Les aventures de Leonard Cohen à La Havane

La nouvelle saison de Drawn & Recorded (Dessiné et enregistré) retrace les aventures de Leonard Cohen à La Havane.

Lorsque Leonard Cohen est décédé en novembre 2016, le journal national cubain, Granma du Parti communiste, a publié un hommage sincère au chanteur et poète. L’article rappelait une émouvante interprétation de Hallelujah que Rufus Wainwright avait donnée dans un club de La Havane quelques mois plus tôt. Mais il ne mentionnait pas les aventures de Cohen à Cuba lorsqu’il était jeune, notamment son arrestation par des soldats aux premiers jours de la révolution et le fait qu’il ait failli manquer l’un des derniers vols commerciaux quittant l’île lorsqu’il a été à nouveau retenu à l’aéroport. (Selon la biographe de Cohen, Sylvie Simmons, l’artiste canadien avait été pris à la fois pour un agent américain et un déserteur cubain, ce qui avait conduit à son arrestation).

«  J’étais à La Havane en 1961 pendant l’invasion de la Baie des Cochons, opposant les castristes à leurs opposants venant des États-Unis », a déclaré Cohen au public avant la lecture en 1965 de The Last Tourist in Havana (Le dernier touriste à La Havane), titre d’un poème très critique sur la politique au Canada qu’il a écrit pendant son séjour. (Voir la vidéo ci-dessous).
Les membres de la tribu des fans de Cohen connaissent peut-être déjà cette histoire, mais la série animée Drawn & Recorded lui a donné vie de manière amusante. L’épisode, qui reprend le nom de la chanson de Cohen Field Commander (Cohen Commandant de campagne) a été diffusé dans le cadre de la quatrième saison de la série de courts métrages illustrant les « mythes modernes de la musique », racontée par T Bone Burnett.
Pour faire honneur au récent triomphe des barbudos sur l’île sous la direction de Fidel Castro, Cohen s’est laissé pousser la barbe pour son voyage à La Havane en 1961. Il se promène en kaki de l’armée et avec un béret. Dans la chanson Field Commander Cohen, le barde se décrit comme « notre plus important espion… parachuté dans les cocktails diplomatiques ». Selon Simmons, auteur de la biographie I’m Your Man (Je suis votre homme), Cohen qualifiait le voyage dans le Cuba révolutionnaire de « sorte de voyage d’étude et d’espoir me mettant en contradiction avec mes propres convictions profondes ».
« Je pensais que c’était peut-être ma guerre civile espagnole », a-t-il confié au biographe Ira Nadel. « Mais c’était une sorte de soutien sans engagement véritable ; c’était vraiment, surtout, de la curiosité avec un sens de l’aventure ».
Pendant ses soirées, Cohen passait du temps à La Bodeguita del Medio, le berceau des mojitos rendu célèbre par le mécène Ernest Hemingway (Nat King Cole traînait également au bar). Cohen a probablement écouté le musicien cubain Nico Saquito et son groupe interpréter Maria Cristina. Il a même assisté au spectacle du Tropicana, selon des conversations avec son biographe Nadel, qui a écrit que Cohen trouvait les femmes cubaines irrésistibles.
Après que l’aéroport de La Havane a été le théâtre d’un attentat à la bombe, au plus fort des tensions entre les États-Unis et Cuba, Cohen a été convoqué à l’ambassade du Canada où on l’informa que sa mère était inquiète et qu’elle voulait qu’il rentre à la maison.
Il fit tout de même une excursion d’une journée à la station balnéaire de Varadero (que Burnett prononce Verada dans l’épisode Drawn and Recorded. Là, il fut détenu par de jeunes soldats qui le soupçonnaient d’être un agent américain.
« Après les avoir finalement persuadés de sa nationalité canadienne, de ses références socialistes et de son soutien à l’indépendance de Cuba, il posa en souriant avec deux de ses ravisseurs sur une photo qu’ils lui donnèrent en souvenir », écrit Simmons.
Après s’être disputé avec un groupe de communistes américains qui faisaient partie de la nouvelle société des cafés de La Havane, Cohen, dégrisé, rasa sa barbe et mit un costume de seersucker (tissu gaufré en coton), comme le raconte Nadel. Il décida de partir au lendemain de l’invasion de la Baie des Cochons, le 17 avril, et se rendit à l’aéroport, qui était envahi de candidats à l’exil cherchant désespérément à prendre les derniers avions quittant le pays. Après avoir finalement obtenu une réservation pour le 26 avril, il s’est entendu dire par la sécurité de l’aéroport qu’il ne pouvait pas quitter le pays : Ils avaient trouvé une photo de lui posant avec les soldats dans son sac à dos et supposé qu’il était un Cubain déserteur. Lorsqu’un jeune soldat qui le gardait à l’aéroport a été distrait par une perturbation sur la piste, Cohen s’est éclipsé et a pu embarquer dans l’avion sans être détecté.
Par la suite, dans une lettre à son beau-frère, documentée par Nadel, « un Cohen politisé a déclaré avec insistance qu’il s’opposait à toutes les formes de censure, de collectivisme et de contrôle, et qu’il rejetait toute hospitalité offerte par le gouvernement cubain aux écrivains de passage pendant son séjour. En outre, il voulait que son beau-frère comprenne qu’il était allé à Cuba « pour voir la révolution socialiste, pas pour agiter un drapeau ou prouver une appartenance politique »
La nouvelle saison de Drawn & Recorded, disponible sur DirecTV, DirecTV Now et AT&T U- présentera également des anecdotes tirées de la vie de David Bowie, des Beatles, de Sister Rosetta, de MF Doom et de Grimes.
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Judy Cantor-Navas

Un aperçu de l’épisode Field Commander Cohen ci-dessous :
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La chanson Lover, Lover, Lover (Live, Field Commander Cohen Tour) :
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Leonard Cohen lisant sur scène son texte Last Tourist in Havana :

Enrique   |  Culture, Histoire, Politique   |  04 2nd, 2021    |