En direct des rues de New York. Imagine : Démocratie réelle
En direct des rues de New York, par Marina Sitrin
Comme certains d’entre vous le savent, lorsque je suis très émue, émue au-delà des mots, je chante “Imagine”.
Alors, imaginez quelques milliers de personnes… non pas quelques : 6 à 7 mille personnes. Si nombreuses que la grande place près de Wall Street ne suffit pas, alors ils circulent à travers les coins de rue et les trottoirs autour du périmètre… et les coins de rue et les trottoirs de l’autre côté de la rue, aux deux extrémités. Imaginez que tous ces gens sont là parce qu’ils sont fatigués et indignés avec quelque chose qui a à voir avec la crise économique et Wall Street. Pourquoi maintenant ? Pourquoi est-ce ce vendredi après-midi, à 15 heures ?
Peut-être que certains sont là parce qu’ils ont entendu sur le site web Occupy Wall Street que Radiohead donnerait un concert.
Peut-être. Ou peut-être qu’ils sont venus parce qu’ils sont membres du Syndicat des travailleurs des transports, un syndicat de 38 000 adhérents qui ont voté à l’unanimité la nuit antérieure en faveur du soutien à l’occupation de Wall Street.
Peut-être. Ou ils peuvent être membres du Professionnel Staff Congress, le syndicat des enseignants, associé aux étudiants diplômés de la City University, qui ont également voté la nuit antérieure le soutien à l’occupation.
Peut-être. Ou ils peuvent être des membres du Malcolm X Grassroots Movement (Mouvement de base Malcolm X), qui ont participé à l’organisation d’une marche contre la brutalité policière – manifestation qui est partie de la place avec un apport de 5000 participants.
Peut-être. Ou peut-être qu’ils ont entendu par des amis, des voisins ou les médias, que quelque chose était en train de se passer près de Wall Street.
Et, peut-être, que ces gens sont tous ensemble. Et d’autres encore. Imaginez que votre voisine était là. Elle aurait très bien pu venir…
Ce soir-là, s’est rassemblé la plus diverse et la plus grande foule que la Place n’a jamais vu. Il y avait des femmes enceintes, des nourrissons et des enfants, des mamies et des papis, des barbes blanches, et tous ceux qui pouvaient participer à cette immense réunion. Il y avait au moins quatre fauteuils roulants, et toutes sortes de personnes ayant différents handicaps.
Il y avait des gens venant de partout dans le monde, une variété incroyable de races et d’origines. Et, sans doute, les syndicats et les étudiants étaient là aussi.
Maintenant, pouvez-vous imaginer tous ces groupes impliqués dans une discussion démocratique ? Imaginez le microphone du peuple, qui permet aux gens de parler en phrases courtes et de répéter les mots afin que chacun puisse comprendre. La première semaine, jusqu’à ce jour, le microphone du peuple fonctionna pour quelques centaines de personnes, pas de manière idéale, mais on pouvait les entendre. Avec des milliers de personnes sur la place, le microphone du peuple doit répéter la phrase non pas une, ni deux, mais trois fois de suite. Chaque onde sonore qui représente une autre masse de gens permet d’entendre la voix de l’orateur. Chaque onde sonore représente des personnes qui écoutent activement ce qui vient d’être répété. Les animateurs et les animatrices(une équipe formée dès cette l’époque) aide à l’orateur à se rappeler – en touchant doucement son bras – qu’il faut attendre que chaque vague arrive à son terme avant que la prochaine phrase soit prononcée. (Ndlr : les mégaphones sont interdits aux États-Unis pour trouble à l’ordre public).
Imaginez le silence des gens qui écoutent, et le son de la répétition des paroles de l’orateur. Imaginez la puissance de la démocratie directe à travers votre corps, et celle de milliers de corps autour de vous. Cela me donne la chair de poule pendant que j’écris. Cette nuit, j’ai été ému au-delà des mots.
A ce propos, nous, qui que nous soyons, nous sommes déjà trop nombreux pour la capacité de la place. Nous avons besoin de prendre des parcs, des places et des esplanades, et d’organiser plus de discussions horizontales sur ce que nous sommes et ce que nous désirons. Sur les crises et sur nos alternatives. Pour moi, notre demande repose sur le fait que nous pouvons rencontrer. Laissez-nous tranquilles, pour que nous puissions nous rassembler sur nos places, dans nos parcs et nos esplanades, dans nos salles syndicales, dans nos écoles, nos universités, nos églises, nos synagogues et nos mosquées, et laissez-nous en paix afin que nous puissions trouver des voies horizontales, démocratiques pour discuter de la crise de notre temps et de ses nombreuses alternatives. Ensemble.
Avec le frisson de la démocratie réelle,
Marina
Posté 30/09/2011 à New York. Transmis par l’Observatoire critique de Cuba.
Les anti-Wall Street commencent leur 4e semaine de protestation
Selon le site « Occupons ensemble », qui se présente comme un site « informel » recensant aux Etats-Unis les actions similaires à celle lancée à New York, des occupations avaient lieu dans quelque 68 villes du pays samedi, dont Washington, Los Angeles, Chicago, Miami ou Dallas.
A Washington par exemple, quelques dizaines de membres d’un groupe « Occupez DC » dorment sur une place dans le centre des affaires de la ville. Samedi, des échauffourées ont éclaté lorsque des manifestants ont tenté d’entrer dans le musée de l’air et de l’espace, l’un des plus visités de la ville, entraînant sa fermeture. A New York, le noyau dur des manifestants, qui dort effectivement chaque nuit à Zuccoti Park, au coeur du quartier financier, compte à peine quelques centaines de personnes. Mais au moins 5.000 personnes ont pris part à une manifestation organisée mercredi.
Après trois semaines de protestation à New York, les manifestants ont étonné les sceptiques et réussi à attirer l’attention du président américain Barack Obama et de ses opposants républicains grâce à leur sens de l’organisation, leur persévérance et leur capacité à étendre le mouvement. Branchés sur les nouveaux réseaux sociaux sur internet, ils se sont avérés capables de lever des milliers de dollars pour approvisionner leur campement et d’éviter d’importants débordements lors de leurs manifestations régulières. Samedi, un millier de ces « anti-Wall Street » ont quitté le quartier financier au sud de Manhattan pour aller tenir une assemblée générale plus au nord dans la ville.
Evitant d’utiliser des mégaphones pour ne pas tomber sous le coup de la loi sur les manifestations non autorisées, ils relaient la parole des orateurs en reprenant tous en choeur ce qu’ils disent. Pendant une heure, ils ont patiemment exploré les pistes pour permettre à leur mouvement de continuer à croître, sans jamais évoquer clairement des objectifs précis. Depuis le début du mouvement, si celui-ci se concentre souvent sur la critique des banques et des institutions financières, d’autres slogans ont émergé, contre la guerre en Afghanistan, le réchauffement climatique ou même la forte hausse des frais de scolarité universitaires.