Déclaration du Laboratoire Casa Cuba
La Cuba rêvée, la Cuba possible, la Cuba future : propositions pour notre avenir immédiat.
Nous reproduisons ici un texte publié il y a sept jours par le Laboratoire Casa Cuba, un collectif de juristes, historiens, et éditeurs de la revue Espacio Laical, d’obédiences politiques fort diverses, de républicains catholiques à des libertaires en passant par des marxistes critiques. Un commentaire de cette initiative sera bientôt publié sur ce blog.
Cuba vit un changement d’époque. Ce qui nous impose de veiller à la souveraineté de notre Patrie. Préoccupés par le présent et le futur, nous souhaitons formuler des propositions à étudier et à débattre publiquement, en ce qui concerne la nécessaire rénovation de l’ordre social cubain, parallèlement au processus d’actualisation économique.
Les membres du Laboratoire Casa Cuba que nous sommes, inspirés par des courants idéologiques dissemblables, avons travaillé à partir d’un consensus sur cinq piliers que nous jugeons cruciaux et absolument nécessaires, pour le présent et le futur de Cuba : nous défendons la dignité humaine, et sa mise en œuvre à travers l’exercice non violent de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, avec la socialisation de la richesse spirituelle et matérielle que nous sommes capables de créer, pour la réalisation d’une démocratie pleine et entière, pour la quête d’une plus grande stabilité dans ce processus de changement, et pour le refus clair de l’intervention de puissances étrangères dans la vie domestique cubaine.
En proposant (et non en imposant) une définition a minima de la République et de quelques outils possibles pour la mettre en œuvre, nous ne souhaitons pas promouvoir des agendas particuliers, mais pousser les Cubaines et les Cubains, avec des opinions et des croyances différentes, à contribuer à concrétiser, à élargir et à approfondir ces éléments, dont nous souhaitons qu’ils soient la base de notre vivre ensemble dans un futur proche.
République :
Un ordre public avec un monde de comportements, d’engagements et de règles qui garantissent à chaque être humain de pouvoir jouir de toutes les capacités nécessaires pour exercer sa part de souveraineté. L’exercice de la souveraineté citoyenne, qui requiert un ordre démocratique, doit être fondé sur les vertus humaines, comme moyen principal et principe partagé, et son objectif doit être la construction de la justice.
Outils pour assurer la République de Cuba d’aujourd’hui et de demain
I. Garantir la jouissance des droits civiques, de la famille, politiques, culturels, sociaux, du travail et économique ;
II. Mettre en place des mécanismes efficaces pour que tout citoyen puisse jouir de façon équitable de ces droits, et pour habiliter (empower) les classes défavorisées ;
III. Assurer le droit à une information universelle qui soit libre et diverse, large et solide, interactive et critique, sans censure ni monopole. En particulier, il est absolument nécessaire de garantir la transparence de la gestion publique et l’accès massif et participatif à l’internet ;
IV. Garantir à la multiplicité sociale et politique de la nation le droit de choisir des formes diverses pour s’auto-organiser dans le but de promouvoir ses objectifs, d’influer sur l’opinion et sur le fonctionnement de la société, ainsi que de participer à la gestion publique ;
V. Que les croyants et pratiquants de diverses religions, spiritualités et visions du monde existantes à Cuba puissent promouvoir et voir respectées publiquement leurs identités, qu’ils puissent s’auto-organiser sous la forme de communautés avec une personnalité juridique propre ;
VI. Etablir des dispositifs divers pour que les citoyens puissent contrôler de façon active la mise en œuvre de la Constitution de la République, ainsi que le travail de toutes les institutions officielles ;
VII. Accorder la plus grande autonomie possible au travail des instances locales, comprises comme des espaces communautaires, avec des ressources et la capacité à prendre des décisions propres, afin d’exercer un protagonisme solidaire et la souveraineté citoyenne ;
VIII. Quand un problème peut être résolu à la base – espace local, associatif ou collectif de travail – les instances supérieures ne devront pas intervenir dans la quête d’une solution ; les communautés, associations, entreprises et collectifs de travailleurs doivent avoir la possibilité de coopérer librement entre eux pour trouver des solutions communes à leurs problèmes ;
IX. Abolir toutes les normes qui établissent des discriminations entre les citoyens selon leur province origine ou leur résidence – y compris celles qui privilégient les étrangers par rapport aux Cubains – ainsi que celles qui donnent la possibilité de recourir à des sanctions pénales contre ceux qui n’ont pas commis d’actes criminels (dangerosité pré-délictueuse : l’ « état de dangerosité » et les « mesures de sécurité pré-délictueuses ») ;
X. Instaurer des mécanismes de contrôle mutuel entre les diverses fonctions publiques. Séparer les fonctions législatives, exécutives, judiciaires et électorales et établir le type de coopération qui doit exister entre ces fonctions ;
XI. Chaque contribuable doit pouvoir participer à l’élaboration et à la décision en ce qui concerne l’allocation des fonds publics, ainsi qu’exiger que leur usage se fasse de manière responsable et pour des objectifs sociaux bien définis ;
XII. Elir toutes les charges publiques dont la fonction est la représentation, à travers des élections directes, libres, secrètes, périodiques et compétitives, entre des candidats nommés directement par les citoyens ;
XIII. Selon ces mêmes règles devraient aussi être élus les charges exécutives les plus hautes de la République et de chaque localité ;
XIV. Limiter à deux mandats la représentation des charges exécutives élues et mettre en place des limites d’âge pour ces fonctions, ainsi que pour définir des limites au cumul de mandats entre lesquels il pourrait y avoir des conflits d’intérêt ;
XV. Rendre effective la reddition de comptes – périodique, publique et interactive – de tous les fonctionnaires publics ;
XVI. Garantir dans les faits le droit du peuple à révoquer tous les élus ;
XVII. Faire usage des possibilités du referendum et du plébiscite, dans tous les domaines et dimensions ;
XVIII. Assurer efficacement le droit au travail et les garanties du droit du travail, ainsi que les libertés économiques nécessaires, et subordonner les décisions économiques aux engagements sociaux et environnementaux ;
XIX. Maintenir, comme un droit, l’accès universel et gratuit à la santé, à travers différentes formes d’organisation, et permettre une rémunération juste, qui soit à la hauteur du travail accompli ;
XX. Garantir l’accès universel et personnalisé à une éducation intégrale et démocratique, humaniste et diverse, une rémunération juste pour les professionnels de l’éducation et l’implication active des professeurs, étudiants, famille et communautés dans la gestion des classes et la définition des programmes d’étude, ainsi qu’une développement culturel libre et responsable ;
XXI. Autonomie universitaire et académique, avec la liberté d’enseignement et de recherche, et une participation active de tous ses acteurs ;
XXII. Trouver des voies efficaces pour garantir la participation équilibrée de la diaspora cubaine à la vie sociale du pays ;
XXIII. Toute activité sociale doit respecter les principes de légalité, de justice et la suprématie constitutionnelle. Les principes constitutionnels doivent être élaborés et approuvés avec la participation réelle du peuple.
Nous ajoutons notre contribution modeste aux efforts inoubliables de ceux qui ont combattu et travaillé pour le triomphe de l’amour en nos terres, et nous nous unissons à leurs voix – un chœur divers et pluriel.
Vos commentaires, analyses et propositions peuvent être envoyés à l’adresse email suivante
labcasacuba@gmail.com
Pour voir quelques analyses, voir ces articles.
http://www.havanatimes.org/?p=90120 (en anglais)
http://www.havanatimes.org/sp/?p=82378 (en espagnol)