Fidel Castro est-il mort ?
Des rumeurs insistantes, prises au sérieux par les correspondants à la Maison Blanche, laissent entendre que la mort de Fidel Castro sera annoncée d’ici 72 heures.
Des rumeurs de la mort de Fidel Castro, il y en a eu des milliers, des millions, depuis 1959, voire avant, et d’autant plus depuis que le chef de la Révolution cubaine a laissé le pouvoir à son frère pour raisons de santé. Sur Twitter et les réseaux sociaux, c’est comme un jeu qu’on ne prend plus au sérieux. Mais cette dernière rumeur est différente…
C’est le journaliste vénézuélien Nelson Bocaranda, célèbre pour avoir révélé le cancer de Hugo Chávez, qui a lancé la chose. La mort de Fidel Castro sera annoncée dans les 72 heures, a-t-il écrit jeudi. Et s’il n’est pas encore décédé, il serait au moins en état de mort cérébrale.
Il n’en fallait pas plus pour exciter les correspondants à la Masion Blanche qui ont pris le bruit très au sérieux. Une attitude inhabituelle pour Fidel Castro a d’ailleurs été relevée par le site d’actualité Havana Times : son silence, alors que son ami Hugo Chavez a été réélu à la tête du Vénézuela dimanche dernier. « Où est Fidel Castro ? », avait titré le quotidien.
Depuis le mois de juin, Castro n’écrit plus ses réflexions sur l’actualité internationale sur Granma, le journal du Parti communiste cubain.
Le bruit de couloir a pris à ce point de l’ampleur qu’un de ses fils a dû démentir : « Le commandant se porte bien, il vaque à ses occupations quotidiennes, lit et fait de l’exercice », a assuré Alex Castro.
Fidel Castro, 86 ans, a été contraint de quitter le pouvoir en février 2008. Sa dernière apparition publique remonte au mois de mars, lorsqu’il a rencontré le pape Benoît XVI.
À la suite, nous publions un article, plein de lucidité, écrit l’an dernier par David E. Suárez pour Habana XXI, il traite de l’avenir de Cuba après la mort de Fidel Castro et de son frère Raúl.
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POLITIQUE : APRÈS CASTRO
Au milieu des années 90, la presse étrangère a posé la question que tout le monde avait sur les lèvres à un célèbre écrivain cubain : « Que va-t-il se passer à Cuba quand Fidel Castro sera mort ? » L’écrivain a répondu : « Je pense qu’on organisera un enterrement ». En fait, il ne se passera rien d’extraordinaire. La mort de Fidel Castro n’aura, en réalité, pas tant d’importance.
Cette réponse pouvait paraître absurde à ce moment-là. Mais on sait aujourd’hui qu’elle est parfaitement sensée. La mort de Fidel, qui donna lieu à un certain moment à d’imprévisibles rumeurs sur « le lendemain cubain », a perdu presque tout son poids pour définir le futur du pays. Comme le modèle économique, les boules de cristal cubaines ont dû « s’actualiser » et se concentrer davantage sur Raúl Castro.
Une mort attendue
La scène redoutée par beaucoup, à Cuba et à l’extérieur du pays, était celle d’un Commandant mourant à l’improviste. Sa disparition entrainerait incertitude, chaos et vide à travers toute l’Île. L’idée est qu’un politicien au pouvoir depuis cinq décennies se doit de garder les rênes jusqu’à la fin. Mais à l’été 2006, l’ancien dirigeant s’est écarté du pouvoir suite à un problème de santé. Il céda toutes les responsabilités à son frère Raúl. La situation prit un profil plutôt inattendu.
Tout d’un coup, Fidel n’était plus au devant de la scène mais restait seulement en coulisses. Les rumeurs de sa mort se propageaient à chaque instant, rapidement démenties par son entourage. Nous ne le voyions alors presque plus. Son seul lien avec le peuple cubain était ses Réflexions publiées régulièrement dans la presse et répétées à l’envie par les présentateurs de radio et de télévision.
Je crois que personne n’avait imaginé ceci : la mort de Fidel, non pas comme un événement brutal, mais comme un lent processus durant lequel Fidel devient une ombre. Cette ombre reste puissante mais son pouvoir se tarit peu à peu. À Cuba, on parle de sa fin proche avec toujours davantage de naturel aussi bien dans la rue que dans les sphères du gouvernement.
Et après Raúl Castro ?
La disparition de la « génération historique » (Fidel, Raúl et la garde militaire) a longtemps été passée sous silence. Mais elle fut évoquée dernièrement par le président cubain. Cette poignée d’octogénaires a, pour la première fois, annoncé publiquement sa propre extinction et s’est empressée de prendre des mesures de passation du pouvoir.
Mais il est évident qu’aucune réforme de dernière minute ne pourra contenir ce qui vient. Sans la présence des deux leaders charismatiques, une nouvelle structure gouvernementale devra apparaître et les vieux schémas n’auront plus raison d’être. Ceci apportera par conséquent une démocratisation progressive du pays en même temps qu’une transition rapide vers une société de consommation déjà en marche.
La rapidité du processus dépendra du temps de vie restant à Raúl Castro qui a aujourd’hui le même âge que son frère lorsque ce dernier quitta le pouvoir. Le général joue contre-la-montre et il le sait.
Pour l’instant, il pense pouvoir créer une base solide pour la mise en place d’un « socialisme actualisée » et d’une voie sûre pour transférer les pouvoirs de façon organisée. En fait, il souhaite amortir, atténuer, modérer l’incertitude, le chaos et le vide qui se dessinent après sa mort.
Nous, les Cubains, nous assisterons à cela durant les prochaines années : une course effrénée entre la biologie humaine et des réformes politiques et économiques du système.
Une question terrible
Dans ce contexte, la mort de Fidel Castro ne conduira pas à une autre révolution. C’est tout le contraire : la disparition du chef pourrait renforcer l’unité du Parti Communiste autour de Raúl. Le général est déjà préparé pour gérer le legs politique de son frère. Il sait qu’un Fidel élevé en héros de la patrie jouera en sa faveur.
Toutefois, le hasard inversera peut-être l’ordre naturel et la mort de Raúl Castro pourrait se produire à l’improviste avant celle de son frère. Et alors ? Comment le Commandant vieillissant et de moins en moins en contact avec la réalité pourrait modifier les événements ? Ce serait alors une question terrible à laquelle personne n’ose répondre aujourd’hui : que va-t-il se passer à Cuba quand Fidel Castro continuera à vivre ?
David E. Suárez