Jun
01
Luis Manuel Otero Alcántara, l’État cubain et nous les anarchistes
Les événements entourant Luis Manuel Otero Alcántara ont pris une tournure dramatique et grotesque. La Sécurité d’État cubaine démontre avec une clarté totale que cette institution est le véritable pouvoir exécutif, législatif et judiciaire de l’équipe gouvernementale à Cuba.
Tout le rituel pharaonique déployé il y a moins de trois ans pour huiler un soi-disant État de droit à Cuba, a été pulvérisé « sans hâte mais sans pause », selon les mots de Raúl Castro, rendant évident une fois de plus que tous les États, et le cubain, un de plus parmi eux, n’accordent pas de droits, mais simplement des moratoires répressifs pour gérer, par d’autres moyens, le conflit social généré par leurs propres existences.
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En tant que socialistes anarchistes et anti-autoritaires, nous sommes bien sûr par définition contre l’emprisonnement médico-policier de Luis Manuel Otero Alcántara, la confiscation et la destruction de ses œuvres, la naturalisation de ces faits par les porte-parole de la para-police, et la violation de sa vie privée, puisque sa communication avec ses amis a été rendue impossible et qu’il a été filmé sans son consentement, et que des fragments de ces vidéos ont été diffusés depuis des plateformes de la nomenklatura cubaine.
Nous ne partageons pas l’idéologie de Luis Manuel Otero Alcántara.
Nous ne reconnaissons à aucune puissance le droit de violer les droits de ceux d’entre nous qui vivent à Cuba.
Nous ne reconnaissons pas le droit de l’oligarchie cubaine de détourner l’idéal socialiste et communiste pour « justifier » ses crimes contre la liberté.
Rien ni personne ne nous empêche de dire ce que nous pensons.
En plus de la colère et de la haine pour toute l’hypocrisie sociale qui naturalise l’enlèvement d’État de Luis Manuel Otero Alcántara, nous ne devons pas perdre la capacité de générer des propositions et des pratiques alternatives quotidiennes contre la normalisation du capitalisme d’État cubain, ses organes de répression et de discipline sociale, ainsi que les variantes corporatives du capitalisme mondial alliées à l’État cubain.
En plus des personnes engagées et actives dans des causes qu’elles considèrent comme justes, il faut refonder à Cuba les concepts et les pratiques d’une société visant la justice, ce qui pour nous correspond à un socialisme auto-organisé : un effort social sans police politique, sans mandarins ni lobbyistes partisans de quelque idéologie que ce soit, sans pouvoirs économiques aliénants, nationaux ou étrangers, subjuguants, pour redécouvrir le meilleur des efforts libérateurs de notre histoire et du monde, qui n’ont pas servi d’alibi à de nouvelles dominations et à des autoritarismes humanistes.
Nous avons besoin d’imagination partagée, de solidarité quotidienne effective, de confiance en l’autre et non en ceux qui parlent en notre nom, de sérénité réfléchie, et de sensibilité pour organiser avec ceux qui ne pensent pas de la même façon nos libertés perdues, et les libertés nouvelles que nous pouvons gagner.
Nous devons éviter de tomber dans les haines polarisantes et aveugles qui nous ont toujours conduits aux options extrêmes opposées, nous menant au même point que celui d’où nous voulions sortir.
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Luis Manuel Otero Alcántara doit être libéré maintenant !
Notre imagination sociale libératrice doit être libérée elle aussi !
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Atelier libertaire Alfredo López
Région de Cuba, 23 mai 2021.