Le fils Castro, un rouge sur le green
La victoire de l’un des fils de Fidel à la Coupe de golf de Montecristo pourrait attirer les investisseurs mondiaux vers ce sport autrefois honni par la révolution.
Antonio Castro, l’un des cinq fils de Fidel Castro, ressuscite le golf à Cuba. Cinquante ans après la célèbre partie de golf parodique disputée par son père et Che Guevara afin de tourner en ridicule Eisenhower (1953-1961), alors président des Etats-Unis et grand amateur de golf, Antonio Castro Soto del Valle vient de remporter la cinquième édition de la Coupe de golf de Montecristo, qui a eu lieu [du 25 au 27 avril] dans la station balnéaire de Varadero [à l’est de La Havane].
Cent joueurs provenant de quinze pays comme les Etats-Unis, le Canada, le Japon, la France, le Royaume-Uni ou encore l’Espagne y participaient.
Quel que soit l’attachement d’Antonio Castro, 44 ans et médecin orthopédiste, pour cette discipline bannie par la révolution de 1959, sa participation à ce championnat international sert avant tout un objectif commercial.
Cuba a en effet approuvé il y a deux ans seize projets conçus pour les touristes à fort pouvoir d’achat, comprenant notamment des parcours de golf, des ports de plaisance pour accueillir les yachts, ainsi que la construction et la vente de résidences de luxe et de locaux commerciaux.
La fin d’une époque. Qui mieux que le fils de Castro démontrant la puissance de son swing pouvait convaincre les investisseurs étrangers du sérieux de ces projets ambitieux et marquer la fin d’une époque ? La célèbre partie historique où Fidel Castro et Che Guevara maniaient le club en tenue militaire avait été immortalisée par le photographe cubain Alberto Korda (1928-2001), passé à la postérité pour sa célèbre photo du Che prise le 5 mars 1960, lors des funérailles des victimes de l’attentat contre le navire La Coubre à La Havane. Castro et Guevara avaient eu l’idée de se moquer des golfeurs après avoir feuilleté des journaux américains s’extasiant de la dextérité du président des Etats-Unis au golf. Un simulacre de partie fut organisé dès le lendemain, et le journal Revolución titra : “Fidel joue mieux qu’Eisenhower”.
Antonio Castro doit avoir un certain talent, mais les esprits chagrins et moqueurs restent convaincus que la victoire du fils de Fidel doit beaucoup aux entreprises impliquées dans ces projets qui se chiffrent en milliards d’euros, à l’instar des partenaires de jeu du roi Ferdinand VII, grand amateur de billard, qui profitaient du moindre moment d’inattention du monarque pour changer les boules de place et lui faciliter la victoire. Pour autant, la réputation de sportif d’Antonio Castro n’est pas usurpée : il est non seulement le vice-président de la Fédération cubaine de base-ball, mais aussi celui de la Fédération internationale du même sport.
La proximité des Etats-Unis, qui comptent plus de 20 millions de golfeurs amateurs, le plus grand marché du secteur, multiplie les perspectives. Les investisseurs étrangers rêvent d’une levée de l’embargo, de la normalisation des relations diplomatiques avec Cuba et de l’arrivée massive des Américains sur le sol cubain. Le secteur spécialisé dans le tourisme du golf souhaite attirer les cinq millions et demi de golfeurs qui se trouvent à moins de trois heures d’avion de Cuba, notamment au Canada. “Cuba pourrait devenir la première destination des Caraïbes pour le golf”, explique Peter Walton, directeur de l’Association internationale des opérateurs de tourisme du golf.
Les entreprises espagnoles GPM, HGI Capital Group et Aedifica, le cabinet d’architecte Foster & Partners et des entrepreneurs du Canada, du Royaume-Uni, de France et du Vietnam, ont déjà présenté des propositions. La victoire du fils de Fidel Castro à la coupe de Montecristo a été abondamment commentée sur les réseaux sociaux. Les réactions étaient parfois critiques : “Quel manque de respect ! Le peuple cubain meurt de faim et cet impudent joue au golf, un sport de riches et de bourgeois.” Ou plus pragmatiques : “Cuba doit investir pour gagner de l’argent. Et si Cuba installe 400 parcours ou plus pour attirer les touristes, c’est tant mieux.”
Juan Jesús Aznárez
El País