Les théoriciens de la conspiration et l’assaut lancé sur Havana Times

Le court-métrage Brainstorn d’Eduardo del Llano où la médiocrité, la simulation et le manque d’initiative caractérise l’exercice d’un journalisme castré, le film reflète clairement les conditions épouvantables qui entravent le développement de la presse cubaine.

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Ces derniers jours ont fait leur apparition sur plusieurs blogs de l’île – et chez certains de leurs partenaires internationaux – des accusations répétés sur le caractère contre-révolutionnaire et conspirateur de Havana Times.

La répétition occasionnelle de l’attaque a généré l’indignation et la mise en alerte de ceux qui participent à la rédaction de ce média, elle nous a conduit à une série de réponses personnelles et collectives qui visent à freiner et à inverser l’effet de cette accusation et de ses effets possibles.

Ces posts infâmes doivent être lus non seulement pour ce qu’ils disent, mais pour le contexte dans lequel ils sont écrits. La gravité universelle de toute diffamation personnelle est maintenant aggravée, dans le contexte cubain, par le caractère anonyme de certaines de ces accusations et l’asymétrie des moyens qui existent entre ceux qui lancent des diatribes et les accusés.

Les premiers (avec leurs signatures personnelles ou des pseudonymes) comptent sans doute avec le parrainage ou l’approbation des institutions et sont en concordance avec les points de vue officiels. Les seconds pourront ajouter à leurs intarissables arguments moraux et à la solidarité de gens honnêtes, des moyens très limités pour réparer les dégâts occasionnés.

Tout cela se déroule dans un contexte où les droits de l’Etat  s’impose souvent  face aux maigres garanties et aux procédures d’un Etat de droits absent. Et aux mécanismes très limités disponibles pour les citoyens, pour les communautés, sauf dans les occasions où des fonctionnaires et des institutions s’engagent pour la défense de la légalité et de la dignité humaine.

Bien que limités, ils existent, et cela vaut la peine de prendre leur défense contre les fabricants de rumeurs.

Ces procureurs du cyberespace sont une expression de la conspiranoïa, phénomène à partir duquel, avec une déformation des règles et des contenus du débat public, les rumeurs se substituent aux arguments, la diffamation à l’éthique et la logique de la police à l’idéologie.

En confondant la diversité des points de vue avec une conspiration planifiée et organisée à partir d’un “poste de commandement”, les théoriciens de la conspiration ne font rien d’autre que chercher l’autre dans le miroir où se reflètent leurs façons d’agir et leurs mobiles pour interpréter et commenter la réalité qui les entoure.

Ayant mutilé l’autonomie, les théoriciens de la conspiration considèrent que nous vivons tous dans les mêmes conditions. Par conséquent, ils considèrent que nous les chroniqueurs d’Havana Times nous devons mettre en pratique ce que l’on voit dans l’œuvre d’Eduardo del Llano, Braimstorn (voir ci-dessus).

Dans ce magistral court-métrage, la médiocrité, la simulation et le manque d’initiative caractérise l’exercice d’un journalisme castré, le film reflète clairement les conditions épouvantables qui entravent le développement de la presse cubaine.

Ainsi, face à la richesse et aux contradictions qui peuplent les colonnes de Havana Times, ces individus répandent leur paranoïa (et l’amplifie à leurs publics captifs) présentant comme des conspirateurs de simples citoyens ordinaires qui exercent des droits, inscrits dans la Constitution, à s’exprimer librement, sans agendas et sans mécénats occultes.

Il y a d’autres caractéristiques qui attire l’attention sur nos accusateurs : leur mépris apparent pour les problèmes et les processus de transformation de notre pays, par rapport à la priorité obsessionnelle et policière de présenter des “preuves” et des “dossiers” sur ces voix qui les dérangent.

Comme on le sait, nous les chroniqueurs de Havana Times nous dédions nos  posts à de multiples problématiques nationales et mondiales – existentielles ou politiques, sportives et environnementales, sexuelles ou artistiques, comme le signe d’une saine ouverture d’esprit, où les accents et les priorités de chaque chroniqueur sont complétés par les intérêts et les visions de l’autre.

Cela crée un espace de dialogue riche qui ne plait généralement pas aux extrémistes qui souhaitent présenter l’île et le monde comme un paradis ou un enfer, en fonction de leurs intérêts personnels.

Au lieu de cela, il semble que nos détracteurs vivent dans un pays où tous les problèmes auxquels sont confrontés les gens sont satisfaits. Et ils croient que leurs voisins et concitoyens vivent également ainsi.

Selon leur logique, les difficultés de la vie quotidienne de chaque citoyen devraient être subordonnées à des contraintes géopolitiques et à la vision unique d’une Raison d’État changeante.

Si il y a une épidémie, si l’eau n’arrive plus dans le quartier ou si le transport est de plus en plus difficile – pour ne citer quelques éléments de l’épuisante vie quotidienne –  les agents de la conspiration considèrent que rien de tout cela est pertinent pour leurs compatriotes.

Pour eux, la priorité de chaque citoyen cubain est de comprendre comment les gens dans d’autres pays vivent, de façon  pire qu’à Cuba, comment ces problèmes sont la faute de facteurs externes et comment, lorsqu’ils ne sont plus dissimulables, il faudra minimiser l’exposition de ceux-ci sur le plan du public  pour “ne pas donner des armes à l’ennemi” ?

Enterrant tout débat et toute analyse idéologique, la nature même des articles écrits par les agents de la conspiration montre que ce sont des textes partiaux et apparemment télédirigés.

Dans leur modèle de journalisme, leurs agendas personnels se confondent avec un script dans lequel plusieurs acteurs jouent le même personnage avec des sandwichs à peu près identiques.

Refrain conspiranoïaque, où l’émulation, dans le cadre d’un plan de production des injures, semble se nourrir des airs de la compétitivité et et de l’efficacité que l’on impose au pays à travers la soi-disant  “actualisation du modèle”.

Ce qui, incidemment, nous amène à demander en vertu de quels critères sont accordés, à de tels incapables, l’accès à Internet, leurs honoraires et leurs ordinateurs dans un pays où la majorité des gens se voit dans l’impossibilité – , de façon quotidienne et sans violer la légalité – d’accéder à ces biens et ces services.

Si les producteurs de conspiranoïa persistent sur cette voie, il n’y a pas de problème, nous ne rentrerons pas en compétition avec les producteurs de commérages. S’ils veulent continuer à diffamer, dans leurs groupes et sur leurs pages, qu’ils le fassent, mais nous sommes des chroniqueurs et citoyens, leur faisons savoir que notre engagement va de pair avec la vérité, toujours personnelle et inachevée.

J’espère qu’ils comprendront que nous ferons face avec nos réactions, personnelles et concertées, dans tous les espaces et avec tous les moyens juridiques et publiques disponibles.

Armando Chaguaceda

Publié sur Havana Times


Enrique   |  Actualité, Société   |  07 18th, 2012    |