Répression accrue contre les dissidents à Cuba

L’interpellation d’opposants, souvent musclée, est en nette augmentation à Cuba. Les peines de prison de plusieurs années ont été remplacées par des arrestations répétées de courte durée, un harcèlement incessant.

Ainsi, le 30 novembre, trois militants sociaux-démocrates, dont leur dirigeant Manuel Cuesta Morua, ont été interpellés à La Havane, pour les empêcher de tenir un forum sur l’évolution du racisme à Cuba, organisée par le Comité citoyen pour l’intégration raciale.

Antonio Rodiles, 40 ans, animateur depuis 2010 du forum de débats Estado de Sats, est resté détenu du 7 au 26 novembre, avant d’être relâché avec une simple amende. Il avait été arrêté par des agents de la Sécurité d’Etat en civil, sans identification, et traité avec violence, comme l’a montré une photo prise par sa compagne. Les discussions d’Estado de Sats, enregistrées dans la résidence de la famille Rodiles, sont diffusées ensuite sur Internet, sur DVD ou clé USB.

Les agressions physiques se multiplient. Guillermo Fariñas, prix Sakharov du Parlement européen, a été frappé avec un bâton dans une rue de La Havane, le 27 novembre, par deux agents en civil qui se déplaçaient dans une Lada officielle conduite par un troisième homme.

En province, la virulence des agressions est souvent plus grave. A Cienfuegos, le 4 novembre, une adolescente de 15 ans, Berenice Héctor Gonzalez, a été tailladée à l’arme blanche, parce que quatre membres de sa famille appartiennent aux Dames en blanc, l’association des épouses de prisonniers politiques, prix Sakharov du Parlement européen. Selon sa tante, Belkis Felicia Jorrin Morfa, l’attaque a été commise par Dailiana Planchez Torres, 19 ans, fille d’un capitaine de la police. Le site Internet Diario de Cuba a publié plusieurs photos de la victime.

La Commission cubaine pour les droits de l’homme et la réconciliation nationale a enregistré 5 625 arrestations de courte durée au cours des dix premiers mois de l’année (soit une moyenne mensuelle de 562, contre 172 en 2010 et 343 en 2011).

Elizardo Sanchez Santa Cruz, l’animateur de la Commission, une référence en matière de droits de l’homme à Cuba, a lui-même été menacé pour la première fois en vingt ans, dans une rue de La Havane, le 27 novembre. Ancien prisonnier politique et ex professeur de marxisme, maintenu sous surveillance et victime de campagnes de dénigrement récurrentes, Elizardo Sanchez n’avait pas été molesté depuis 1992.

Antonio Rodiles et d’autres opposants réclament la ratification et la diffusion des pactes des Nations unies sur les droits collectifs et individuels, signés par La Havane mais jamais respectés par les autorités cubaines.

Le 19 novembre, l’Union européenne a décidé d’entamer la négociation d’un accord de coopération avec Cuba, ce qui représente un tournant par rapport à la position commune de l’UE, qui relie depuis seize ans l’évolution des relations avec La Havane au respect des droits de l’homme.

L’économiste Oscar Espinosa Chepe, ancien prisonnier politique condamné lors de la vague répressive de 2003, reconnaît les changements intervenus à Cuba depuis le remplacement de Fidel Castro par son frère Raul à la tête de l’Etat, même s’il les trouve “insuffisants”. Comme d’autres opposants, il espère que l’UE n’oubliera pas la défense des libertés. Le démocrate-chrétien Oswaldo Paya, mort dans un accident controversé en juillet, avait été le premier Cubain à mériter le prix Sakharov du Parlement européen, à cause de son engagement pour une transition démocratique non violente et sans ingérence étrangère.

Paulo A. Paranagua

Extrait du blog América latina du journal Le Monde


Enrique   |  Actualité, Politique, Société   |  12 6th, 2012    |