che affiche un réel internationalisme ; c’est un apatride assumé qui passe de l’Argentine aux luttes guatémaltèques, mexicaines, cubaines, africaines et boliviennes sans état d’âme. Il ne sombre pas dans la rhétorique nationale ou nationaliste, que tous les dictateurs et pouvoirs autoritaires ont intégrée et utilisée, et que son modèle Joseph Staline (1879-1953) a perverti.

L’internationalisme est un des axes essentiels de la pensée socialiste révolutionnaire rigoureuse, anarchiste ou non, même si les anarchistes sont les plus nombreux à se dire par exemple apatrides ou citoyens du monde. La plupart des révolutionnaires et rebelles socialistes sont forcément internationalistes par principe, sauf ceux qui assumèrent la vulgate stalinienne invraisemblable du socialisme en un seul pays. Quasiment tous le sont aussi le plus souvent par choix délibéré ou par obligation : exil, émigration forcée… : ainsi, pour ne prendre qu’un exemple Michel Bakounine (1814-1876) a sans doute traversé autant de pays que le jeune Guevara.

- Le Che est (sur le tard seulement, donc pour une toute petite partie de sa vie) un des critiques de fond du système soviétique et du marxisme vulgaire, y compris au sein des dirigeants cubains. Il en dénonce la bureaucratie[23], le sectarisme, le dogmatisme, l’oubli de l’importance des superstructures et de la liberté et de la dignité, il s’oppose à une vision rigide du réalisme socialiste notamment sur le plan artistique.

Mais sa forte conscience du danger bureaucratique ne l’empêche pas de rester dans un cadre marxiste encore étonnamment traditionnel, dans lequel il ne remet pas vraiment en cause le rôle du parti ni la vulgate marxiste, par exemple, ce qui limite considérablement la portée de son anti-bureaucratisme. Il n’analyse pas les causes profondes de la dégénérescence de tout système autoritaire et étatique. Il reste sur des questions de conscience et de formation, pas sur l’analyse globale du système qui est à l’origine de la bureaucratisation.

Ses positionnements démocratiques et pluralistes existent mais ils restent balbutiants[24], quasiment jamais élaborés de manière prioritaire et développée ; «il est loin d’avoir une claire conception de la démocratie socialiste» note Michael Löwy (né en 1938). Certes on peut rappeler avec sympathie son refus en mai 1961 des enquêtes idéologiques sur les membres de l’administration[25]. A-t-il été entendu ?

- Le Che propose une vision «humaniste» du socialisme (marxiste seulement ?), qui tente de prendre en compte autant les intérêts des personnes que ceux de la société entière, qui cherche à englober tout le spectre de la vie communautaire (culturelle, économique, sociale) sans en oublier un aspect.

Il est sur ce plan incontestablement dans une mouvance marxiste plus ouverte et moins dogmatique. Cependant son écrit tardif Le socialisme et l’homme à Cuba (1965) qui est le plus cité, comporte beaucoup de traits traditionnels que bien des régimes dits socialistes n’auraient pas désavoués. Il avait fait sur moi bonne impression dans l’après 1968 ; en le relisant aujourd’hui (2013) il me semble intéressant mais sans le souffle libertaire que j’avais cru déceler un demi-siècle avant.

- La primauté de la morale, y compris face – comme il le dit – au socialisme trop économique (économiciste ?), rejoint la primauté de la Justice et de l’Éthique que les anarchistes depuis William Godwin (1756-1836), Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865) et Piotr Kropotkine (1842-1921)… mettent systématiquement en avant.

Certes, c’est une morale intégrée à une idéologie particulière (le matérialisme marxiste) mais elle rappelle parfois l’importance de la liberté, même si sans doute celle-ci est plus sociale qu’individuelle. Dans son souhait utopique «d’homme nouveau» (1965), l’individu est tout de même une entité en soi, ce qui parmi les mouvements liés aux socialismes autoritaires notamment russes ou chinois, demeure une belle rareté.

Mais il est loin sur ce plan tant sur le fond que par sa tardive prise de conscience, non seulement de l’anarchisme mais de tous les marxismes hétérodoxes qui se posent depuis longtemps la question.

- Le Che apparaît comme un penseur qui met les opprimés au centre de tout mouvement révolutionnaire, comme «sujets».

C’est la thèse optimiste, et peu prouvée dans les faits, de Giulio Girardi[26] dont l’article assimile encore socialisme et marxisme, même «cubanisé».

De fait son avant-gardisme et le rôle prioritaire du parti repoussent l’autonomie et l’initiative des masses dans des secteurs secondaires.

Pire, lors de l’expérience bolivienne, le foyer révolutionnaire du Che est coupé de tout mouvement de masse, surtout celui des mineurs pourtant actifs dans le pays, et quasiment de toute la paysannerie qui venait de se voir accorder plus de propriétés et qui défendaient cet acquis et non une vision collectiviste qui était désormais celle de GUEVARA[27].

- Comme Bakounine et tout le populisme russe, comme Nestor Makhno (1889-1934) en Ukraine, le Che mise d’abord (mais non exclusivement) sur la paysannerie ou les masses populaires comme sujet révolutionnaire, en analysant correctement la sociologie des pays en développement de son époque.

Sur ce plan il semble se distinguer du marxisme vulgaire et messianique qui fait du seul prolétariat le garant de l’avenir.

Mais si on le relit attentivement, cette paysannerie n’est absolument pas le vrai sujet du changement ; cela reste toujours le prolétariat, dont la dictature reste à assurer.

- Dans les engagements partisans, il fait preuve d’un égalitarisme et d’une fraternité. Celle-ci est parfois limitée par une vision très rigoriste des charges à effectuer, ce qui entraîne des punitions assez sévères pour les récalcitrants.

Le châtiment des privilégiés, des fauteurs de mauvais traitements et des accapareurs rappelle en ce domaine la sévérité de Makhno.

- Le foco – foyer révolutionnaire peut apparaître comme une utopie égalitariste en actes, d’autant plus qu’elle cherche aussi à préfigurer la société à venir, au moins sur le plan relationnel[28]. On pourrait donc la rattacher aux communautés et autres “colonies” libres, avec le côté militaire en plus.

C’est en tout cas une forme de propagande par le fait, qui peut être comparée aux tentatives insurrectionnalistes antérieures de la mouvance libertaire, comme en Italie (Bénévent), en Espagne (essais de 1932-1933), en Bulgarie, en Corée… pour ne prendre que quelques exemples.

- Sa vision de la révolution comme un phénomène ininterrompu renoue avec certains aspects du trotskisme, mais également avec la vision libertaire d’un processus qui refuse la glaciation et qui mise sur le mouvement permanent, la remise en cause constante, et l’adaptation aux nouvelles conditions. C’est aux hommes et femmes à venir de décider de leur sort.

Son idée du débat pluraliste au sein du socialisme est un des points forts de l’anarchisme, la diversité étant la vie dans sa diversité et la garantie d’éviter la sclérose en privilégiant la liberté. Mais pour le Che cela se limite surtout à la seule mouvance marxiste. Son pluralisme est donc bien discutable.

Le Che est cependant loin de l’anarchisme et de l’esprit libertaire pour de nombreux aspects :

- Il ignore (ou combat ou critique) les axes essentiels de la pensée anarchiste. Il y a une quasi-totale absence de prise de position sur l’autogestion (celle généralisée comme alternative au socialisme autoritaire et centraliste), sur l’antiétatisme (élément de base de la pensée anarchiste), sur la primauté de la liberté, sur la nécessaire cohérence moyens et fins, sur le socialisme par en bas, sur l’écologie sociale… Or ce sont les bases de l’anarchisme et de pratiquement toutes les pensées libertaires d’aujourd’hui. L’anarchisme était pourtant bien présent à Cuba puisqu’il y est implanté depuis le XIX° siècle, et qu’il a été revivifié avec l’arrivée de réfugiés espagnols surtout dans les années 1930-1940. Ces thématiques non assumées éloignent évidemment le Che de toute vraie pensée libertaire.

La seule évocation d’autogestion à Cuba, comme le rappelle Roberto MASSARI, concerne «la autogestión financiaria», petite autonomie comptable pour quelques entreprises dans le cadre étatique dominant. Toujours à Cuba on peut évoquer aussi les bribes de contrôle ouvrier, sans réalité, notamment autour du débat sur les CTC-Consejos Tecnicos Consultativos. Le Che connaît l’autogestion édulcorée et octroyée par l’État en Yougoslavie ; il en fait les éloges en 1959, mais la démonte totalement par la suite[29]. Curieusement, malgré l’amitié réciproque pour BEN BELLA et les voyages à Alger, le Che semble également méconnaître les expérimentations autogestionnaires qui perdurent en Algérie durant toutes les années 1960. De toutes manières ces 3 expérimentations, qui ont eu le mérite d’exister, ne sont pas libertaires, elles sont octroyées, et restent dans un cadre rigide et autoritaire, sans compter leur aspect trop partiel.

On peut penser que le Che ignore (ou réfute sciemment ?) quasiment toute la tradition marxiste hétérodoxe, conseilliste et libertaire. Pire peut-être, son engagement marxiste se fait en pleine tourmente libertaire dans les pays dits socialistes : révolte ouvrière de Berlin en 1953, révoltes hongroise et polonaise de 1956, sursauts après la mort de Staline en URSS… Sa rébellion internationaliste si souvent avancée apparaît donc à spectre limité.

D’autre part, ce qui est très étonnant pour un rebelle argentin, le Che semble également ignorer l’important mouvement anarchiste et anarcho-syndicaliste de son pays, dominant encore dans les années 1920 : ni la FORA, ni les écrits de l’hispano-argentin Diego Abad de Santillán (1897-1983) – pour ne prendre que ces deux exemples – ne semblent jamais cités ou analysés. Le Che lui-même à plusieurs reprises rappelle son faible engagement militant en Argentine, et forcément sa méconnaissance globale de la riche pluralité du mouvement social de ce pays natal, malgré le rôle très ouvert de sa famille, notamment sa mère. Il semble même qu’il reste longtemps bienveillant, certes sans illusion, vis-à-vis du péronisme et de son leader autocratique.

Il manifeste son empathie aux peuplades indigènes, mais il ne semble pas le faire avant le milieu des années 1950. A-t-il vraiment tenu compte de leurs revendications et de leur culture aux traits parfois libertaires (assembléisme, revendication de l’intégrité, minoration du pouvoir…) ; je n’ai pas l’impression, d’autant que malgré son long passage mexicain, il n’a pas pris en considération l’importance du zapatisme et surtout du magonisme sur cette problématique. Le bel ouvrage d’Humberto Vázquez Viaña (1937-2013) montre la méconnaissance quasi-totale du Che pour la réalité indigène (quechuas et ava-guaranis) et métisse (combas et collas) bolivienne du secteur où il a décidé d’implanter son ultime combat révolutionnaire[30].

De même il est très loin des exemples alternatifs qu’ont été les collectivisations espagnoles de 1936-1938. Daniel Guérin l’avait déjà affirmé dès 1968[31]. C’est d’autant plus étonnant que son milieu familial a été très engagé dans le soutien à l’Espagne républicaine, et qu’en Argentine les soutiens libertaires n’ont pas manqué. Or en matière d’autogestion généralisée, le mouvement autogestionnaire espagnol a été le plus important numériquement et géographiquement, et le plus en profondeur de toute l’histoire sociale mondiale ; cette très importante lacune tient évidemment au fait qu’elle est liée massivement au mouvement anarchiste et libertaire au sens large, et qu’elle est rejetée ou caricaturée par la plupart des marxistes, hormis ceux du POUM et ceux de l’aile gauche socialiste espagnole, qui y ont participé. En juin 1961 le Che accueille officiellement l’officier communiste espagnol Enrique Líster (1907-1994) à Cuba ; peut-il ignorer qu’il fut un des fossoyeurs du socialisme libertaire aragonais en 1937, ces tanks ayant contribué à écraser maintes collectivités ?

Il faut donc très fortement limiter l’éclectisme souvent cité dans la formation du Che, car si cela est vrai en littérature, c’est pratiquement absent au niveau politique hors du cadre du marxisme que progressivement il assimile. Pier Francesco Zarcone, dans un article en faveur du Che[32], minorise le rôle de ces courants en rappelant la forte domination à son époque du marxisme établi ; cela est vrai mais il faudrait plus fortement nuancer. Depuis la mort de Staline et la réémergence de pensées et mouvements plus diversifiés (révoltes dans le camp dit socialiste, autogestions, non alignés, socialisme et barbarie, surréalisme libertaire, communismes de conseil…), il y avait beaucoup d’autres références possibles qu’il ignore ou mésestime, même au sein du marxisme : que pense-t-il de Victor Serge (qui a été réfugié au Mexique), de Luce Fabbri qui a fait souche en Uruguay et du Retour de l’URSS d’André Gide (1869-1951)? A-t-il lu – pour rester dans le marxisme hétérodoxe et plus ou moins libertaire – Herman Gorter (1864-1927), Otto Rühle (1874-1943), Anton Pannekoek (1873-1960), Anton Ciliga (1898-1992), voire même Rosa Luxembourg (1871-1919)… ? En tout cas il ne lui en reste pratiquement rien.

Après son éloignement du marxisme russo-soviétique, vers 1963-64, le Che se tourne surtout (je parle des pensées socialistes) vers les écrits de STALINE, TROTSKI et MAO : étonnant mélange. Pour un anarchiste, cela signifie tomber de Charybde en Scylla. Il y a là continuité idéologique au sein du marxisme et absence de réel pluralisme de pensée, ce qui contredit fortement tous les présentations favorables sur ce point au Che.

- Son acceptation globale des méthodes léninistes (rôle majeur de l’État, parti unique et mise au pas et étatisation des syndicats[33]), partidaires et avant-gardistes (pour faire simple) n’est pratiquement et surtout théoriquement jamais remise en cause, seulement modulée.

Che Guevara (comme Raúl Castro et sans doute beaucoup plus qu’on ne le croit Fidel lui-même) est un des rares marxistes de la révolution cubaine, et au départ il est proche des mouvements communistes institutionnels mondiaux, donc dans une ligne fort orthodoxe et pro-«soviétique». Pour la plupart des analystes, dont Carlos Franqui (1921-2010), il a même eu une phase stalinienne affirmée[34], et a contribué à introduire les militants du parti communiste dans ses troupes, y compris aux pires postes lors de l’épisode de la Cabaña : Osvaldo Sánchez dirige le peloton d’exécution ; or Fidel et Raúl Castro savent, comme le Che, que Sánchez est un agent moscovite[35]. Il ne peut pas ignorer non plus que la famille Mercader (dont un des fils est le sinistre assassin de Trotski), tiennent un certain rôle dans la Sûreté cubaine. L’infiltration communiste touche l’armée, les syndicats, l’administration, les milices… dès la victoire assurée[36]. Le Che a admiré le «compagnon Staline» rappelle Giulio Girardi et a eu une «particulière admiration pour le socialisme chinois et pour la figure de Mao TseToung» [37] ; comme l’écrit Carlos Franqui il est passé du dogme soviétique au dogme chinois puis au dogme vietnamien. Dans les Carnets de Prague il se réfère encore à Staline : nous sommes en 1966 ; terrible référence, inadmissible sur le plan des libertés et foncièrement passéiste. Il a pourtant évolué, plus ou moins rapidement, surtout après son passage au ministère de l’industrie. Il lit Trotski (1879-1940 qu’il connaît aussi par Ernest Mendel 1923-1995 et Isaac Deutscher 1907-1967) mais aussi Friedrich Engels (1820-1895), et encore Staline et des ouvrages maoïstes pendant les derniers moments de sa vie. Cependant il ne possède pas ou peu d’ouvrages libertaires ni ceux du marxisme critique antiautoritaire[38]. Il a peut être lu les Mémoires de Kropotkine au Guatemala[39] ? D’après Orlando Borrego le Che aurait lu quelques auteurs du socialisme utopique, peut-être même Charles Fourier (1772-1837), mais son intérêt «passionné» se porte surtout sur Edward Bellamy (1850-1898 ; Looking Backward 2000-1887 date de 1889) qui appartient au genre des utopies centralistes, pas à celui des utopies libertaires[40]. En plus de Fourier, les rares écrivains plus ou moins libertaires lus par le Che[41] semblent se résumer au russe Léon Tolstoï (1828-1910), au français Anatole France (1844-1924), à l’italo-argentin José Ingenieros (1877-1925), à l’espagnol Pio Baroja (1872-1956)…

Son rejet de la NEP (choix pourtant léniniste) et du lopin kolkhozien, pour prendre deux exemples, n’est qu’un rejet dogmatique de toute trace de capitalisme qu’il décèle ; même si dans le fameux débat économique des années soixante il dénonce un économisme peu soucieux de la réalité sociale, il ne semble jamais vraiment prendre en compte prioritairement les besoins des populations, tant en terme de mieux être économique que de revendication démocratique : la volonté de 3° révolution qui apparaît chez les paysans qui accompagnent Makhno comme chez les marins et ouvriers portuaires de Kronstadt doit être pour lui une hérésie. La vision hérétique et humaniste du Che est donc sur ce plan très peu développée.

Bref son léninisme (voire marxisme-léninisme assumé comme une «profession de foi»[42]) ne lui procure guère de doute sur la nécessaire étatisation et centralisation et la légitimation du parti unique, même s’il peut constater le passéisme sclérosé de l’ancien PC cubain (PSP) et les incohérences et la bureaucratisation du parti cubain quelles que soient ses appellations (ORI-Organizaciones Revolucionarias Integradas, PURSC-Partido Unido de la Revolución Socialista de Cuba, puis surtout après le Che, PCC-Partido Comunista Cubano). Même s’il reconnaît quelques erreurs, le Che pense toujours que l’État nouveau (celui édifié par les révolutionnaires) est forcément moteur de l’émancipation ; on reste stupéfait par le rôle acritique qu’il donne aux institutions éducatives d’État dans la création de l’homme nouveau[43]. Son aveuglement global sur les pays dits socialistes, sa méconnaissance de la réalité vécue dans ces pays de l’Est, sa faible analyse de l’institution étatique et en son sein des mécanismes de renforcement du pouvoir, alors que libertaires et marxistes hétérodoxes ont déjà tant œuvré sur ces aspects, contribuent à le ranger parmi les marxistes archaïques et absolument non libertaires.

Anti-libertaire également (hormis pour une frange des plateformistes et quelques néo-bakouninistes) reste la primauté absolue toujours accordée au prolétariat (mythifié par le marxisme) au détriment d’une classe paysanne jugée arriérée et surtout apte à servir de masse de manœuvre à la révolution[44]. On peut dire la même chose de son avant-gardisme constamment affirmé : celui de la guérilla, celui du parti, celui des jeunes communistes[45]… Bakounine avec sa manie des sociétés secrètes disait à peu près les mêmes choses, à l’énorme différence près que sont avant-gardisme n’avait rien à voir avec la volonté de prise de pouvoir et avec la priorité accordée à l’action politique.

- Dans son analyse de l’URSS et de son évolution, il semble d’une grande rigidité théorique et idéologique, n’analysant les résultats qu’en fonction des visions marxistes traditionnelles. Il fait même du Capital une sorte de bible des temps moderne, le considérant comme «monument historique» (Carnets de Prague, 1966) malgré quelques nuances qu’il y apporte parfois.

De la même manière sa dénonciation de la bureaucratie s’en prend plus aux excès de celle-ci et à sa fossilisation qu’à son existence même. Il reste dans une logique centraliste et étatiste sans proposer de solutions alternatives démocratiques et autonomes : démocratie ouvrière[46] ou autogestion. Il évolue cependant vers une conception plus démocratique de la planification, mais c’est loin d’être achevé[47], et très balbutiant notamment lorsqu’il dit que le plan «doit arriver à la base» (et non l’inverse comme cela devrait être)[48].

Comme le note Sam Farber dans l’article cité, même sa position sur les stimulants éthiques par rapport aux stimulants matériels est erronée et inefficace, car les producteurs ne sont vraiment stimulés que quand ils travaillent pour eux et quand ils ont le pouvoir réel et le contrôle du travail. Aucune de ses caractéristiques ne se trouvent réalisées à Cuba ni vraiment revendiquées dans les écrits du Che.

Le Che n’est pas sensible aux quelques prises spontanées des terres et à la revendication traditionnelle paysanne du partage égalitaire (qui existent aussi dans l’Algérie de 1961-1962). Les succès économiques des lopins de terre kolkhoziens en URSS auraient dû pourtant être plus analysés et s’il s’était penché sur l’autogestion espagnole il aurait découvert des communautés collectivistes ou communistes qui acceptaient le pluralisme, y compris en intégrant des petits propriétaires privés.

- Son autoritarisme, son centralisme politique et économique, et un certain dogmatisme apparaissent à différents moments : dans la guérilla, lors de la prise du pouvoir à Cuba, dans ses charges officielles (Département de l’industrialisation de l’INRA, Banque Centrale, Ministère de l’Industrie…), etc. Cela causa quelques difficultés, par exemple avec l’esprit spontanément «anarchiste des jeunes paysans» partisans comme le relate Antonio Moscato[49]. «Il aime le pouvoir et la renommée» se rappelle Carlos Franqui[50].

Comme il estime que Marx propose une lecture froide du monde tel qu’il est (alors que Marx comme tout penseur se livre à une interprétation de la réalité) et comme il ne voit vraiment d’aliénation que dans le système capitaliste (alors que celle-ci vaut pour tous les systèmes et surtout pour ceux dits “communistes” qui dénaturent et détruisent l’idéal proposé), son dogmatisme systémique reste in fine omniprésent malgré quelques belles lueurs de lucidité.

Sa vision du capitalisme reste foncièrement économiciste, malgré quelques lueurs notamment sur la notion d’aliénation. Le Che qui condamne l’archaïsme (supposé) proudhonien aurait dû mieux le lire, et comprendre que la société de domination qu’il veut renverser repose autant sur l’État, le Capital que l’Église – la fameuse trinité du bisontin. Si on révolutionne la puissance bourgeoise, mais qu’on conserve la domination étatique et idéologique (certes sous une autre forme), on ne peut pas détruire la société traditionnelle ni mettre l’homme et la liberté au centre.

- Sa brutalité, son acceptation de la peine de mort, son sectarisme et son autoritarisme sont d’autres traits de son caractère, même s’ils ne sont pas permanents. Il peut donc apparaître comme «terrible sectaire» et «implacable persécuteur»[51].

L’exemple souvent avancé tient compte de sa gestion personnelle et autoritaire du premier territoire libéré, El Hombrito.

On peut ajouter sa froide (en apparence) participation à une répression et à une justice expéditive (début 1959), certes limitée, mais aveugle et antihumaniste au niveau de la «justice d’État». Cela rappelle quelques exécutions sommaires des épisodes de la guérilla. Il aurait validé plusieurs dizaines d’exécutions (entre 70 et 200 à la Cabaña selon les sources), et contribué à des méthodes détestables : sévices moraux ou simulacres d’exécutions ; on comprend mieux qu’il fut apparemment parfois nommé carnecerito-petit boucher[52]. Même lorsqu’il ne participe pas directement à ces méfaits, en tant que membre de la direction collective au plus haut niveau, il en porte tout de même la responsabilité (partagée). Même si par moment il a su faire preuve de clémence et d’humanité, cela ne le dédouane pas pour autant des autres exactions. Il est loin du courage humaniste d’un autre commandant, Félix Lugerio Pena qui s’oppose aux exécutions sommaires, et qui désavoué par Castro, choisit le suicide en février 1959. Il semble que meurt de la même manière un autre commandant et important responsable du Ministerio del Interior (MININT), Eddy Suñol, après s’être à son tour levé contre le système policier qui s’étend rapidement sur l’île.

Dans le même ordre d’idée, il faudrait sans doute également approfondir la croyance du Che en la réhabilitation socialiste que permettraient les camps de rééducation (dont il est un des fondateurs à Cuba), comme celui de Guanahacabibes. Ces camps dits de redressement collectifs semblent se généraliser dès 1960. La prison, même socialiste et même humanisée, n’a jamais vraiment produit de bonnes choses. La vision anarchiste sur ce thème est donc contraire à toute l’expérience des États dits socialistes, Cuba compris.

En ce qui concerne le sectarisme, que le Che a lui-même reconnu, il s’applique surtout aux révolutionnaires non-marxistes, particulièrement les démocrates et autres militants du Mouvement du 26 Juillet.

- Son centralisme économique des débuts, même s’il revient partiellement dessus par la suite, est aux antipodes des visions libertaires et/ou autogestionnaires.

Pire, en privilégiant pendant un temps l’industrie lourde dans un pays non adapté, il reproduit partiellement les pires phénomènes des pays de l’Est.  «Peut-être même plus que Castro, Guevara plaida pour une économie fortement centralisée où il n’y avait aucune place pour quelque contrôle ouvrier que ce soit[53]».

- Lorsqu’il est au pouvoir, il contribue à centraliser aussi les moyens de communication, et de fait participe à la limitation de la liberté d’expression.

Il ne semble pas avoir soutenu l’organe culturel assez indépendant Lunes de Revolución, qui est vite interdit. Il apprécie pourtant un de ses animateurs Carlos Franqui, ami du responsable du journal, l’écrivain Guillermo Cabrera Infante (1929-2005).

On peut dire la même chose sur le plan artistique. Malgré un fort timide remise en cause du modèle réaliste socialiste[54], il semble dénier à l’art et aux artistes le droit à la liberté entière. Sur ce plan il est à des années lumières d’un Trotski, pourtant absolument pas libertaire, qui avait imposé à un André Breton (1896-1966) pourtant plus libertaire que lui, la nécessité de refuser toute contrainte en matière artistique (1938 – effort de création d’une Fédération Internationale pour un Art Révolutionnaire Indépendant).

- La fréquente volonté du Che de réduire la lutte révolutionnaire à la guérilla rurale n’est quasiment jamais partagée par l’anarchisme. La primauté accordée à une forme autoritaire et violente du changement social comme la guérilla, l’action militaire et parfois le terrorisme (même s’il a des positions divergentes sur ce thème) est plus proche des pratiques putschistes que de celles du mouvement de masse. Guérin parlait lui à juste titre de conception «blanquiste» de la révolution[55].

Certes sa pensée est plus riche, mais ce thème revient souvent comme le note Michael LOWY[56]. Or la guérilla est bien une guerre, une forme minoritaire, violente et autoritaire de promouvoir le changement social. Les libertaires acceptent (avec forte réticence) l’utilisation de la violence (tout à la fois défensive et offensive) sans pourtant en faire une méthode neutre ni exempte de danger, ni exclusive. On y risque d’accentuer la distance entre moyens et fins, ce qui est foncièrement anti-libertaire. Discrètement, Osvaldo Bayer dans l’article cité de 1997 propose de partir du volontarisme du Che, mais de s’inspirer d’autres mouvements du temps présent, et en évoquant le Chiapas néo-zapatisme, il contribue à dénoncer sans le dire le léninisme et la vision militaire du Che.

Sur le fond, le choix prioritaire du Che pour la guérilla rurale semble paradoxal et peu défendable : l’action des révolutionnaires est forcément plus pluraliste, à fronts multiples, et plus territorialement dispersée, sans forcément se faire ici les laudateurs de la primauté du prolétariat urbain qui est évidemment un schématisme tout aussi dommageable.

- Ses interventions au Congo et en Bolivie, même marquées par un généreux internationalisme, ressemblent trop aux expéditions de ces missionnaires armés de la révolution française, qui somme toute restent étrangers à la réalité locale. Les guérilleros apparaissent, à tort ou à raison, comme des donneurs de leçons.

L’isolement et l’incompréhension, et les désastres militaires et politiques, en furent la logique conséquence.

- Il semble peu en phase avec le féminisme, reste dans des généralités (certes estimables – égalité des droits et des devoirs notamment révolutionnaires) sur les femmes, et paraît parfois assez traditionnaliste, voire machiste, dans ses relations avec elles[57], mais les témoignages et analyses ne concordent pas. Par exemple Alain AMMAR rappelle sa condamnation du «ménage bourgeois» dont il moins «d’affinités qu’avec une baleine» et cite son côté libertaire favorable aux amours multiples : «Je vis avec cet esprit anarchiste qui me fait rêver d’horizons…»[58].

Sur le plan sexuel, il semble plutôt traditionnel, et là encore peu en phase avec la volonté anarchiste d’amour libre et de pluralité des comportements et des partenariats.

Un vrai rebelle libertaire aurait crié haut et fort son soutien à cette liberté et son refus de toute discrimination, notamment vis-à-vis des homosexuels qui a Cuba ont payé un lourd tribut, déjà du temps du Che. Son manque d’empathie et son silence sur ce plan sont terribles et laissent une forte image anti-libertaire.

- En effet, le Che manque assez souvent de solidarité avec ceux qui sortent de la norme ou qui ne partagent pas son marxisme et son suivisme vis-à-vis de Castro :

à les rebelles cubains non marxistes : polémique injustifiée avec René Ramos Latour (1932-1958), incompréhension pour l’hétérodoxie idéologique de son ami Camilo Cienfuegos (1932-1959), attitude honteuse par rapport à Huber Matos, faible soutien aux difficultés de Carlos Franqui en 1962-63…

à les minorités sexuelles, les hippies et autres marginaux, surtout lors de la campagne menée par le super policier stalinien Ramiro Valdés.

à les anarchistes et autres libertaires cubains.

à les spécialistes plus ou moins libertaires de la guérilla, comme Abraham Guillén (1913-1993), qu’il a pourtant rencontré.

En citant ce dernier, issu de la guerre civile espagnole et de l’anarchisme ibérique, on peut rappeler que les parallèles avec les antécédents libertaires : makhnovtchina et colonnes libertaires espagnoles, sont trop rarement effectués. Durruti, Cipriano Mera (1897-1975) ou les stratèges de la Colonne de fer valencienne semblent vraiment des inconnus pour un Che dont les œillères apparaissent nombreuses.

- Le véritable culte ou aveuglement que voue le Che à Fidel CASTRO est une autre preuve de sa différenciation avec celles et ceux qui se proclament sans dieu ni maître. Certes il faut prendre en compte l’époque et faire la part de l’emphase du discours, de la chaude tonalité latino-américaine et de la tradition ibérique des titres… mais les louanges parfois confinent à l’idolâtrie.

Si on doit conclure, le Che n’est absolument pas anarchiste ce qu’on savait déjà. Il est bien peu libertaire (sauf en de rares moments de sa vie et dans de rares thématiques dédiées). Il reste dans un monde clos, le marxisme étatique, même s’il l’ouvre parfois et l’humanise avec ses propositions d’homme nouveau et une certaine liberté de penser. Il ne pose jamais réellement la question du pouvoir, et la nécessité qu’il soit exercé par en bas, et non verticalement. S’il avait pris ou conservé le pouvoir sa formation idéologique, même ouverte, aurait sans doute contribué à renforcer un régime et un État qui auraient été aux antipodes de celui rêvé par les anarchistes, et ces derniers auraient été sans doute les premiers éliminés[59], comme cela s’est produit dans tous les régimes dits socialistes, et à Cuba même, très rapidement.

Cependant quelques tendances du guévarisme le présentent libertaire, parfois avec justesse, surtout si on le fait de manière blochienne (Ernst BLOCH 1880-1959), comme pulsion utopique libératrice, ou comme validation de toute nécessaire hétérodoxie. Mais cela me semble tout compte fait assez marginal. Son utopie réelle reste ancrée dans la tradition centraliste et étatique, priorisant la planification autoritaire, et parfois s’inspirant de pensées économicistes (comme sa confiance dans les critères mathématiques ou la priorité à l’industrie lourde).

Pourtant son image rebelle, christique et intègre et le romantisme révolutionnaire qu’à tort ou à raison il incarne font que le Che innerve tous les courants – y compris quelques tendances de l’anarchisme surtout celles se réclamant du plateformisme – quand il est pris plus comme symbole de rébellion et d’action directe que comme théoricien et homme d’État.

La remise en avant récente de sa jeunesse bohème et «beat», surtout ses voyages de découvertes, ont largement contribué à augmenter la mythification en ce sens du Che.

Qu’il soit libertaire ou pas devient donc parfois secondaire : on peut trouver chez le Che des éléments sympathiques et motivants, partager certains de ses rêves, et ce n’est pas rien. Cela n’empêche pas de rester ferme contre tout autoritarisme, tout centralisme, tout caudillisme et tout étatisme sclérosant qu’il a contribué à renforcer, malgré toutes les nuances apportées. Et surtout cela nécessite de ne pas galvauder termes et concepts qui ont des sens précis.

Michel Antony

michel.antony@wanadoo.fr

25/09/2013


[1] Gallegos Luis Alberto (BETO) Che Guevara : el mito como forma de dominación, Montevido: 4pA4, ?

[2] Guérin Daniel Où va la révolution cubaine ? (janvier 1968), -in-Pour un marxisme libertaire, Paris: Robert Laffont, p.221-238, septembre 1969, p.230-231

[3] Massari Roberto Che Guevara : pensiero e politicà dell’utopia (1987), Bolsena: Massari, 544p, rivista & bibl. ampliata, 1994, p.415

[4] Guérin Daniel Où va la révolution cubaine ? (janvier 1968), -in-Pour un marxisme libertaire, Paris: Robert Laffont, p.221-238, septembre 1969, p.225

[5] Santarelli Enzo Ernesto Guevara. Ritratto di un contemporaneo (1998), -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara, Speciale Contro la privatizzazione delle opere del Che, Bolsena: Massari, a.VI-VIII, n°6, 416p, 2004-2006, p.17

[6] Fondazione Ernesto Che Guevara Contact : Massari Editore, CP89, 01023 Bolsena (VT) ITALIA
che.guevara@enjoy.it & http://www.enjoy.it/che-guevara/

[7] Massari Roberto Le ragioni di un uomo e di una neonata fondazione, -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Bolsena: Massari, a.I, n°1, p.09-10, 1998

[8] Taibo II Paco Ignacio Ernesto Guevara, una puesta al día (2009), -in-Quaderni della fondazione Che Guevara, Bolsena: Massari, n°8, 2009-2010, p.42

[9] Ammar Alain Le Che, Paris: Éditions Hugo & Cie, collection Phare’s, 320p, 2011, p.249

[10] Massari Roberto Periodizzare il Che e il socialismo (per capire entrambi), -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Speciale Paesi dell’Est, Bolsena: Massari, a.IV, n°4, p.96-101, 2001

[11] Gilly Adolfo 1968 : aux frontières de la rupture, -in-Utopie critique, Paris: Syllepse, n°2, p.05-18, mars-avril-mai 1994, p.16

[12] Massari Roberto Guevara per sempre, -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara, Speciale Contro la privatizzazione delle opere del Che, Bolsena: Massari, a.VI-VIII, n°6, 2004-2006, p.29

[13] Preve Constanzo Il marxismo vissuto del Che, -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Speciale Guevara scrittore, Bolsena: Massari, a.V-VI, n°5, 2002-2003, p.38

[14] Massari Roberto Il nostro Che Guevara, -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Bolsena: Massari, a.I, n°1, p.29-36, 1998

[15] Cf. Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara, Speciale Contro la privatizzazione delle opere del Che, Bolsena: Massari, a.VI-VIII, n°6, 416p, 2004-2006, surtout p.106 & p.310

[16] Cf. Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Speciale Per il 40° della morte… e per l’80° della nascita, Bolsena: Massari, a.IX-X, n°7, 416p, 2007-2008, p.27

[17] Cf. Karol K.S. Il Che dall’ortodoxia all’eresia, -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Speciale Paesi dell’Est, Bolsena: Massari, a.IV, n°4, p.225-239, 2001

[18] Dotarelli Luciano Tra Rousseau e Martín Fierro. Radici profonde del pensiero di Ernesto Che Guevara, -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Speciale Paesi dell’Est, Bolsena: Massari, a.IV, n°4, p.13-18, 2001, p.17

[19] Bayer Osvaldo L’incontro de due argentini (1997), -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Speciale Argentina, Bolsena: Massari, a.III, n°3, p.219-224, 2000

[20] Guevara Che Le socialisme et l’homme, Paris: Petite collection Maspéro, 136p, 1968, p.32

[21] Moreno María Apertura de Jacoby Roberto (compilado por) Jornadas Fourier, Buenos Aires: Centro Cultural Rector Ricardo Rojas, Libros del Rojas, p.05-10, 2006, p.08

[22] Guevara Che Le socialisme et l’homme à Cuba, -in-Le socialisme et l’homme, Paris: Petite collection Maspéro, 136p, 1968, p.87

[23] Cf. son Guevara Che Contra el burocratismo, 18/02/1963 discuté par Rocco Primavera dans Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Speciale Argentina, Bolsena: Massari, a.III, n°3, 400p, 2000, p.256-257 surtout

[24] Löwy Michael Il Che alla ricercha di un nuovo socialismo, -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Speciale Paesi dell’Est, Bolsena: Massari, a.IV, n°4, p.59-64, 2001

[25] Massari Roberto Che GUEVARA : pensiero e politicà dell’utopia (1987), Bolsena: Massari, 544p, rivista & bibl. ampliata, 1994, p.134

[26] Girardi Giulio Critica revoluzionaria del socialismo reale et critica marxista del marxismo dogmatico, -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Speciale Paesi dell’Est, Bolsena: Massari, a.IV, n°4, p.73-95, 2001, p.95

[27] SAUVAGE Léo La guerilla et l’homme en Bolivie, ou la seconde faillite du Ché, -in-Le cas GUEVARA, Paris: La Table Ronde, p.158-166, 1971

[28] C’est la thèse de Siles Del Valle Juan Ignacio Testimonianza, emarginazione sociale e utopia nella guerriglia di Ñancahuazú, -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Speciale sulla Bolivia, a.II, n°2, Bolsena: Massari, p.182-187, 1999

[29] Massari Roberto Che Guevara : pensiero e politicà dell’utopia (1987), Bolsena: Massari, 544p, rivista & bibl. ampliata, 1994, p.246 et suivantes

[30] VÁZQUEZ VIAÑA Humberto Cambas, collas y chiriguanos en la guerrilla del Che, Santa Cruz de la Sierra: Heterodoxia, Editorial El país, 94p, 2012, notamment p.74 & 78

[31] Guérin Daniel Où va la révolution cubaine ? (janvier 1968), -in-Pour un marxisme libertaire, Paris: Robert Laffont, p.221-238, septembre 1969, p.224

[32] Zarcone Pier Francesco Gli anarchici a Cuba e il Che. Riflessioni di un comunista anarchico su Guevara
-in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Speciale Per il 40° della morte… e per l’80° della nascita, Bolsena: Massari, a.IX-X, n°7, p.168-193, 2007-2008, p.178-179

[33] Farber Samuel La situation à Cuba et la gauche aujourd’hui, -in-Utopie critique, Paris: Syllepse, n°2, p.53-64, mars-avril-mai 1994, p.61

[34] Franqui Carlos Discrepanze e coincidence tra Castro e Guevara, -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Bolsena: Massari, n°8, p.85-88, 2009-2010

[35] Franqui Carlos Vie, aventures et désastres d’un certain Fidel Castro (1988), Paris: Belfond, 360p, 1989, p.139

[36] Franqui Carlos, 1989, op.cit., p.109-110

[37] Girardi Giulio Critica revoluzionaria del socialismo reale et critica marxista del marxismo dogmatico, -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Speciale Paesi dell’Est, Bolsena: Massari, a.IV, n°4, p.73-95, 2001, p.74 & 75

[38] Cf. liste des ouvrages lus et à lire en Bolivie -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Speciale sulla Bolivia, a.II, n°2, Bolsena: Massari, p.259-261, 1999

[39] Massari Roberto Che Guevara : pensiero e politicà dell’utopia (1987), Bolsena: Massari, 544p, rivista & bibl. ampliata, 1994, p.90

[40] Diálogo con Orlando BORREGO, -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara, Speciale Contro la privatizzazione delle opere del Che, Bolsena: Massari, a.VI-VIII, n°6, 416p, 2004-2006, p.235-236

[41] Cf. par exemple Soria-Galvarro Carlos Los libros : compañia inseparable del Che, -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara, Speciale Contro la privatizzazione delle opere del Che, Bolsena: Massari, a.VI-VIII, n°6, p.286-294, 2004-2006

[42] Massari Roberto Che Guevara : pensiero e politicà dell’utopia (1987), Bolsena: Massari, 544p, rivista & bibl. ampliata, 1994, p.136

[43] Guevara Che Le socialisme et l’homme à Cuba, -in-Le socialisme et l’homme, Paris: Petite collection Maspéro, 136p, 1968, p.94

[44] Cf. l’exposé intéressant fait par Massari Roberto Che Guevara : pensiero e politicà dell’utopia (1987)
Bolsena: Massari, 544p, rivista & bibl. ampliata, 1994, p.165

[45] Guevara Che Qu’est-ce qu’un jeune communiste ? 1962, -in-Le socialisme et l’homme, Paris: Maspéro, 1968, p.35

[46] Cf. les remarques de Martín Hernández à ce propos dans Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Speciale Per il 40° della morte… e per l’80° della nascita, Bolsena: Massari, a.IX-X, n°7, 416p, 2007-2008, p.44

[47] Cf. Löwy Michael Il socialismo secondo Guevara, -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Speciale Per il 40° della morte… e per l’80° della nascita, Bolsena: Massari, a.IX-X, n°7, p.49-51, 2007-2008

[48] Signalé par Massari Roberto Che Guevara : pensiero e politicà dell’utopia (1987), Bolsena: Massari, 544p, rivista & bibl. ampliata, 1994, p.222

[49] Moscato Antonio Testimonianze sull’uomo GUEVARA, -in-Che GUEVARA-Quaderni della Fondazione Che Guevara Bolsena: Massari, a.I, n°1, p.67-82, 1998, p.70

[50] Franqui Carlos Cuba, la rivoluzione: mito o realtà ? Memorie de un fantasma socialista, Milano: Baldini Castoldi Dalai, 628p, 2007, p.410

[51] Franqui Carlos Vie, aventures et désastres d’un certain Fidel CASTRO (1988), Paris: Belfond, 360p, 1989, p.246

[52] AMMAR Alain Le Che, Paris: Éditions Hugo & Cie, collection Phare’s, 320p, 2011, p.62

[53] Farber Samuel La situation à Cuba et la gauche aujourd’hui, -in-Utopie critique, Paris: Syllepse, n°2, p.53-64, mars-avril-mai 1994, p.61

[54] Guevara Che Le socialisme et l’homme à Cuba, -in-Le socialisme et l’homme, Paris: Petite collection Maspéro, 136p, 1968, p.102

[55] Guérin Daniel Où va la révolution cubaine ? (janvier 1968), -in-Pour un marxisme libertaire, Paris: Robert Laffont, p.221-238, septembre 1969, p.233

[56] Lowy Michael L’inoubliable figure du Che, -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Bolsena: Massari, n°8, p.32-35, 2009-2010, p.33

[57] Cf.D’andrea Antonio Ernesto Che Guevara ovvero l’incapacità di amare le donne, -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Speciale Argentina, Bolsena: Massari, a.III, n°3, p.300-304, 2000

[58] Ammar Alain Le Che, Paris: Éditions Hugo & Cie, collection Phare’s, 320p, 2011, p.150

[59] Cf. l’analyse froide et à charge de l’ancien compagne de Régis Debray, Burgos Elizabeth Deconstruzione di un mito, -in-Che Guevara-Quaderni della Fondazione Che Guevara Speciale Argentina, a.III, n°3, Bolsena: Massari, p.32-36, 2000


Enrique   |  Histoire, International, Politique   |  09 25th, 2013    |