Après le décès de Hugo Chavez, quelles seront les relations entre Cuba et le Venezuela ?
La disparition du président Chavez risque de modifier les relations qu’entretiennent Cuba et le Venezuela, elle soulève de nombreuses questions à propos de l’avenir du bloc bolivarien, l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique) qui regroupe plusieurs pays d’Amérique latine sur les bases de l’anti-impérialisme et de la solidarité entre les peuples. De plus en plus isolée, et en prise avec une grave crise économique, la grande île des Caraïbes pourrait se voir privée en cas de défaite du candidat chaviste aux prochaines élections présidentielles au Venezuela, de son plus grand allié, pas seulement politique, mais aussi économique.
Dès son arrivée au pouvoir en 1998, le partage de l’idéologie socialiste et sa vénération pour Fidel Castro, son mentor, ont conduit Hugo Chavez à tisser des liens de plus en plus étroits avec le régime castriste, via un pacte d’assistance économique, dont Cuba se trouve aujourd’hui extrêmement dépendant.
La réélection de Chavez à la tête du Venezuela, en décembre dernier, impliquait pour les Cubains l’assurance qu’il n’y aurait pas de coupures d’électricité durant les 6 prochaines années. Cette situation devait permettre aux habitants de l’île de ne pas connaître des coupures de plus de 8 huit heures par jour, telles que celles qu’il connurent dans les années 90 après le départ des soviétiques et la fin des livraisons de pétrole provenant d’URSS.
La victoire chaviste a dissipé les mauvais souvenirs datant de la fin du 20e siècle, des années très difficiles pour une majorité de Cubains car les solutions de rechange ne manquaient pas, sauf pour les membres de la nomenklatura socialiste et les nantis qui recevaient l’aide économique de leurs familles vivant en exil.
À cette époque, le manque d’électricité, en plein été tropical lorsque les températures avoisinent les 40°, empêchait les ventilateurs de rafraîchir les maisons. Les gens dormaient sur les terrasses et les mères veillaient pour permettre à leurs enfants de dormir en les aérant avec des éventails. Il n’était à cette époque pas possible de prendre une douche parce que dans la plupart des maisons et des bâtiments l’eau est pompée dans des réservoirs grâce à un moteur électrique. L’eau qui était bu était chaude et dans les réfrigérateurs la nourriture pourrissait par manque de froid.
Ce n’est un secret pour personne, Cuba n’a aucune autonomie au niveau énergétique, l’île a besoin que le Venezuela fournissent en effet plus de 100 000 barils de brut chaque jour à Cuba à des tarifs préférentiels.
Mais aujourd’hui, la situation serait encore pire parce que dans les années 90 les gens cuisinaient au gaz, au kérosène et au bois, mais aujourd’hui la “révolution énergétique” a obligé les Cubains à changer leurs appareils anciens par des appareils fonctionnant à l’électricité.
Cuba cherche à diversifier ses relations internationales, mais aucun pays, ni aucun groupe de pays ne peut remplacer le Venezuela. Ce pays absorbe 40 000 coopérants cubains, alors qu’en Afrique, par exemple, ne travaillent que 5 000 Cubains. Mais le Venezuela de Chavez n’intéresse pas les Cubains uniquement dans le domaine économique. Le gouvernement cubain a également un engagement politique dans des projets d’intégration régionale en Amérique latine qui incluent La Havane et laissent de côté leur principal ennemi, les États-Unis.
Les politiques pétrolières solidaires de Caracas en relation avec le continent ont créé une communauté d’États de gauche, l’ALBA, dans laquelle Cuba se meut comme un poisson dans l’eau. En fait, les relations bilatérales donne à La Havane une plus grande présence sur le continent grâce à des programmes de santé tels que l’“Opération Miracle” et d’éducation et d’alphabétisation avec la méthode “Oui je peux”, financés par le Venezuela et exécutés par des cooopérants cubains.
Si cela ne s’avérait plus possible Cuba n’aurait pas les moyens d’acheter le pétrole en devises au prix du marché international. C’est un échange entre les deux pays qui permet au Venezuela de recevoir l’aide cubaine dans les domaines de la santé et de l’éducation grâce à plusieurs milliers de médecins et d’enseignants cubains.
Ces coopérants cubains vivant au Venezuela peuvent recevoir chaque mois la moitié de leur salaire en devises, ce qui n’est pas le cas à Cuba et ce qui leur permet d’importer dans l’île du matériel électro-domestique et d’autres marchandises qu’ils ne pourraient s’offrir avec des salaires cubains. Cela incite beaucoup de diplômés cubains à immigrer vers le Venezuela, ce qui crée beaucoup de problèmes dans les établissements scolaires et dans les hôpitaux en raison du manque de personnel formé.
Cuba est extrêmement dépendant du Venezuela. Le Venezuela a remplacé l’Union Soviétique, un cordon ombilical donne de l’oxygène à l‘économie cubaine et ce cordon ne peut exister que grâce à l’argent vénézuélien. Si ce cordon n’existe plus, ce sera pire que quand Cuba a cessé de recevoir l’aide soviétique, parce que l‘économie est en plus mauvais état qu’à l’époque. Les turbulences que connait le Venezuela aujourd’hui l’amèneront-il à couper le cordon ? Le Venezuela, lui-même, est plombé par la crise économique et sociale. La situation est très dangereuse, il vient d’y avoir une grosse dévaluation du bolivar de 46,5 %… 46,5 % ça peut aussi amener de l’instabilité dans la société vénézuélienne. Le résultat des élections présidentielles qui choisiront un successeur à Chavez seront déterminantes.
Si le numéro 2 du régime chaviste, le vice-président Nicolás Maduro est élu, ce qui est probable compte tenu du soutien populaire dont il va bénéficié après le décès de Chavez, les accords bilatéraux entre le Venezuela et Cuba seront reconduits. Mais si le candidat de l’opposition libérale Hernando Caprilés devait l’emporter, tout serait remis en question. Dans ce contexte, Cuba pourrait bien devoir se trouver un nouveau partenaire privilégié. Très endetté, près de 21 milliards de dollars selon the Economist, le régime castriste, selon les analystes, pourrait renouer avec… les Etats-Unis.
Chaque année 1,8 million de Cubains vivant dans ce pays envoient des fonds à leurs proches sur l‘île, quelque 2 milliards de dollars, et malgré l’embargo, les États-Unis restent le second fournisseur de produits alimentaires de Cuba… Le grand ennemi de 54 ans pourrait devenir le nouvel associé de Cuba, un sacré pied de nez à l’histoire qui pourrait réjouir à la fois les opposants cubains en exil et la nomenklatura triomphante. Pourrait alors se mettre en place une “transition démocratique” comme dans les pays de l’Est européen où l’on est passé d’un capitalisme d’État à un capitalisme privé, les bureaucrates se convertissant en gestionnaire du nouvel ordre établi, les plans de relance économique concoctés à Miami par les hommes d’affaires cubains en exil, consacrant alors la victoire du libéralisme.
Daniel Pinós