A Cuba, Miguel Diaz-Canel est le successeur désigné de Raul Castro
La maladie du président Hugo Chavez et la palinodie institutionnelle au Venezuela ont sans doute convaincu le général Raul Castro, 81 ans, qu’il fallait éviter toute incertitude ou vide du pouvoir à Cuba. La succession entamée après la maladie de Fidel Castro, en 2006, a franchi une nouvelle étape, dimanche 24 février, avec la désignation de Miguel Diaz-Canel, 52 ans, comme nouveau premier vice-président du Conseil d’Etat et du conseil des ministres. Numéro deux du régime, il est désormais le premier dans la ligne de succession en cas d’empêchement ou décès de Raul Castro.
Diaz-Canel remplace à ce poste José Ramon Machado Ventura, dit « Machadito », 82 ans, second secrétaire du Parti communiste de Cuba (PCC), représentant de la « génération historique » de la révolution castriste, incarnation de l’orthodoxie et de l’appareil du parti.
Dans son discours devant l’Assemblée, Raul Castro a loué le « comportement » de Machado Ventura et d’un autre représentant de la vieille garde, le général Abelardo Colomé Ibarra, « Furry », pour avoir volontairement cédé la place à la « nouvelle génération ».
Le discours de Raul Castro visait à démontrer la profondeur de la relève générationnelle, ainsi que la promotion de la diversité raciale et de l’égalité de genre. Parmi les 31 nouveaux membres du Conseil d’Etat (l’organe exécutif élu par le Parlement), 41,9 % sont des femmes et 38,6 % sont noirs ou métis, a précisé Raul Castro. Leur moyenne d’âge est de 57 ans, 61,3 % d’entre eux sont nés après le triomphe de la révolution, en 1959.
Diaz-Canel « n’est pas un parvenu ni un improvisé », a souligné Raul Castro.
Né le 20 avril 1960 à Villa Clara, Miguel Diaz-Canel Bermudez a fait des études d’ingénieur électronique à l’université centrale de Las Villas (1982), puis il a effectué son service militaire dans une unité de missiles antiaériens, pendant trois ans. Il a également servi au Nicaragua, à l’époque gouverné par les sandinistes. Permanent de la Jeunesse communiste puis du parti, il a fait carrière en province, d’abord à Villa Clara (1993-2003), ensuite à Holguin. Sur proposition de Raul Castro, il intègre le bureau politique du PCC dès 2003.
En 2009, il est nommé ministre de l’enseignement supérieur, chargé de reprendre en main les universités, où la jeunesse manque singulièrement d’enthousiasme pour les« changements » annoncés à La Havane. En mars 2012, il laisse ce portefeuille, pour être promu vice-président du Conseil des ministres. Il fait partie des commissions chargées de piloter les nouvelles dispositions économiques.
Outre Diaz-Canel, deux autres nouveaux vice-présidents du Conseil d’Etat font partie de la « relève générationnelle » : Mercedes Lopez Acea, 47 ans, première secrétaire du parti à La Havane, et Salvador Valdés Mesa, 67 ans, secrétaire général de la Centrale des travailleurs de Cuba. Ils partagent la vice-présidence avec Machado Ventura, toujours là, avec le commandant Ramiro Valdés, 80 ans, ancien responsable de la police politique désormais chargé du numérique, et Gladys Bejerano, 66 ans, chargée de la Cour des comptes (Contraloria General).
La relève à la tête de l’Assemblée nationale, simple chambre d’enregistrement, a été faite au profit d’un représentant de la vieille garde et de l’orthodoxie, Esteban Lazo, 69 ans, qui remplace Ricardo Alarcon, 75 ans.
Raul Castro a tenu à souligner dans son discours qu’Esteban Lazo était « un Noir d’origine humble », ancien coupeur de canne à sucre et ouvrier autodidacte.
L’insistance sur la diversité raciale répond aux tensions suscitées par la crise du modèle cubain et aux critiques sur la persistance d’inégalités et de préjugés, surtout depuis l’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis.
La question de la succession avait été lancée par Raul Castro sous forme de plaisanterie, vendredi 22 février, en marge d’une visite du premier russe Dimitri Medvedev : « Je vais démissionner. Je vais avoir 82 ans, j’ai le droite de me retirer. Vous ne croyez pas ? », avait-il dit aux journalistes. Dimanche, il a réitéré que son second mandat présidentiel serait « le dernier », conformément à son engagement de limiter les mandats des dirigeants à deux fois cinq ans. En février 2018, au plus tard, les Cubains auraient donc un nouveau chef de l’Etat.
Paulo A. Paranagua
Blog América Latina (VO) du journal Le Monde
25 février 2013