Le système de santé Cubain, succès du modèle socialiste ?
La santé publique est l’une des grandes réussites du socialisme cubain, accessible à tous et complètement gratuite. Et les résultats font l’admiration de beaucoup de spécialistes occidentaux et suscite la convoitise des pays développés. Les prémices de ce mouvement social sont nées à la révolution Cubaine de 1959 porté par Fidel Castro contre Batista qui était au pouvoir depuis 1952 après avoir réalisé un coup d’État et qui fut réélu en 1954 après des élections truquées. Castro prit le pouvoir par un coup d’État en 1959, il montra son hostilité envers les États-Unis ce qui mènera a l’embargo, il développe ses idées du modèle social pour « le bien être de son peuple ». Malgré cet embargo Cuba réussi à se développer et à mettre en places un système de santé performant.
1-Un système politique dépendant de son secteur sanitaire
En effet, s’il existe un domaine où Cuba peut se permettre de rivaliser avec les États-Unis ou avec d’autres pays capitalistes, c’est bien dans le secteur sanitaire. Le système de santé cubain a longtemps été considéré comme un des meilleurs au monde et a été un exemple rhétorique pour les membres de partis communistes européens lorsqu’il s’agissait de défendre le socialisme en tant que modèle de société. Il n’est alors pas question de perdre un tel prestige international, surtout lorsque l’on considère la concurrence avec les pays capitalistes comme une des raisons d’existence du modèle socialiste. Le constat est que les avis restent partagés sur la véritable efficacité d’un tel modèle, et des interrogations s’élèvent lorsqu’il s’agit d’évaluer l’honnêteté des politiques. Par exemple, lorsque cet été Hugo Chavez est parti à Cuba pour se faire soigner du cancer, il a été dit que le président vénézuélien a naturellement préféré se faire soigner par des médecins faisant partie des plus compétents au monde. Mais l’on peut analyser cela comme un acte politique symboliquement fort : Chavez étant le leader de la nouvelle gauche latino-américaine, accorder une confiance absolue dans le système cubain équivaut à consolider l’alliance entre ces deux gouvernements. Pour certains observateurs le système arrive justement à survivre en exportant des services sanitaires dans des pays comme le Vénézuela (envoi de médecins) ou en accueillant des étudiants étrangers dans les facultés de médecine, qui en échange s’engagent à verser des fonds ou à envoyer de la nourriture (source : Agencia Nova, journal argentin). Tout cela pourrait être interprété comme des démarches visant à renforcer un socialisme internationalement délaissé et ignoré. Dans une autre perspective, l’atmosphère mystérieuse que renvoie ce système ne fait que confirmer l’image que s’en fait chacun : à nouveau auréolé pour son efficacité et son faible coût d’après certains, objet à complots politiques pour aider le modèle socialiste à survivre aux yeux des autres.
Un autre exemple est celui de l’enquête réalisée par l’OMS en 2004 qui évalue la dépense annuelle de santé par habitant à 251 dollars à Cuba : loin derrière le Costa Rica (616), et proche du Pérou (233), considéré comme un des pays les plus pauvres de la région. Une telle mesure quantitative est révélatrice de l’originalité de la situation dans laquelle se trouve le pays. En effet, si Cuba est doté de qualités incontestables en matière de sécurité sociale, c’est entre autre dû à l’économie de type socialiste sur laquelle le système se base. Puisque les autorités imposent le prix des services et des médicaments, ceux-ci sont largement inférieurs au prix qui serait fixé par le jeu de l’offre et de la demande dans un contexte d’économie de marché. Ceci contribue nettement à une amélioration du système, puisqu’un bon médecin va par exemple coûter beaucoup moins cher à l’État cubain qu’au consommateur étasunien. Ainsi des investissements faibles relativement au regard de l’économiste occidental lambda peuvent avoir des effets bien supérieurs à ceux attendus, ce qui complique considérablement l’évaluation quantitative des performances du système. Encore une fois, l’analyse du fonctionnement de la sécurité sociale ne peut se faire indépendamment d’une analyse du système politique et économique du pays.« C’est un droit fondamental que celui d’obtenir des soins et personne n’a à endurer des souffrances physiques ou perte d’autonomie. »
Un article de la revue Science du 30 avril 2010 écrit par des professeurs de l’École de médecine de l’Université de Stanford affirme que « malgré l’impact des restrictions sur l’approvisionnement en médicaments et matériel médical, les résultats sanitaires de Cuba sont comparables à ceux des pays développés ».
2 – Quelques chiffres
Info élémentaire : La population totale de Cuba était de 11 257 979 habitants en Novembre 2011.
Cuba a l’espérance de vie la plus élevée : elle est pour les hommes de 75 ans et de 79 ans pour les femme. En France l’espérance de vie s’élève à 75 ans pour les hommes et 83 ans pour les femmes d’après l’INSEE (78,6 ans en moyenne)
3 – Le rayonnement international
Sur le plan international on observe un grand engouement pour le système de santé cubain, « une délégation de médecins cubains conduite par le ministre cubain de la santé [sont venus] en Grande Bretagne pour partager les secrets de leur succès » , le gouvernement Britannique c’est intéressé de près à ce système en organisant des échanges entre les deux pays pour étudier les mécanismes du système de santé cubain. Il est intéressant de noter l’écart au niveau de développement de ces deux pays mais malgré ce phénomène le système de santé cubain reste l’un des plus « performant » du monde et surtout le plus compétitif avec un coût dérisoire. (Le Guardian chiffrait en 2000 pour la Grande Bretagne un coût moyen de 750 livres par personne et par an, 7 livres pour les Cubain.)
II Un système en crise
1-Un système couteux : le problème de l’offre
Le budget de la santé à Cuba s’élève à plus de 6.560 millions de pesos par an, juste derrière le budget de l’éducation. Cela représente près de 16% des dépenses globales. Ce système de santé est aujourd’hui menacé. Cuba, touché de plein fouet par la crise financière mondiale, sous embargo américain depuis 48 ans et qui dépend en grande partie des importations, fait face à une crise économique sans précédent. Si bien que le gouvernement castriste n’hésite plus à abandonner ce qui fut des décennies durant l’un des symboles de la révolution cubaine. Raoul Castro a lancé une série de mesures d’austérité concernant le système de santé qui consiste en partie à la réduction drastique de personnel dans ce secteur emblématique et la réorganisation des effectifs.
Le système cubain tente malgré ces restrictions de ne pas voir sa qualité de soins à la baisse et prétend que les services offerts dans les hôpitaux sont toujours aussi performant pourtant depuis 2010 les patients commencent à se plaindre de la baisse de la qualité du service de santé.
2-Problème de l’approvisionnement en médicaments : l’embargo
Le système de santé cubain en dépit de son excellente qualité et de ses très bons résultats connait une énorme faille : la pénurie de médicaments liée à l’embargo.
3-Les Résultats de la politique de restriction : dégradation du système
L’élan réformiste de Raoul Castro pour faire face à la crise frappe les hôpitaux et les policliniques. Le président cubain a chargé son vice-président Jose Ramon Machado d’une étude des moyens de rationaliser les services sanitaires sans réduire ni la qualité ni la quantité des prestations offerts. Pourtant, le mécontentement des Cubains ne cesse de croitre quant à la couverture médicale.
III – Un rapport complexe avec le politique
Dans ce dernier temps, nous allons voir à quel point la question de l’existence d’un modèle cubain dans le domaine de la santé est en fait intimement liée à des rapports politiques, voire idéologiques.
1-Un système politique dépendant de son secteur sanitaire
En effet, s’il existe un domaine où Cuba peut se permettre de rivaliser avec les États-Unis ou avec d’autres pays capitalistes, c’est bien dans le secteur sanitaire. Le système de santé cubain a longtemps été considéré comme un des meilleurs au monde et a été un exemple rhétorique pour les membres de partis communistes européens lorsqu’il s’agissait de défendre le socialisme en tant que modèle de société. Il n’est alors pas question de perdre un tel prestige international, surtout lorsque l’on considère la concurrence avec les pays capitalistes comme une des raisons d’existence du modèle socialiste. Le constat est que les avis restent partagés sur la véritable efficacité d’un tel modèle, et des interrogations s’élèvent lorsqu’il s’agit d’évaluer l’honnêteté des politiques. Par exemple, lorsque cet été Hugo Chavez est parti à Cuba pour se faire soigner du cancer, il a été dit que le président vénézuélien a naturellement préféré se faire soigner par des médecins faisant partie des plus compétents au monde. Mais l’on peut analyser cela comme un acte politique symboliquement fort : Chavez étant le leader de la nouvelle gauche latino-américaine, accorder une confiance absolue dans le système cubain équivaut à consolider l’alliance entre ces deux gouvernements. Pour certains observateurs le système arrive justement à survivre en exportant des services sanitaires dans des pays comme le Vénézuela (envoi de médecins) ou en accueillant des étudiants étrangers dans les facultés de médecine, qui en échange s’engagent à verser des fonds ou à envoyer de la nourriture (source : Agencia Nova, journal argentin). Tout cela pourrait être interprété comme des démarches visant à renforcer un socialisme internationalement délaissé et ignoré. Dans une autre perspective, l’atmosphère mystérieuse que renvoie ce système ne fait que confirmer l’image que s’en fait chacun : à nouveau auréolé pour son efficacité et son faible coût d’après certains, objet à complots politiques pour aider le modèle socialiste à survivre aux yeux des autres.
2-L’indispensable défense de l’égalitarisme
De même, le principe d’égalité de traitement que défend un tel système et qui contribue largement à son caractère exceptionnel, est aussi une valeur fondamentale à sauvegarder dans le but de maintenir une certaine cohérence au sein de la société cubaine. Illustrons cette affaire par une enquête menée sur le terrain. L’œuvre cinématographique de Michael Moore, Sicko (2007), correspond à un réquisitoire contre le système de santé américain, qui aurait le défaut d’être composé de multiples assurances de santé privées ; le prix que vous payez pour souscrire à une mutuelle de santé est fonction de votre probabilité à tomber malade. Ainsi la sécurité sociale américaine représenterait tout ce que Cuba éviterait par idéologie : l’inégalité de traitement et par conséquent le rejet des plus nécessiteux. A l’inverse, tous les Cubains sans distinction auraient accès aux mêmes soins, aux mêmes médicaments et aux mêmes prix, c’est-à-dire de façon gratuite ou quasi gratuite. Une scène montre l’état d’ahurissement dans lequel sont les citoyens américains lorsqu’ils découvrent que les médicaments sont parfois cent fois moins cher dans les pharmacies cubaines qu’aux États-Unis. Le film en lui-même a crée de nombreuses polémiques qui sont révélatrices de la complexité à analyser un tel système. Par exemple, pour beaucoup d’observateurs on a affaire à un système à 3 vitesses : les services proposés seraient différents si l’on est membre du parti, touriste ou bien Cubain ordinaire, d’où les extraordinaires services dont ont bénéficié les amis de Moore. D’un autre côté, d’après The Guardian, le 18 décembre 2010 un câble diplomatique a été publié par WikiLeaks révélant que le film de Moore avait bien été diffusé à Cuba, contrairement aux communiqués officiels, et certaines sources ajouteraient même que les Cubains ont plutôt apprécié le film. Que penser de tout cela ?
3-Des sources d’informations fragilisées par le pouvoir en place
Arrivé ici, il devient nécessaire d’un point de vue épistémologique de se poser la question de la fiabilité de telles sources. En fait, ce problème nous a suivi depuis le début de notre enquête ; pour cette raison fondamentale, il constituera ce dernier développement. Il faut d’abord souligner l’incohérence de certaines informations. Par exemple, d’après un article de Romandie News, l’État cubain a lancé en 2008 un programme d’investissement de 190 millions de dollars pour moderniser son industrie pharmaceutique et espère pouvoir exporter 220 millions de dollars de médicaments génériques. Parallèlement, de nombreux guides touristiques reconnus conseillent à leurs lecteurs d’emmener leurs propres médicaments s’ils comptent voyager à Cuba. Le pays souffrirait en fait d’un cruel manque de médicaments, ce qui ne nous permettrait pas de qualifier le circuit pharmaceutique de performant. Quels chiffres utiliser ? Sur qui se fier ? Une première approche serait de dire que puisque l’État cubain est une dictature, il est difficile de se fier aux chiffres officiels. A l’inverse, on pourrait dire comme Moore que les informations critiques à l’égard du système et du gouvernement cubains sont le produit des dissidents du régime, résidant à Miami pour la plupart (voir l’affaire du câble publié par WikiLeaks). D’autre part, même si l’on fait confiance aux chiffres avancés tels qu’un taux de mortalité à 5,3 pour mille, on peut se demander ce que cache de tels chiffres. D’après le site « cubantrip », de nombreux témoignages de médecins exilés confirment une surveillance médicale très intense pendant la grossesse des femmes enceintes, notamment concernant les risques de malformations ou d’anomalies du fœtus. Au moindre doute, un avortement serait proposé à la femme enceinte, et fermement recommandée en cas de refus. Il est nécessaire d’ajouter à cela que l’avortement est une thématique difficile à aborder dans le cas cubain, entre autre car il est libre et gratuit et qu’il serait culturellement considéré comme un moyen de contraception ordinaire. Faire une recherche sérieuse sur un tel sujet demande donc d’écarter tout ce qui serait susceptible d’aborder des points essentiellement politiques ou culturels, ce qui constitue une tâche épineuse à accomplir.
Si l’on devait faire un bilan, on pourrait dire que le système de santé cubain vit aujourd’hui en grande partie grâce au capital santé accumulé durant les années d’aide soviétique. De même que les campagnes de vaccination massive ont permis d’éradiquer la polio, la diphtérie et la rougeole. De cette façon, Castro a réussi à éviter les fléaux qui ravagent un grand nombre de capitales d’Amérique latine : pas d’enfants livrés à eux-mêmes traînant dans la rue ni de bidonvilles gangrenant la périphérie des agglomérations. Dans ce cas, nous pouvons légitimement nous demander pourquoi le système n’est pas pleinement satisfaisant. Un bilan global qui peut être proposé est celui apparu dans un article du site « cubantrip », pour qui ce ne sont pas les infrastructures, le personnel ou les lits qui manqueraient, mais bien les médicaments, le matériel chirurgical et même parfois l’électricité. Nous proposons de conclure sur une analyse récapitulative de notre développement : le système de santé brillerait sur de nombreux points tels que la qualité de la formation de médecins ou la gratuité ponctuelle de certains services. Cependant, il ne serait pas capable de répondre entièrement à une demande soumise aux aléas de l’approvisionnement du matériel et du personnel propre à Cuba et, sous certains aspects, à une fausse gratuité qui affecte les plus démunis. Il convient toutefois de rappeler la difficulté, spécifique à Cuba, de détenir une information pertinente et incontestable, et donc de mener une analyse saisissant entièrement les enjeux réels. Mais après avoir pris conscience de cela, il faut tout de même oser analyser.
Basé donc sur des critères idéologiques difficiles à assumer économiquement, le système survit toutefois grâce à l’exportation de services sanitaires et à une diffusion de ses formations universitaires aujourd’hui mondialement reconnus. Ce capital humain a sûrement dû coûter énormément à l’État, mais l’on pourrait dire que maintenant qu’une base reconnue est constituée, il ne s’agit plus que d’entretenir cet avantage. Ceci nous permet de faire une projection sur l’avenir en faisant l’hypothèse que le système peut encore survivre longtemps : en vendant un tel capital, les principes d’égalité de traitement et de gratuité peuvent être défendus encore quelques temps, même si la traduction concrète de ces principes ne correspond pas vraiment à la théorie. Les Cubains ne devrait pas s’attendre à un avenir radieux en ce qui concerne la prise en charge de leur santé, mais le système politique et économique qui en est responsable est encore en mesure de pérenniser.
Panchire Anaximandre