Éducation nationale et intégration politique
À Cuba, on doit reconnaître une augmentation du taux d’alphabétisation après la révolution, il était proche de 80% pour les plus de 15 ans en 1959. A l’arrivée de Castro au pouvoir, il y avait 20% d’analphabètes. Des programmes très ambitieux d’alphabétisation ont fait approcher ce taux, officiellement, à 96%. Cuba est aujourd’hui le second pays d’Amérique latine, après l’Argentine, pour le taux d’alphabétisation. Mais d’autres pays du continent ont connu des augmentations comparables en pourcentage sans avoir à recourir à des méthodes que celles qu’applique le gouvernement de Cuba.
À Cuba, tous les étudiants sont soumis à un endoctrinement constant et à un embrigadement qui les pousse à partir effectuer des travaux agricoles loin de leurs familles. L’instrument qui illustre le mieux la volonté de contrôle est le Dossier cumulatif de l’écolier (DCE). Le DCE est beaucoup plus qu’un simple livret scolaire. Il comprend non seulement les informations académiques, socio-économiques et médicales sur l’étudiant mais aussi des appréciations sur son “intégration idéologique”, en clair son degré de fiabilité politique. Sans cette intégration, le futur académique et professionnel est largement menacé. Les performances académiques pourront être excellentes, l’étudiant se verra interdire l’accès aux carrières prestigieuses.
La confiance idéologique est analysée dans la Section V du document ‘“Conditions socio-économiques” du DCE (Section 1). Le comportement “idéologico-comportemental” de l’élève y est mesuré par la mention de l’appartenance ou non à une organisation politique ou de masse (Section 1a). Cette évaluation est faite chaque année au moyen d’un code numérique. Parallèlement, ce rapport fait mention du degré de militantisme dont fait preuve par l’élève dans ces organisations. Un chiffre codé indique si la personne est simple membre ou cadre (Section 1b). Chaque année, cette évaluation est mentionnée dans le DCE par le professeur qui doit décrire le type “d’intégration”.
Le DCE indique aussi l’intégration des parents ou du tuteur (Section 2) et si “la famille pratique une religion ou appartient à une secte” (Section 3). La pratique d’une religion ayant toujours été associée à un manque d’intégration politique, la pratique est traitée comme un point négatif dans le dossier.
Conséquence de l’encadrement du système d’éducation primaire, le fameux droit à l’éducation supérieure est soumis à l’engagement politique et au “volontariat” pour les tâches collectives (construction, récolte de la canne à sucre, exercices militaires et tours de garde). Peut-on donc qualifier de gratuite une éducation pour laquelle on doit payer en allant passer ses moments “libres” en coupant de la canne à sucre, en surveillant ses voisins ou en participant à des séances d’endoctrinement ?
L’éducation se paie en travaillant dès le lycée en partant pour de longues périodes “étudier à la campagne”. Les séjours durent de 45 jours à 3 mois, sans compter les “travaux volontaires” effectués le week-end.
En matière d’éducation, on peut reconnaître l’accroissement du nombre d’étudiants de l’éducation supérieure. L’effort est louable. Sur l’éducation et la santé, le régime cubain a fait rêvé des générations entières et aurait pu profiter de cette démarche unique, ainsi que de tout l’enthousiasme qu’il avait soulevé à ses débuts, afin d’apporter la prospérité à son peuple. Tout pays peut mener une politique ambitieuse pour l’enseignement et la culture sans avoir à mettre en place pour autant des structures autoritaires.
L’université, selon les paroles maintes fois répétées par Fidel Castro, est “un droit des révolutionnaires”. Les étudiants ont tous les ans un mois de travail obligatoire aux champs pendant leurs vacances. Il existe aussi un plan d’étude et de travail appelé “plan d’insertion” auquel les étudiants en première année universitaire doivent se soumettre dans différents organismes professionnels (réparation des routes pour les ingénieurs, enquêtes, travail en usine).
Les étudiants qui ratent une année universitaire doivent travailler pendant une ou deux années gratuitement dans un centre de travail qui émettra un rapport notant la conduite de l’élève. Les paramètres sont la ponctualité, l’efficacité mais aussi la conduite vis-à-vis de la révolution.
Afin de pouvoir suivre des cours de langues étrangères, il est absolument nécessaire de payer au comptant et d’avoir une carte du centre du travail qui atteste de l’intérêt du gouvernement afin que la personne apprenne une langue. La carte témoigne aussi de “l’intégration politique du travailleur”. Il n’est pas question d’enseigner les langues afin que l’élève sorte ensuite du pays. Les écoles du ministère du tourisme facturent les cours à leurs élèves.
Les crèches ou “circulos infantiles” sont réservées à ceux qui ont une recommandation du Parti communiste, du syndicat officiel ou des organisations de masse (CDR ou fédération des femmes). Ils doivent payer près de 30 % de leur salaire moyen.
Les élèves, de la maternelle à l’université, doivent être affiliés à des organisations “politiques ou de masse” dirigées par le PC et l’Union des jeunes communistes. Ces organisations sont l’Union des pionniers de Cuba, la Fédération des étudiants de l’enseignement secondaire et la Fédération des étudiants universitaires dans lesquels ils doivent payer une cotisation annuelle pour les pionniers (UPC).
De plus, la supposée gratuité est contrebalancée par la “loi du service social” qui permet d’envoyer l’étudiant à n’importe quel endroit du territoire pendant 3 ans.
L’étudiant, quel que soit son cursus, doit suivre des cours de “matérialisme dialectique”, de “matérialisme historique”, d’“économie politique du socialisme”, d’“économie politique du capitalisme”, et de “communisme scientifique”. Pendant toute la durée de ses études il doit aussi suivre des cours militaires et reçoit une préparation en stratégie afin de devenir officier. Tout diplômé de l’université passe à la réserve de l’armée cubaine avec le grade de lieutenant ou de premier lieutenant. Les cadres intermédiaires (techniciens) reçoivent le grade de sous-officier ou de sous-lieutenant.
Nous sommes en droit de nous demander à quoi sert une éducation s’il n’y a aucun choix de lecture. Les livres et la presse étant censurés, on peut remplacer facilement le mot éducation par l’expression plus appropriée de “conditionnement”.
“Hier Marti (“l’apôtre” de l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne), aujourd’hui Fidel, nous suivrons tous le chemin du Che” est le leitmotiv que l’on récite chaque jour à l’école. Peut-on appeler éducation cet endoctrinement qui vise à soumettre les jeunes générations au joug du pouvoir ? L’apparence physique des “pioneros””, les pionniers, avec leur discipline militaire, leur salut, leurs chants et un encadrement qui vise à les orienter politiquement et à les éloigner de leurs parents provoque, chez ceux qui ne sont pas émerveillés par le folklore et l’innocence des enfants, un sentiment de malaise.
La culture a toujours été un des plus grands orgueils des pays “socialistes”. On sait depuis des années que la censure a toujours dominé cette “culture”. Castro lui-même n’a cessé de répéter que le champs de la création artistique était limité à l’intérieur de la révolution : « A l’intérieur de la Révolution, tout ; contre la Révolution, rien ».
Les intellectuels sont les premiers persécutés par la police politique et à être victimes des “actos de repudio”, les actes de répudiation qui conduisent à être insultés en public.
Les étudiants sont soumis dès l’école maternelle à une ségrégation basée non seulement sur leur propre “intégration politique” mais aussi sur celle de leur famille. Tous les cadres et les scientifiques, tous les responsables auxquels ont affaire les étrangers, sont donc beaucoup plus propices à soutenir le régime que le reste de la population, d’autant plus que la nature répressive du système les engage à l’autocensure. La critique la plus légère peut être sanctionnée par la perte des titres universitaires, des privilèges et la rétrogradation aux métiers les plus subalternes.