État espagnol – La criminalisation de la protestation sociale en marche
Face à une telle offensive, soyons solidaires et ne permettons pas à l’État et au Capital de nous démobiliser.
Sous le couvert de la lutte pour arrêter la violence possible qui peut se produire dans les manifestations de rue, que les coupes sociales présentes et futures provoqueront inévitablement, le ministère de l’Intérieur a annoncé qu’il était en train de s’accorder avec le ministère de la Justice pour durcir du Code Pénal relatif à l’‟ordre public”. Au douze mesures déjà annoncées pour réprimer plus durement la ‟désobéissance contre l’autorité”, ils veulent ajouter la proposition du secrétaire d’Etat à la Sécurité, Ignacio Ulloa, pour que les associations, partis et syndicats qui appellent à des manifestations «répondent pénalement» pour le comportement de l’un de ses affiliés ayant causé «des dommages avec des implications pénales» au cours de telles actions de protestation.
Bien que le secrétariat d’État à la Sécurité ait insisté sur le fait que l’objectif de ce durcissement répressif n’est pas de porter atteinte au droit de manifester des citoyens, mais d’«éviter la violence qui pourrait se produire lors de manifestations incontrôlées par leurs organisateurs», les faits démontrent que ce n’est pas la violence que l’on veut empêcher mais la protestation sociale, que les gens sortent dans la rue comme ce fut le cas le 29-M.
La preuve de cela est que cette responsabilité est menacée de s’étendre aux parents et aux tuteurs des mineurs qui ont commis de tels dommages et d’inclure la «résistance passive» dans le ‟délit” de «résistance active» … En Catalogne, en plus des interventions brutales des Mossos d’Esquadra [police catalane] et des arrestations arbitraires liées à la grève générale du 29-M, vient d’être ouverte un site Web de la police catalane pour «identifier les personnes soupçonnées d’avoir commis des actes de violence de rues pendant cette grève.» Une incitation cynique et indigne à la délation citoyenne justifiée par le directeur de la police catalane, Manel Prat, avec ces mots significatifs : «dissuader et prévenir».
C’est la stratégie de la peur et le gouvernement l’utilise sans vergogne pour intimider les citoyens et les inciter à ne pas s’organiser ou participer à des actes de protestation citoyenne ou à des manifestations syndicales contre les politiques antisociales. C’est pourquoi le directeur de la police autonome n’y est pas allé par quatre chemins en déclarant son intention d’étendre le site Web à «de nouveaux dossiers d’incidents qui se produiront à l’avenir» et promet «la confidentialité maximale» aux personnes qui veulent livrer des informations sur les prétendus ‟vandales”. Et encore moins en disant clairement quel est son objectif : «promouvoir la participation citoyenne à 100%, en même temps que nous voulons une inquiétude citoyenne à 0%.»
Après ces déclarations infâmes et menaçantes de la part d’autorités qui prétendent défendre un régime démocratique, comment s’étonner que soient couvertes des actions policières clairement préjudiciables aux droits des citoyens et que soient poursuivis brutalement ceux qui protestent contre l’injustice sociale ? Oui, comment s’étonner que le gouvernement de Rajoy gracie cinq Mossos reconnus coupables de blessures, torture, mauvais traitements et détention illégale ? Délits pour lesquels ils devaient purger une peine d’interdiction professionnelle, plusieurs années de prison et une amende, selon ce que reconnaissent des sources gouvernementales, et que, suite à l’approbation d’un décret royal, ces agents «retourneront et se réintégreront le corps des Mossos et retrouveront leur statut de fonctionnaires», étant donné que le Conseil des ministres a commué la peine d’interdiction – qui les empêchait d’exercer de nouveau – en celle de suspension…
Oui, comment s’étonner de cela et que, quelques jours plus tard, soit arrêtée la secrétaire à l’organisation de la CGT de Barcelone, Laura Gómez, et que la juge de la Cour d’Instruction n ° 23 de Barcelone décréterait la prison pour sa participation le 29-M à une performance à la porte de la Bourse de Barcelone, au cours de laquelle ont été symboliquement brûlées des boîtes en carton avec des papiers à l’intérieur. Une action de protestation pour laquelle le ministère public a demandé et que la juge a décrété «la détention provisoire avec droit de visite et sans possibilité de libération sous caution étant donné la gravité des faits et pour éviter le risque de fuite, de dissimuler des preuves et l’empêcher de commettre d’autres délits», à une femme, sans antécédents judiciaires, avec domicile fixe, emploi stable et une fille qui vit avec elle. Des considérations et des critères que cette Justice ne prend pas considération ni n’appliquent aux banquiers et politiciens poursuivis par les procureurs anticorruption !
Comment ne pas voir dans tout ce qui précède la preuve de la collusion entre le gouvernement de l’Etat et celui de la Communauté autonome pour criminaliser la protestation sociale?
Laura, comme tous les autres indignés détenus ou poursuivis, sont les premières victimes de l’actuel Pouvoir autoritaire et répressif au service du Capital, qui cherche à mettre fin aux droits et libertés du peuple travailleur au moyen de lois liberticides et d’une répression de plus en plus brutale. De cette façon, ce Pouvoir veut intimider les citoyens afin qu’ils ne fassent pas cause commune avec les syndicalistes et les indignés qui luttent et ne se résignent pas à vivre à genoux.
C’est pourquoi, aujourd’hui comme hier, lors de la lutte contre la dictature franquiste, il est nécessaire de témoigner activement notre solidarité avec tous ceux qui sont dans les griffes de ce Pouvoir, qui n’a aucun scrupule à s’inscrire de plus en plus dans la tradition fasciste de la répression de la protestation sociale. Soyons solidaires et ne permettons pas à l’État et au Capital de nous démobiliser.
Octavio Alberola
(Traduction : J.F.)