Une assemblée célébrant le 40e anniversaire du Centre théorico-culturel “Criterios” a souligné la nécessité de promouvoir les espaces de participation et de dialogue
La Havane, février 29. Dans le cadre d’une approche des problématiques de la sphère publique à Cuba, le Centre théorico-culturel “Criterios” a réuni un groupe d’activistes, d’intellectuels et d’universitaires pour débattre de la question de la politique et du citoyen, ce qui a parfois été un sujet tabou et c’est encore un sujet sensible pour la société cubaine contemporaine.
Aujourd’hui, il est question dans le pays d’une “ampliation du débat public” dans le processus de changements économiques et sociaux qu’oriente le gouvernement actuel, a déclaré Desiderio Navarro, coordinateur de cette institution, qui a célébré à travers cet évènement son 40e anniversaire. Pour cette raison, la question mérite une “nécessaire réflexion et une nécessaire divulgation” dans les différents secteurs de la population.
Le table ronde était composée de la blogueuse et activiste Yasmin S. Portales, l’universitaire Jorge Luis Acanda, l’écrivain Arturo Arango, l’anthropologue Mario Castillo, le politologue Rafael Hernández, l’éditeur Roberto Veiga et le narrateur Leonardo Padura, ils ont analysé “Le sens de la sphère publique à Cuba”.
Pour Acanda, il est essentiel de considérer quelle est la perception du peuple cubain à propos “du public”. Il a indiqué que ce concept est souvent confondu avec ce qui est “de l’État”. Ainsi, il a appelé à réviser les mécanismes juridiques qui permettent la participation dans ce domaine”, “pour que les libertés formelles se convertissent en libertés réelles”.
Pendant ce temps, Portales s’en est référé à la “sphère publique du débat dans les espaces numériques”, qui “est biaisée par l’accès limité à Internet” dans le pays et excessivement politisée. Cette situation provoque le fait que la minorité qui accède à Internet et qui participe à des blogs devient représentative de la société dans son ensemble”, ce qui ne correspond pas avec le contenu des blogs personnels.
La blogosphère à Cuba est devenu un «champ de bataille”, il prit parti pour la diversité des voix – de toutes les tendances politiques – qui la composent. Malgré les limitations que l’on trouve dans ce domaine de la discussion, Portales a insisté sur le fait qu’il “valait la peine de la renforcer, parce qu’à travers les blogs on tente de construire une fenêtre d’opportunités”.
À son tour, Hernandez promu la réflexion à partir de neuf désirs qu’ – à son avis – partage la majorité de la population de l’île : un meilleur niveau de vie, plus de marché, une plus grande consommation de biens et de services, des emplois et des salaires en correspondance avec le niveau professionnel, une meilleure éducation et une meilleure santé publique, une société libérée des sales affaires et moins de contrôle étatique, entre autres.
Veiga, éditeur de la revue Espacio Laical, du Conseil de l’archidiocèse des laïcs de La Havane, déclara qu’il est un dialogue entre Cubains sur les affaires publiques”, dans la famille, dans les quartiers et entre amis. Toutefois, “il faut l’institutionnaliser”, opina-t–il dans sa présentation, où il offrit des critères personnels et non pas au nom de l’Église catholique à Cuba.
Toutefois, il identifia dans la société “une lassitude causée par un dialogue sans réponses efficaces”. Pour lui, “la diversité de la nation doit s’exprimer politiquement” et “on doit créer un climat de confiance politique entre ceux qui pensent différemment” pour atteindre un consensus public par le biais “des critères des majorités et des minorités”.
En accord avec Arango, il dit qu’il fallait “briser le moule qui a permis de donner à entendre la démocratie” dans le pays, et il demanda de reconnaître instamment la “dissidence” et non plus la diaboliser, dans les débats publics. Continuer en ignorant les opinions contraires, signifie “ne pas tenir compte des revendications et des attentes d’une partie des citoyens”, a-t-il dit
Pendant ce temps, Padura parla de “la haute polarisation de la sphère publique cubaine” et la nécessité d’instaurer la culture du débat dans des domaines tels que les médias communication de masse.
Selon l’auteur et journaliste, on ne peut pas tenir un débat public sans accepter la diversité des points de vue, garantir la possibilité les exprimer et d’argumenter, et d’éradiquer la “secretisme administratif”, c’est à dire, le refus des institutions de fournir des informations d’intérêt social.
Pendant ce temps, Mario Castillo, activiste du citoyen Réseau protaniste de l’Observatoire critique, a évoqué l’expérience de ce projet autogéré et la nécessité identifiée de mettre en pratique en allant plus loin de l’exercice de la critique pour promouvoir des projets spécifiques de participation citoyenne.
Criterios, qui détient plusieurs prix, dont le Prix de la Fondation Prince Claus des Pays-Bas (2009), défend la circulation au plan local de ce qu’il y a de plus actuel dans la pensée culturelle mondiale. Pour atteindre cet objectif, sur son itinéraire, Criterios a fait plus de 400 traductions de textes théoriques en 17 langues pour les socialiser à Cuba, à travers différents supports.
Publié dans IPS
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Cette célébration a failli ne pas avoir lieu. Le stock des derniers numéros de Criterios, envoyé de l’étranger, a été longuement retenu en douane dès son arrivée à La Havane.
Il faut par ailleurs signaler que lors de cette réunion qui a lieu dans un édifice appartenant à l’Institut cinématographique (ICAIC), un groupe important de la police politique, vêtu en civil, a déterminé qui était digne de participer ou non à la réunion.
Deux membres du Comité d’intégration raciale se virent interdit d’accès par les policiers, de même que l’écrivain Orlando Luis Pardo et qu’Antonio Rodiles, le coordinateur de l’espace d’information et de communication Estado de Sats.
Tout ceci montre que nous sommes loin des désirs exprimés par les intervenant concernant la liberté d’expression et l’”ampliation du débat public” à Cuba.