La réforme de la loi migratoire enfin mise en place

Le 14 janvier 2013 est entrée en vigueur la réforme historique du système de migration qui devrait faciliter les entrées et sorties de Cuba.

D’après le journal en ligne Havana Times, les citoyens cubains peuvent désormais faire une demande de passeport pour voyager hors du pays pendant deux ans, sans solliciter d’autorisation spéciale. La nouvelle réglementation supprime le “permis de sortie” et la “lettre d’invitation”, préalablement requises, et assouplit les règles pour les professionnels de la santé et du sport et de ceux qui ont émigré illégalement. En outre, les motifs de rapatriement ont été élargis.

Pendant des années, la décision de quitter le pays, que ce soit temporairement ou de façon permanente, a fait l’objet de dizaines de billets dans la blogosphère cubaine. La mise en place de la réforme migratoire tant attendue pourrait mettre un terme à la décision déchirante de rester ou de quitter Cuba.

En août 2012, l’auteur de « Los otros ojos de Eva “ [Les autres yeux d'Eva] évoquait les «missions internationalistes», les projets du gouvernement pour fournir une aide à d’autres pays, principalement  dans les secteurs de l’éducation et de la santé, lesquels représentaient aussi  un coup de pouce économique aux professionnels cubains. Cependant, Melissa Cordero (l’auteur du livre) nous rappelle aussi l’énorme coût humain de la séparation des familles pendant des années :

“La fillette a à peine cinq ans et tu t’approches de son petit lit à trois heures du matin et essaies d’enregistrer ses traits dans ta mémoire. Le voyage approche. Tu traverseras l’Atlantique et elle te manquera tout de suite, à chaque seconde et même dans tes  rêves, et tu la croiras la voir chaque fois qu’un enfant africain, à la peau noire et sale, s’approchera de toi lors d’une consultation. (…) Le doute te court dans le corps, tu es hésitante et ta famille semble te dire: oui ma fille, vas-y, on va s’occuper d’elle et tu regardes ton mari, avec son visage triste et sans un mot à dire, et le réfrigerateur presque vide et leurs besoins tourmentant ta conscience. Le voyage approche. Le comité médical est sage, mais tu ne sais pas si, quand la petite fille grandira, elle te remerciera pour les jouets, la téléviseur à écran plasma, le micro-ondes et les vêtements qu’elle aura en plus, ou si elle te reprochera toutes les heures d’absence”.

Dans un autre article douloureux, l’auteur se souvient du départ de son père à partir du port de Mariel:

“Mon père est parti sur un radeau, un radeau construit avec de la mousse de polystyrène et du liège, les larmes aux yeux, après le dîner, quand il était difficile de dormir avec juste quelques grains de riz dans l’estomac. Mon père est parti de Mariel; il a tiré le bateau vers le trottoir et puis il l’a traîné le long de la rue de l’école et devant la boucherie, qui était en grève. Mon père s’est jeté en mer, a été bousculé par les vagues et s’est perdu dans l’horizon, nous  laissant une place vide à la table et l’espoir que les casseroles seraient très bientôt, remplies à nouveau. Mon père est parti  un après-midi, il y a quelque temps, peut-être un peu plus et nous n’avons pas encore découvert, exactement, dans quelle partie de la mer des Caraïbes, déposer des fleurs”.

A compter du 14 Janvier 2013, les citoyens cubains pourront demander leurs passeports dans les bureaux de services des cartes d’identité et des registres de population, ainsi que dans ceux de la DIE (services d’Immigration et des étrangers), en cas de voyage hors de l’île sans qu’il soit nécessaire d’obtenir la permission du gouvernement.

D’après un article du Havana Times, que cite le Bureau de services de l’immigration et de la naturalisation, un total de 195 sites ont été mis en place à cet effet.

Selon ce magazine numérique, “on estime que la réforme historique bénéficiera à un grand nombre de Cubains, qui, tant qu’ils peuvent financer leur voyage et obtenir un visa pour le pays de destination, pourront voyager à l’étranger avec beaucoup plus de facilité.” Toutefois, “cela ne signifie pas un exode massif de l’île. La grande majorité des pays exigent un visa d’entrée aux citoyens de la plus grande île des grandes Antilles.”

Quant à voyager aux États-Unis, un article publié sur le site Café Fuerte souligne :

“Cuba permettra à ses citoyens de voyager comme émigrés et même de faire usage de la loi d’Ajustement cubain (CAA) aux États-Unis sans perdre leurs droits en tant que résidents de l’île pour une période de deux ans, a annoncé un haut responsable du gouvernement”.

Mais, certains citoyens, parmi eux les athlètes de haut niveau, devront  toujours demander la permission de quitter le pays.

En outre, la loi comporte une sous-section qui a été contestée par plusieurs blogueurs. Fernando Ravsberg, auteur de Cartas desde Cuba (Lettres depuis Cuba, en espagnol), souligne :

“La sous-section «H»,  cependant, déclare qu’il ne sera pas possible non plus de voyager “quand,  pour d’autres raisons d’intérêt public, les autorités compétentes l’ordonnent .” Une curiosité juridique qui n’établit pas clairement ce qui signifient les mots «raisons» ou “autorités” (…) Un tel vague donne un pouvoir absolu aux fonctionnaires sur le citoyen. La pénurie d’enseignants pourrait être considérée comme une raison d’intérêt public, ce qui permetrait au ministère compétent d’empêcher le voyage d’un éducateur”.

Cependant, l’agence AP a publié un article révélant que “selon un informateur anonyme, différents directeurs d’hôpitaux ont tenu une réunion le samedi avec le Ministère de la santé, et ont été informés d’une résolution qui permettra une normalisation des voyages pour tous les fonctionnaires du secteur”.

Manoel Henrique Lagarde, à son tour, a commenté la situation de la blogueuse cubaine Yoani Sanchez :

“A la sortie des bureaux des services de l’Immigration et des Etrangers dans la municipalité de Plaza de la Revolución, 17 et K, El Vedado, la blogueuse, dans des déclarations faites à la presse étrangère, a confirmé qu’elle avait demandé un nouveau passeport et qu’elle avait été informée que, après 15 jours ouvrables, le temps nécessaire à la confection du document, elle pourrait sortir du pays”.

Des centaines de médias étrangers ont rapporté l’information et certains utilisateurs d’autres pays ont célébré la réforme de l’immigration cubaine, tout en affirmant :

“Longtemps attendue, la suppression des obstacles bureaucratiques imposés pendant des décennies aux Cubains qui tentent de sortir du pays est entrée en vigueur le 14 janvier, mais avec un prix élevé, 100 dollars par passeport, le plus cher de la région après le Chili.

Elaine Díaz

Traduction d’Ana Pontes


Enrique   |  Actualité, International, Politique, Société   |  02 3rd, 2013    |