Les États-Unis empêchent ma participation au congrès de LASA (Association d’études latino-américaines)

Par Isbel Díaz Torres

Traduit par Daniel Pinós

La Section des intérêts des États-Unis à La Havane vient de me refuser un visa pour me rendre dans ce pays, où j’ai été invité par l’Association d’études latino-américaines (LASA), à faire une présentation lors de son prochain Congrès, à la fin mai.

De cette manière, j’avais la possibilité, en tant que blogueur et activiste cubain de faire partager lors de cet important conclave intellectuel l’expérience de sept années de travail au sein de l’Observatoire critique (OC), ce dans le cadre de l’émergence et la diversification de nouveaux forums indépendants pour un débat ayant pour cadre le panorama cubain actuel.

Mon idée était de mettre en valeur les trois scénarios fondamentaux de notre action :

1) les plates-formes d’intervention de l’Observatoire critique dans le cyberespace, à travers le bulletin digital Compendio OC,  et le site de l’Observatoire critique en format de blog collectif de discussion ouverte ;

2) l’événement annuel du Forum social de l’Observatoire critique  où des chercheurs, des critiques, des professeurs, des artistes, des promoteurs culturels, des militants communautaires, des journalistes et des membres de mouvements émergents, partagent une grande diversité d’espace, de dialogue et de protagoniste solidaire ;

3) le travail communautaire systématique des collectifs et des personnes qui composent le réseau, avec des intérêts et des domaines socio-politiques, environnementaux, culturels, éducatifs et autres, qui optent pour la participation populaire organisée, avec des bases de solidarité et de coopération.

Mais apparemment, de telles expériences ont été considérées comme gênantes par un gouvernement américain, qui d’autre part, a récemment donné le visa à d’autres blogueurs cubains, avec les mêmes droits que les miens,  mais avec des positions politiques différentes des miennes.

Ce pouvoir discrétionnaire de SINA n’est pas nouveau, bien sûr. Au cours des années précédentes et aujourd’hui encore, des intellectuels cubains de renom ont été empêchés d’assister à des invitations acdémiques sans justification légitime.

Selon le document qui m’a été remis, avec le NON, un tel rejet “est du à l’inéligibilité en vertu de l’article 214 (b) de la Loi d’immigration et de naturalisation (…) qui définit que tout demandeur de visa est UN potentiel immigrant”.

J’ai appris après l’entrevue, en lisant ce texte, que “les candidats doivent convaincre l’agent consulaire qu’ils ont des liens suffisamment forts, qui les obligent à rentrer chez eux après la fin de leur séjour temporaire aux États-Unis”.

Il aurait été très utile de savoir une chose pareille avant ma demande, étant donné que l’officiel qui s’est occupé de moi, ne m’a posé que quatre questions : qu’est-ce que j’allais faire aux États-Unis, qui je connaissais là-bas, étais-je marié, et quel est mon âge ? Comme vous le voyez, j’avais peu de chance de pouvoir expliquer les raisons qui me feraient retourner dans mon pays.

En commettant le péché d’être jeune (probablement désespéré pour tenter sa chance dans le pays du paradis terrestre) et d’être homosexuel (ce qui à Cuba ne me permet pas de me marier avec mon partenaire avec qui j’ai onze ans de vie commune), je reste automatiquement disqualifié.

Ne comptent pas, bien sûr, les liens avec ma famille, qui vit à Cuba, ni avec mes amis, ni avec mon travail, ni avec mes différents projets (écologistes, anti-homophobes, littéraires, de recherche, etc.). Le regard sommaire et colonial de la bureaucratie américaine est ainsi.

Je ne resterai jamais vivre aux États-Unis pour deux raisons simples :

1.) Les gens aiment pour la plupart vivre à Cuba.

2.) Le devoir de l’homme est d’être là, où il est le plus utile (José Marti).

Il est clair que la liberté de mouvement que tant de gens réclament au gouvernement cubain, alors que d’anachroniques barrières blessent le peuple de cette île depuis des décennies, devrait également être exigé du gouvernement américain, qui a refusé de façon discriminatoire des visas temporaires à mes compatriotes.

J’ai pu voir à la SINA comment des personnes très âgées, en fauteuil roulant, sortaient en pleurant après avoir été refusées. La même chose s’est produite avec des personnes jeunes qui voulaient rendre visite à leurs familles. De la même manière que ces intellectuels qui devaient participer à LASA, et qui ont fait une demande de visa à travers leurs institutions et ceux qui l’ont fait de façon indépendante.

La SINA a-t-elle des critères de sélection qui peuvent révolter ? Veut-elle réellement empêcher l’entrée dans son pays de potentiels immigrants ? Pourquoi viole-t-elle les accords conclus avec LASA afin de délivrer des visas aux participants de cet événement ?

Nous avons vu encore une fois comment toute bureaucratie est mandatée pour déshumaniser les relations entre les hommes par souci de conformité avec les directives “d’en haut”.

Soit dit en passant, selon mon estimation approximative, avec l’exorbitant chiffre de 160 CUC (pesos convertibles) que nous payons pour l’entretien, la SINA empoche plus de dix millions de dollars par an pour uniquement payer les formalités du visa de non-immigrant. Peut-être que, au moins pour cela, cela devrait être plus transparent.


Enrique   |  Actualité, International, Politique, Société   |  04 10th, 2013    |