Journée mondiale du refus… du capitalisme

La pauvreté en France en 2012

La pauvreté explose en France, comme dans nombre d’autres pays plus sévèrement touchés encore. En France, plus de huit millions de gens vivent sous le seuil de pauvreté (60% du revenu médian, soit 954 euros). La pauvreté frappe 15% de la population (22% à Poitiers). Les trois quarts des personnes sous le seuil de pauvreté sont des travailleurs et travailleuses ayant un emploi à temps partiel subi. 40% des salarié-e-s n’ont pas d’emploi stable. Selon l’observatoire des inégalités, on arrive au total à « environ 8,5 millions, au bas mot, de demandeurs-euses d’emploi en France et travailleurs-euses pauvres occasionnels ». La précarité n’a cessé de s’accroître ces dernières années, frappant notamment les jeunes et les retraité-e-s. En Grèce, ce laboratoire de l’austérité, le taux de suicides a quintuplé ces dernières années. Face à cette situation alarmante, aucune politique publique ne semble déterminée à endiguer le phénomène, bien au contraire : les politiques dites d’austérité dégradent toujours plus, ici comme ailleurs, l’accès aux soins et aux aides sociales.

Les bénévoles d’associations et de collectifs font ce qu’ils peuvent, dans l’urgence, pour faciliter l’accès à de la nourriture, des logements, des soins. Mais les subventions qui leur sont versées, par des autorités hypocrites se déchargeant ainsi de leurs responsabilités dans la situation, sont sans cesse rognées. Cette hypocrisie révèle son vrai visage dans la répression menée par la police et la justice : qu’on songe par exemple au DAL 86, qui lutte pour un logement pour tou-te-s et dont des militant-e-s sont harcelé-e-s par la police… pour leurs actions de solidarité avec les plus pauvres, dans leur lutte pour affirmer qu’un toit c’est un droit. Il est nécessaire d’analyser l’origine de cette pauvreté pour mieux la combattre, sans quoi l’activité bénévole et les journées de mobilisation contre la misère resteront impuissantes à enrayer le processus de destruction sociale aujourd’hui à l’oeuvre.

Le chômage c’est la misère, le salariat c’est l’exploitation : la pauvreté est indissociable du modèle capitaliste

Ce n’est pas en aménageant le capitalisme, qui s’est historiquement constitué avec la naissance des Etats modernes, qu’on éradiquera les inégalités et la pauvreté, qui sont les fondements mêmes de l’accumulation du capital. Le capitalisme est un système économique et social qui conditionne l’activité humaine à la soumission à l’impératif de l’extraction d’un profit sur le travail humain, garantie par les institutions étatiques (justice, forces armées, fisc). C’est-à-dire la différence entre les richesses produites et les salaires versés. D’où accroissement inexorable du capital au détriment des salaires. D’où impossibilité à terme d’écouler la production sur le marché. Ce décalage fatal entre offre et demande, cette crise de surproduction inhérente au capitalisme, a pour conséquence  coupes salariales, chômage et misère. De plus, dans le cadre de la compétition capitaliste, il faut investir toujours plus dans la technologie, d’où investissements moindres dans la main-d’oeuvre (blocage des salaires, licenciements), d’ailleurs peu à peu remplacée par les machines. Ce qui accroît encore plus la pauvreté. Le capitalisme n’a pas des moments de crise, il est lui-même la crise. Jusqu’ici le capitalisme a géré ces contradictions bien connues avec l’aide active des Etats, par le défrichement de nouveaux marchés (colonialisme, impérialisme), la course à l’armement, à la guerre et aux marchés de reconstruction, puis par la mondialisation (économies d’échelle, institutions et traités inter-étatiques), le saccage exponentiel des ressources naturelles, et l’accaparement capitaliste de pans entiers de la (sur)vie sociale. Dans les années 1970 et 1980, le capitalisme est rattrapé par ses contradictions internes : le taux de profit dégringole. Pour sauver le couple Capital – Etat, les gouvernements de droite comme de gauche ont partout légiféré pour financiariser l’économie : si la production présente ne rapporte plus assez, il sera maintenant possible de spéculer sur le profit des productions futures. Cette spéculation est par essence une fuite en avant : des produits financiers assurant les produits financiers eux-mêmes apparaissent, développant encore plus la spéculation, qui a atteint un seuil délirant, et sans aucune prise avec la réalité d’une production moribonde. Ce modèle est en train de s’effondrer. Là encore, ce sont les Etats qui épongent, à coups de traités d’austérité, convertissant une part immense des salaires (dont les salaires indirects avec les cotisations sociales, et les services publics, conquis-es de haute lutte contre le capital et les gouvernements) en capital, par le truchement de « remboursements » de « dettes » elles-mêmes délibérément signées par ces Etats. Le problème est qu’après le dernier garde-fou que constituent les budgets de ces Etats, sur la dette desquels les capitalistes spéculent, il n’y a plus rien que les gesticulations dérisoires des chefs d’Etat lors de pitoyables « sommets ». Si nous ne résistons pas, le désastre social et écologique n’a pas fini de tout détruire irréversiblement sur son passage.

La Fédération Anarchiste appelle à la fédération dans les luttes autonomes des salarié-e-s, syndiqué-e-s ou non, des collectifs de « sans » (-logis, -papiers, -terres…), des organisations militantes, des associations de quartier, de tou-te-s les révolté-e-s de la misère quotidienne. Il s’agit de s’opposer à toute attaque, avec la perspective de la prise en main des moyens de production par les populations elles-mêmes, par la grève générale réapropriatrice et la révolte individuelle et collective,  la création d’assemblées locales, et leur organisation en fédérations.

Aucun droit n’a jamais été conquis que par la lutte. Nous ne pourrons pas compter sur les bureaucraties politiques et syndicales, qui n’ont pour but que de sauver le système qui les nourrit généreusement. Ces pseudo- « représentations populaires » ne nous ont jamais représenté-e-s. Personne n’a le droit de s’exprimer et de décider à notre place : une bonne fois pour toutes, ne comptons que sur nous-mêmes ! Nos alternatives et nos luttes peuvent d’ores et déjà, ici et maintenant, nous placer dans une dynamique d’abolition du capitalisme, et de son fondement – le rapport salarial, et de sa machine de guerre – l’Etat. De nombreuses luttes en cours, comme celles contre les grands travaux inutiles (aéroport de Notre-Dame-des-Landes avec aujourd’hui même des résistances contre l’expulsion de la ZAD par un millier de forces de l’ordre, autoroutes, LGV, EPR…) le démontrent. Ce n’est pas impossible, nous n’avons besoin d’aucune autorité pour nous organiser. Nul besoin de citer les exemples historiques des milliers de collectivités libertaires espagnoles fédérées en 1936, pour rappeler qu’aujourd’hui même des luttes d’émancipation contribuent, partout dans le monde, à mettre en œuvre de nouveaux rapports sociaux libertaires, égalitaires et solidaires.

Nous ne voulons pas de leur charité, nous ne voulons pas de leurs miettes, ce monde est à nous et nous voulons toute la galette !

A nous de jouer.

17 octobre 2012, Groupe Pavillon Noir (Fédération Anarchiste Poitiers)

pavillon-noir@federation-anarchiste.org

http://fa86.noblogs.org

NdPN : Tract diffusé aujourd’hui lors des rassemblements organisées dans le cadre de la “journée mondiale du refus de la misère”.


Enrique   |  Actualité, Politique, Société   |  10 17th, 2012    |