La lutte d’une communauté cubaine pour récupérer sa forêt
L’action citoyenne a réussi à repousser un projet de construction qui débuta avec la destruction d’une forêt de filaos.
Plus de trois mois après avoir vécu la destruction de sa forêt, la population de la communauté havanaise de Santa Fé a pris connaissance cette semaine de la décision officielle d’interruption du projet de construction prévu sur un terrain où ont grandi depuis 83 ans des filaos, un palmier royal et un flamboyant.
Les activistes verts, des sites web et des bulletins numériques alternatifs de Cuba avaient publié en juillet les revendications de la communauté contre un projet de construction de logements pour des fonctionnaires et des gradés du Ministère de l’Intérieur.
Dans le cadre du processus, plusieurs résidents de la localité de l’ouest de La Havane ont appelé pour les soutenir le projet citoyen et écologiste El Guardaboques, le Garde forestier pour s’informer sur les procédures à suivre dans ces situations et afin de récupérer la forêt, un poumon vert important et un espace de loisirs pour l’enfance et l’adolescence du quartier du Barlavento à Santa Fé.
Sur les conséquences des événements et des projets que peut articuler la communauté dans des situations comme celle-là, le coordinateur du Guardabosques Isbel Díaz, s’est entretenu avec la rédaction d’IPS à Cuba :
IPS Cuba : Quelles sont les conséquences de la destruction de la forêt de filaos dans la localité havanaise de Santa Fé ?
Isbel Díaz : Je n’avais jamais été témoin d’une telle indignation populaire. Mes entretiens avec les habitants et avec les autorités locales m’ont montré que le sens de l’appartenance à une communauté de ces gens et leur douleur sont bien réels. Beaucoup de gens connaissent l’endroit comme la pinède de Celia Sánchez (héroïne de la Révolution cubaine de 1959) et ils estiment qu’il s’agit d’une insulte à sa mémoire.
La forêt était l’un des éléments les plus significatifs de l’avenue verte dans la partie de Barlovento. Les enfants, les adolescents ont perdu un espace de loisirs qui offrait un lieu sûr pour eux et pour leurs parents. Le terrain de football avait été construit grâce à une initiative locale, il offrait un service social qui a maintenant disparu aussi.
C’était le poumon du quartier et les gens étaient conscients de cela. Il constituait également une barrière de confinement efficace contre les cyclones et le salitre qui ronge les maisons.
L’ensemble du processus a généré un traumatisme social. Plusieurs mères ont raconté l’impact psychologique négatif sur les garçons et les filles de moins de douze ans qui pleuraient à la vue des oiseaux morts sur le sol et sur la chute des arbres. Ils continuent à demander des nouvelles “des pins” ou ils demandent qu’on les emmène jouer à la “pinède”.
IPS Cuba : Quels moyens ont utilisé les voisins pour récupérer le terrain ?
Isbel Díaz : Au départ, quelques personnes réalisèrent quelques graffitis qui dénonçaient ce qui s’était passé et d’autres personnes se plaignirent auprès des autorités locales et du Conseil d’Etat (la plus haute instance dirigeante du gouvernement). Des revendications apparurent sur des sites tels que Havane Times, Juventud Rebelde, Observatorio Crítico et d’autres aussi. La dénonciation publique est essentielle dans ce cas, afin de pouvoir exercer une pression réelle sur les autorités du territoire.
En rendant publiques les revendications, cette lutte devient un précédent qui sera examiné par les investisseurs, ils y réfléchiront à deux reprises avant d’agir sans concertation avec les localités urbaines. D’autre part, je pense que le fait de pouvoir s’organiser pour présenter un projet de collaboration peut être très utile.
S’autogérer pour obtenir des arbres à planter et faire une proposition de reboisement au moins partielle du quartier, portée par les voisins et par les projets communautaires de proximité est une action qui dénote la bonne volonté et le sérieux des habitants. Le travail pourrait être fait en commun avec les autorités locales.
IPS Cuba : Dans quelle mesure le Guardabosques peut soutenir les habitants de Santa Fé dans la lutte écologique ?
Isbel Díaz : Nous nous sentons toujours réconfortés quand les gens nous appellent et nous font part de leurs préoccupations ou de leurs projets de travaux. C’est ce qui s’est passé ici. Nous avons contribué à ce que la voix de ces gens parvienne à la lumière et qu’elle ne s’éteigne pas en raison de tentatives infructueuses de dialogue avec les institutions.
Nous avons appris à écouter les gens et nous avons respecté leurs points de vue dans les reportages publiés. Par ailleurs, nous nous sommes engagés à collaborer avec eux afin de participer à la reforestation du quartier en nous chargeant du choix des arbres et en offrant notre main d’œuvre. Nous ne pouvons que collaborer, mais cette lutte, afin qu’elle reste vraie, doit être menée principalement par la communauté.