La crise économique s’intensifie

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Hausse de l’inflation, pénurie de nourriture et de médicaments, industrie sucrière dans la tourmente, traces laissées par la pandémie de Covid-19: Cuba vit une période économique très difficile. Exaspérés, les habitants sont descendus dans la rue fin mars pour réclamer de la nourriture et dénoncer les coupures de courant.
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Frappés par la crise économique, toujours plus de Cubaines et de Cubains prennent le chemin de l’exil. Plus de 500 000 personnes ont rejoint les Etats-Unis ces deux dernières années, un chiffre sans précédent depuis la révolution de 1959. L’embargo imposé par les Etats-Unis – que Joe Biden n’a finalement que peu allégé ces quatre dernières années – et la nature du régime cubain ne facilitent pas le quotidien des habitants.

Face à la crise alimentaire, Cuba a même demandé cette année de l’aide au Programme alimentaire mondial (PAM). L’île ne produit presque rien, le carburant ou les matériaux font défaut. La majorité des produits de base, comme le riz ou les haricots noirs, sont donc importés.

L’État n’a plus les moyens en devises pour acheter de quoi alimenter la population. Cuba est un pays surendetté, mais qui doit, du fait de l’embargo états-unien, payer la plupart de ses importations en cash et ne peut pas profiter de lignes de crédit pour s’approvisionner, contrairement à la plupart des autres pays. Il lui faut donc gagner des devises pour pouvoir payer les importations.

La population est en proie à l’exaspération et à l’incertitude. “Certains ressentent même de la peur, notamment devant le mécanisme d’hyperinflation et de dévaluation de la monnaie au jour le jour qui s’est mis en place depuis la réforme monétaire de janvier 2021. Cela engendre une énorme incertitude sur les prix, sur l’avenir, sur la capacité de se nourrir.

Ce contexte de crise économique aiguë a donné lieu ce printemps à des protestations. Parties de l’est du pays, et plus particulièrement de Santiago de Cuba, elles se sont ensuite propagées à d’autres villes. A noter que ces soulèvements se distinguent des grandes manifestations, plus politiques, qui avaient eu lieu sur l’île en 2021 contre le régime castriste.

Les manifestations à Santiago de Cuba, il y a deux mois, proviennent avant tout d’une forme d’exaspération économique. C’est-à-dire que l’échec du régime ne s’observe pas tant du point de vue des restrictions des libertés politiques ou d’expression, mais du point de vue de son incapacité à tenir ses promesses en termes de bien-être et de sécurité alimentaire, sociale, sanitaire et éducative.

Pour obtenir des biens de première nécessité, des files d’attente interminables se forment dans les rues, au point que des habitants en rémunèrent d’autres pour la faire à leur place. Pour pouvoir prendre place dans ces queues, certains Cubains renoncent même à aller travailler.
Lors des manifestations de ce printemps, les femmes étaient en première ligne. Ce sont les mères qui font face aux problèmes quotidiens, comme celui de nourrir leurs enfants, de payer des factures extrêmement élevées de gaz et d’électricité, ou de leur donner espoir en l’avenir dans un pays dévasté par le régime. L’opposition, à Cuba, n’a pas dit son dernier mot. Dès que ceux qui ont été mis en prison sans aucune forme de procès sont libérés, ils retournent manifester. Même s’ils risquent à nouveau d’être emprisonnés.
Pour les opposants, l’Union européenne n’est pas assez ferme vis-à-vis de l’Etat cubain et de ses violations des droits humains et de l’absence de libertés politiques. En 2016, l’UE a signé avec Cuba un accord de normalisation de leurs relations. Le soutien que l’Europe donne à Cuba à travers ce traité va surtout à des entités et organisations du régime. Il a été pensé au départ pour soutenir la société civile, mais il est tombé dans un piège : c’est le régime cubain qui décide de ce qu’est la société civile et qui en vient à détourner ces ressources pour des organisations qui sont des entités de l’Etat.
Pour le président cubain Miguel Diaz-Canel, la principale, voire l’unique cause du gouffre économique dans lequel se trouve son pays, est l’embargo américain. En 2019, l’administration Trump a appliqué plus de 240 mesures qui ont renforcé le blocus. Elle a même appliqué, pour la première fois, le titre III de la loi Helms-Burton, qui a eu un énorme impact sur les investisseurs étrangers.

Les diasporas cubaines aux Etats-Unis n’envoient plus uniquement de l’argent à leurs familles restées au pays, mais aussi des aliments. Les nombreuses coupures de courants compliquent encore plus la vie sur l’île. L’intérieur des frigos se réchauffent et on risque de perdre les biens qu’on y entrepose.

Aider Cuba économiquement ne va pas résoudre le problème. La croissance économique ne  garantira pas la liberté. Par contre, la liberté politique garantira une véritable croissance économique dans un État de droit. La croissance économique dans une dictature produit des monstres, à l’instar de la Chine ou du Vietnam.

Miguel Diaz-Canel considère que l’embargo est aussi responsable de la diminution du tourisme sur l’île et rappelle que quelques jours avant de quitter la Maison Blanche, Donald Trump a inclus Cuba dans la liste des pays soutenant le terrorisme. “En conséquence, toutes les agences bancaires et les institutions financières ont cessé de nous prêter”, déplore le dirigeant cubain.

Pourtant, divers autres facteurs fragilisent l’économie de l’île. Les opposants dénoncent un haut niveau de corruption et une industrie touristique aux mains de l’élite militaire cubaine. Les réformes économiques introduites ces dernières années permettant de créer des petites entreprises ne sont pas accompagnées de facilitations bureaucratiques.

Enfin, Cuba comptait aussi sur des pays alliés comme le Venezuela pour lui fournir du carburant. Or, Caracas n’a pas été capable de le faire ces dernières années.


Enrique   |  Actualité, Politique, Économie   |  09 27th, 2024    |