Don Barreto incarnait la musique cubaine à Paris
Chef d’orchestre et guitariste, Emilio Barreto résumait à lui seul trois quarts de siècle de présence de la musique cubaine à Paris. Né en 1909 à La Havane dans une famille de forte tradition musicale, il avait appris le violon au Conservatoire. En 1926, le père, dentiste et politicien, emmène toute la famille en Espagne, où Emilio et deux ses frères, musiciens eux aussi, ne restent pas : ils débarquent à Paris en 1927. Le jazz est alors à la mode, et Emilio Barreto, qui a délaissé le violon pour la guitare et le banjo, accompagne les musiciens américains.
Quand le jazz cède la place aux rythmes afro-cubains, il est l’homme de la situation : en 1932, il fonde son orchestre, qui débute au Melody’s Bar, et grave ses premiers 78 tours. Celui qu’on appelle désormais Don Barreto impose le son et le danzon dans les cabarets parisiens avant une pause forcée : en 1942, après l’entrée en guerre des Etats-Unis et des pays de leur zone d’influence, les Allemands enferment dans le camp de Royallieu à Compiègne tous les ressortissants d’Amérique du Sud. Ils trompaient l’ennui, se souvenait Barreto, en jouant pour les autorités du camp. Ils y resteront jusqu’en 1945.
La déferlante du mambo et du cha-cha-cha, dans les années 50, remet au premier plan Don Barreto: il voyage avec son orchestre à travers l’Europe et joue pour des parterres de stars et de têtes couronnées. Se consacrant par la suite à l’enseignement de la guitare, il fait un retour remarqué au Moloko à Pigalle en 1992, porté par le regain d’intérêt pour la musique cubaine. On le verra ensuite, toujours très alerte malgré les années, reprendre comme à la grande époque la tournée des cabarets : la Java, l’Escale… En même temps paraissaient sur CD diverses rééditions (sur les labels Harlequin et Music Memoria) de ses vieux enregistrements.
Homme modeste et affable, Emilio Barreto est toujours resté fidèle aux musiques de son île natale, où il n’était jamais retourné, bien que sympathisant de la révolution. Il est mort mardi à Paris en mai 1997, à l’âge de 88 ans.
(extraits)
GOMEZ FRANÇOIS-XAVIER