Chris Marker et la révolution en Amérique latine

Même si la Russie et le Japon restent les terres d’élection de Chris Marker (1921-2012), l’Amérique latine a laissé une empreinte indélébile dans l’œuvre de ce cinéaste voyageur.

Cuba si ! (1961) évoque sa rencontre avec la révolution cubaine et le castrisme.

Interdit en France, le film oscille entre la distanciation typique d’autres découvertes filmiques du réalisateur et l’engagement politique, sans négliger la fascination face à Fidel Castro.

Pour la petite histoire, signalons que Cuba si ! a été porté aux nues par Paul-Louis Thirard dans la revue Positif, tandis que Michel Mardore l’accablait dans les Cahiers du cinéma Le film est visible sur YouTube.

Chris Marker a laissé la trace de son intérêt pour d’autres pays d’Amérique latine. Le recueil de ses Commentaires II (Seuil, 1967) contient un projet, Soy México, inabouti faute d’accord avec François Reichenbach.

Le texte écrit pour A Valparaiso de Joris Ivens (1963) montre une familiarité avec le Chili qui n’a pas attendu la victoire de l’Unité populaire et l’élection de Salvador Allende. Le Chilien Patricio Guzman a compté sur le soutien de Chris Marker pour ses documentaires traitant des années Allende (El primer año, 1972 ; la trilogie La batalla de Chile, 1975-1979). Tout comme les réalisateurs de La Spirale (Armand Mattelart, Valérie Mayoux et Jacqueline Meppiel, 1975). Sans oublier un dialogue impromptu avec le peintre chilien Matta (1985).

Entre-temps, Marker a réalisé un film intriguant en super-8, L’ambassade (1974), sur un groupe de réfugiés au moment du coup d’Etat à Santiago du Chili (à moins que ce ne soit à Paris ?).

Après mai 1968, pendant les années d’essor du cinéma militant, Chris Marker et son collectif SLON ont consacré plusieurs films de la série On vous parle… aux luttes des Latino-américains : On vous parle du Brésil : tortures (1969), On vous parle du Brésil : Carlos Marighela (1970), On vous parle du Chili : ce que disait Allende(1973), auxquels on peut rattacher La bataille des dix millions (avec Valérie Mayoux, 1970), sur la grande zafra (récolte) de dix millions de tonnes de canne à sucre, un des échecs de Fidel Castro.

Le fond de l’air est rouge (1977), le chef d’œuvre de Chris Marker, porte jusqu’à son incandescence la marque de cet engagement prolongé.

Pour reprendre le titre du film consacré à Alexandre Medvekine (Le tombeau d’Alexandre, 1993), c’est un tombeau de l’utopie révolutionnaire que compose le cinéaste, donnant toute sa place à ses récentes incarnations en Amérique latine. Le bilan des espoirs et défaites suscitées par le castrisme est empreint de mélancolie et de sérénité. Le film a été édité sur DVD par Arte.

Chris Marker était désormais prêt pour partir vers d’autres aventures et découvertes, en quête de dépaysement et de lucidité.

Paulo A. Paranagua. Blog  du Monde. America latina (VO)

http://america-latina.blog.lemonde.fr


Enrique   |  Culture, Politique, Société   |  08 13th, 2012    |