Une île sans maison (1/2)
Avoir sa propre maison à Cuba est souvent un rêve inaccessible. Trouver un loyer à la portée de sa bourse reste une utopie. Alors que les années passent, aucune solution ne semble émerger pour combler l’énorme déficit de logements sur l’Île. Les plans gouvernementaux se sont heurtés maintes et maintes fois à l’inefficacité des institutions publiques, la corruption des fonctionnaires et des constructeurs tout comme au passage fréquent des cyclones sur les terres cubaines.
La pénurie chronique de logements gravite autour d’autres problèmes comme la chute de la natalité, l’émigration des jeunes, le manque de main d’œuvre dans ce secteur ou encore l’insalubrité grandissante dans plusieurs villes. C’est un autre élément du cercle vicieux qui empoisonne l’Île, plus de 20 ans après le début de la crise économique.
Le problème est de longue date. En effet, Cuba n’a jamais eu assez de logements pour abriter toute sa population. Ni durant la colonie espagnole, ni sous la tutelle américaine, ni durant les 50 années de la Révolution menée par Fidel Castro. Les grandes et modernes demeures ont toujours coexistées avec les bohíos, les cuarterías et autres quartiers marginaux colorant le paysage urbain de l’Île.Le vieux problème du logement
Dans la mythique décennie des années 50, les nouvelles constructions satisfaisaient à peine un tiers des besoins, selon une étude du Centre des Études de l’Économie Cubaine. La Havane regroupait plus de 80% des meilleurs logements alors que dans le reste de l’Île décrépissaient plusieurs hameaux et capitales de province. En 1959, le déficit de logements était estimé à un demi-million.
D’autre part, avant l’arrivée de Fidel Castro au pouvoir, plus de deux millions de personnes (sur une population de six millions) payaient un loyer représentant la moitié de leurs revenus familiaux. Le régime socialiste a changé la donne mais n’a pas réussi à endiguer le manque chronique de logements.
Le rêve des microbrigadas
Dans son programme de 1953 La Historia me absolverá, Fidel Castro avait promis de résoudre ce vieux problème social. « Il y a assez de pierre et de bras pour construire un logement convenable à chaque famille cubaine », assurait-il alors. Douze ans après le triomphe de la Révolution, le leader maximo reconnaissait que « le logement est le problème social le plus urgent auquel nous devons faire face. C’est un problème que nous supportions avant la Révolution et qui s’est aggravé ».
L’ex-dirigeant a accompli sa promesse en permettant à 86% des foyers cubains d’être propriétaires de leur logement. Les 14% restant payent un loyer représentant moins de 10% de leurs revenus. Bien que le gouvernement ait construit plus de 2,7 millions de logements durant les cinq dernières décennies, selon les statistiques officielles, le déficit s’est accentué à cause principalement de la croissance de la population qui a doublé depuis 1959.
Les célèbres microbrigadas, une initiative de Castro lancée en 1971, n’ont pu régler cette pénurie de résidences. Durant plus d’une décennie, des groupes de travailleurs, majoritairement peu qualifiés, ont abandonné leurs postes pour assumer la construction de dizaines de milliers d’appartements pour leurs collègues et pour eux-mêmes. L’État leur offrait les matériaux, l’équipement et les conseils nécessaires.
L’espace le plus célèbre du « mouvement des microbrigadas » fut le quartier d’Alarmar, un centre urbain situé à l’Est de la capitale cubaine où des dizaines de bâtiments semblables se sont accumulés, unis par un réseau routier défaillant et sans infrastructures adéquates. Cette « ville dortoir » est, encore aujourd’hui, la cible préférée des critiques acerbes contre ce plan gouvernemental qui a tout de même offert un toit à des centaines de milliers de Cubains.
Les dégâts des cyclones
En 1996, l’Institut de Planification Physique a estimé que pour résoudre définitivement le déficit d’habitats, Cuba devrait construire 180.000 logements par an durant trente années. Aujourd’hui, ce chiffre serait certainement beaucoup plus élevé en raison des dommages provoqués par les cyclones de ces 10 dernières années.
Entre 2001 et 2008, plusieurs ouragans tels que Michelle ou des tempêtes tropicales telles que Noel ont affecté 700.000 maisons le long de l’Île. Un grand nombre de familles qui ont perdu leurs maisons durant ces années attendent encore un nouveau toit, actuellement logées dans des refuges, par leur famille ou dans des chambres précaires.
Mais les dégâts les plus dévastateurs ont eut lieu en 2008 quand les cyclones Ike, Gustav et Paloma ont dévasté le pays, de Baracoa à Pinar del Rio, dans un macabre roadmovie qui entraina 10 milliards de dollars de perte, près d’un quart du PIB cubain. Le désastre fut particulièrement terrible pour les logements résidentiels dont plus de 600.000 ont été touchés.
Malheureusement, les prévisions de l’Institut de Météorologie pour les prochaines années ne sont pas encourageantes. Même si le nombre de ces phénomènes tropicaux ne devrait pas s’accroitre, le changement climatique entrainera une augmentation de leur pouvoir de destruction. Les images dantesques de 2008 à Cuba et à La Nouvelle Orléans après le passage de Katrina suffisent pour illustrer ces présages.
Boris Leonardo Caro