Détournements de budgets pour Ratzinger ?
Le gouvernement cubain s’est lancé dans une course contre la monte dans l’objectif du 26 mars, le jour où Ratzinger, l’actuel monarque de l’Église catholique arrivera à Cuba. Le gouvernement veut offrir l’image d’une ville bien maquillée, pour qu’elle soit belle sur les photos.
J’ai l’habitude de circuler de l’ouest de la capitale au centre, et ces dernières semaines j’ait vu comment les brigades de travailleurs se sont activés dans les principales artères de la zone : avenue 31, 41, rue 100, Paseo, et d’autres qui bénéficient d’un coup de peinture sur les façades des maisons et d’un nouveau revêtement des sols.
Je me demandais pourquoi tant de réparations, alors que le pape ne se promènera pas dans la ville… jusqu’à ce que je comprenne. Le ripolinage n’est pas pour le Pape, mais pour la horde de journalistes qui arrivent déjà, et qui rapporteront “la réalité de l’île”.
On dit qu’on veut toujours montrer lors d’une visite la meilleure image de notre maison, et cela ne me paraît pas mal, sauf s’il faut pour cela un sacrifice aussi grand que celui que l’on va faire dans ce cas-là.
Une travailleuse des bureaux du logement d’une des municipalités de l’Ouest de La Havane a fait remarquer que le budget destiné à certains quartiers socialement défavorisés a été “redirigé” vers le financement de travaux sur les principales artères.
Beaucoup de ces rues dont on renouvelle l’asphalte bénéficient de la norme cubaine, elles sont classées en “très bon état”, rien à voir si on les compare avec d’autres rues qui se trouvent à quelques pâtés de maisons et qui n’ont même de pavés, comme c’est le cas à Cocosolo, dans le quartier de Marianao.
Les rues qui entourent le Conseil d’État sont parmi les plus privilégiées… et pas spécialement parce qu’elles sont en mauvais état.
Les travaux sur la Place de la Révolution sont impressionnants. La place est restée architecturalement inchangée depuis des décennies, cette fois-ci elle a cédée aux travaux que le gouvernement et l’archevêque de La Havane ont prévu pour l’occasion.
Soutenue par des poutres en fer puissantes, une énorme scène au pied de la statue de Martí a été montée, il semble que l’on attende, plutôt qu’une messe, un concert du groupe de rock Metallica.
Une grande partie de la pelouse a été enlevée, et sur le côté on construit des gradins, tandis qu’un grand escalier central donne accès à l’autel à partir de la rue. C’est toute une structure complexe qui a impliqué un travail de plusieurs mois de la part des concepteurs et des brigades de construction, tout ça pour un événement qui ne durera que quelques heures.
Même si l’église a fait don de la majeure partie des ressources financières pour construire cet autel résistant à des ouragans de force 5, il est clair que la logistique, en particulier la main d’œuvre, est apportée par l’État… c’est-à-dire par nos impôts apparament.
On a pas demandé aux gens ce qu’ils voulaient faire de leurs impôts, on leur a simplement demandé de recevoir le pape “avec affection et respect”. S’ils ont des considérations critiques sur les positions homophobiques de l’ Église catholique, ou s’ils désirent conserver les avancées cubaines obtenues sur le droit à l’avortement, ce ne sera pas le moment.
Un rapport d’IPS informe également à propos de la maison de repos qui se trouve près de la Basilique du cuivre dans l’est de Cuba (c’est là où on vénère la vierge de la charité du cuivre, la patronne de Cuba). Elle a été construite pour le séjour de Joseph Ratzinger pour une seule journée, lors de son arrivée uniquement.
Il s’agit d’un bâtiment en béton armé pour lequel l’église a dépensé 86 000 dollars, sans compter la restauration du sanctuaire d’El Cobre, à 12 km de Santiago de Cuba, où on a investi 236 mille pesos cubains.
Comme sur la Place de la Révolution, où le gouvernement a été forcé de dépenser une grande partie de ses modestes ressources financières, et la majorité de la force de travail, mais les chiffres n’ont pas été divulgués.
Cette Cuba est-elle en mesure de faire de tels détournements ? Le gouvernement n’appelle-t-il pas à revenir à la planification, à l’ordre, à l’institutionnalité ? N’y at-il pas de limitation réelle des budgets ?
Vraisemblablement, de nombreux ministères et entreprises de la construction, de logistique, d’assurances, de sécurité, ont dû changer leurs plans annuels, leurs budgets, leurs priorités.
La Cour des comptes peut-elle sanctionner ces actions parce qu’elles sont hors du budget approuvé par l’Assemblée nationale en décembre 2011 ?
Le pire, c’est que dans ce cas, tout a été fait pour donner du glamour à un événement qui sera logiquement élitiste, même si des milliers de personnes assistent aux messes publiques.
Je pense qu’il y a une différence entre la juste défense de la liberté du culte des Cubains et du droit à la confession religieuse, et par ailleurs le fait de consacrer des ressources publiques pour séduire avec clinquant Benoît XVI et les journalistes étrangers.
Isbel Díaz Torres
Publié dans le blog de l’Observatoire critico