Cuba: la presse autorisée à visiter des prisons pour une journée
Pour la première fois depuis neuf ans, les autorités cubaines ont donné mardi accès à la presse, locale et étrangère, à trois prisons de La Havane, dont le Combinado del Este, le plus grand des cinq centres pénitentiaires de haute sécurité de Cuba.
Deux autres prisons de La Havane, une de femmes et un centre pour jeunes, ont également été ouverts à d’autres groupes de journalistes.
«Ici, grâce à Dieu, il n’y a pas de conflit, entre nous, on s’entend bien, et les gardiens nous traitent bien», affirme à l’AFP Ivan Jimenez, un rouleur de cigares de 38 ans qui attend depuis quatre mois son procès pour recel pour l’achat d’un réfrigérateur au marché noir.
Et le détenu de faire les honneurs de sa cellule –propre et ordonnée– aux journalistes, autorisés à visiter une prison cubaine pour la première fois depuis mars 2004.
La presse a pu parcourir différentes installations, mais seulement un seul de la demi-douzaine de bâtiments comprenant des cellules.
Alors que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU s’apprête à étudier le cas de Cuba, la situation dans les prisons de l’île communiste, qui accueillent officiellement quelque 57 000 personnes pour 11 millions d’habitants, est régulièrement dénoncée par des défenseurs des droits de l’homme.
Dans son rapport 2013 sur Cuba, Human Rights Watch (HRW) affirme que «les prisons sont surpeuplées, manquent d’hygiène et sont insalubres, conduisant à une importante malnutrition et des maladies. Les prisonniers n’ont pas de mécanisme efficace de contestation, laissant toute impunité aux autorités pénitentiaires».
Le traitement réservé aux détenus est basé sur «des principes humanitaires», assure pourtant le directeur du Combinado del Este, le lieutenant-colonel Roelis Osorio.
Pas un mot sur l’éventuelle présence de prisonniers politiques, encore au nombre d’une cinquantaine à Cuba, selon les organisations locales de défense des droits de l’homme.
Les prisonniers politiques sont considérés comme des délinquants de droit commun par les autorités : «tous ceux qui sont ici sont des délinquants», s’est d’ailleurs borné à dire le lieutenant-colonel Carlos Quintana, haut responsable de l’administration pénitentiaire provinciale.
«Cet établissement a pour fonction d’assurer l’accomplissement des peines et de promouvoir le développement intégral des condamnés et la protection de leurs droits», a assuré le lieutenant-colonel Osorio.
«83,4% des internés qui sortent de la prison se réinsèrent socialement, nous n’avons que 9% de récidive», affirme-t-il encore.
Des 3.000 prisonniers du Combinado del Este, dans un faubourg de l’est de la capitale cubaine, 27% travaillent et gagnent un salaire et 35% étudient pour terminer un cycle primaire ou secondaire. 49,8% suivent une formation professionnelle de base, comme maçon ou menuisier, selon le directeur.
Le vaste ensemble du Combinado del Este est composé d’une demi-douzaine de grands bâtiments blancs et bleus abritant des cellules pour quinze détenus et d’autres pour trois. Chacune est équipée d’une douche et d’un WC, approvisionnés en eau trois fois par jour, selon le directeur.
Les journalistes ont pu parler à plusieurs dizaines de détenus. Ceux-ci ont tous assuré être bien traités, malgré la sévérité de leur peine. Seul l’un d’entre eux s’est plaint de devoir porter l’uniforme gris des prisonniers.
Beaucoup expriment aussi leur satisfaction de pouvoir travailler et étudier. Des propos qu’il convient cependant de relativiser de la part de personnes privées de liberté.
Aucune violence sexuelle dans le «Combinado del Este», a encore affirmé son directeur.
Selon le chef des services de santé, Kervin Morales, les agressions à l’arme blanche sont «rares», mais en revanche il y a des grèves de la faim.
«C’est pratiquement toujours pour obtenir un avantage. On a un protocole de réaction, il faut que cela ne dure pas plus de cinq jours», explique le médecin.
«J’y ai passé trois ans» dans les années 80, se rappelle l’ex-prisonnier politique et dirigeant de la commission cubaine des droits de l’homme (illégale, mais tolérée), Elizardo Sanchez.
«C’était beaucoup mieux alors, tout le système s’est dégradé depuis», avec les difficultés économiques du pays, juge-t-il. «L’ensemble du Combinado a deux fois moins de ventilation que dans les années 80 et l’eau est complètement polluée, même si elle paraît transparente».
«C’est bien qu’ils aient permis à la presse de s’y rendre, c’est toujours bien, mais il faudrait aussi permettre l’accès aux prisons d’Amnesty international ou de HRW», conclut-il.
L’ONU et la Croix-Rouge ont eu accès pour la dernière fois aux prisons cubaines en 1988, selon les archives de l’AFP.
FRANCISCO JARA
Agence France-Presse
La Havane