Hanói Veloz Padrón. Un chanteur cubain dédie une chanson émouvante aux enfants d’Anyell Valdés

« J’ai ressenti de la peur parce que je suis un père ».

Pour le Cubain Hanói Veloz Padrón, la musique est le complément qui ne peut manquer dans sa vie et ainsi, avec elle, il peut aider à développer des pensées libertaires chez ceux qui subissent et souffrent pour leur île.

Le jeune homme de 32 ans vit à Toulouse, dans le sud de la France, et fait partie de l’une des familles les plus réputées du monde artistique cubain. Il est le fils du musicien Ramón Fabián Veloz « Ramoncitín », et la génétique ne l’a donc pas seulement doté dun sens de l’humour mais, aussi d’un amour profond pour Cuba.

« Je suis né dans un foyer qui croyait en la révolution et mon grand-père maternel a lutté contre les bandits contre-évolutionnaires, mais avec le temps, il s’est senti trompé par ce système qui n’a fait qu’appauvrir les Cubains. Mon grand-père, lorsqu’il est venu me rendre visite en Europe, a pleuré parce qu’il a réalisé qu’il avait été trompé. Je ne pourrai jamais effacer cette image », a-t-il déclaré à CiberCuba dans une interview exclusive.

Veloz Padrón est arrivé à l’âge de 18 ans dans un pays où l’on ne parle pas l’espagnol et où le climat ne ressemble pas à celui qu’il a laissé derrière lui dans sa Havane natale, mais l’Europe n’a pas pu enlever « cette épine qui me reste dans le pied » et qui se traduit par l’amour du quartier, des gens humbles, de tous les Cubains.

« Ici, j’ai ma famille, trois beaux enfants et une femme qui m’accompagne et me comprend. Je suis l’homme le plus heureux du monde, même si je ne cesse de penser à ceux qui, de l’autre côté de l’Atlantique, souffrent de pénuries et de besoins et que j’essaie d’aider avec ce que je peux, mais ce n’est jamais assez », a-t-il ajouté.

Cette même affection pour la famille l’a ému lorsqu’il a assisté à l’acte de répudiation contre la militante Anyell Valdes (1), lorsqu’on a tenté de l’expulser du lieu où elle vit avec ses trois enfants et sa mère.

« Au début, je pensais que c’était un mensonge, qu’ils exagéraient la situation, mais au fur et à mesure que la vidéo avançait, j’ai vu que la réalité dépassait la fiction. J’ai ressenti une grande frustration, à tel point que je n’ai pas pu dormir cette nuit-là », se souvient le jeune Cubain.

Hanói Veloz Padrón ne peut s’empêcher d’être affligé à l’idée que les enfants d’Anyell pleuraient pendant qu’une foule de gens criaient et vandalisaient la façade de la maison.

« J’ai ressenti de la peur parce que je suis un père, et je me suis mis dans leur peau et j’ai éprouvé le sentiment de ne pas être capable de protéger correctement mes enfants », a-t-il dit, la voix brisée. « Les journées qui suivirent ne furent pas un remède à ma douleur et ma femme m’a dit de faire quelque chose pour canaliser tous ces sentiments ».

Le musicien raconte qu’il s’est assis avec sa guitare dans une main et un stylo dans l’autre et qu’en deux heures seulement, il a composé une chanson qui ne pouvait avoir d’autre nom que El Repudio. C’était une thérapie pour exprimer ce qui m’arrivait », a avoué Hanói Veloz Padrón.

L’étape suivante a été de transformer le son en image et c’est ainsi qu’est né un clip vidéo avec des fragments de l’acte de répudiation contre Anyell. Il a bénéficié du soutien d’un autre Cubain vivant en Alaska, Luis Lamas, qui a interprété chaque mot de la chanson en langage des signes.

« Je pense que c’est l’une des choses les plus importantes de la vidéo, car grâce à Lamas, nous pouvons toucher une partie de la population qui ne consomme que la propagande officielle et qui est souvent inconsciente de ce qui se passe à Cuba parce qu’elle n’a personne pour le lui dire », a-t-il déclaré.

Cependant, cela n’est pas la première tentative de transformer la protestation en art. Il y a quelque temps, il a composé une chanson en français intitulée « Havana », que les stations de radio de gauche ont refusé de diffuser.

« Ils m’ont dit qu’ils défendaient la révolution cubaine et que, par conséquent, ce que je disais dans cette chanson n’était pas compatible avec leur idéologie. C’est alors que j’ai réalisé à quel point nous, qui vivons en dehors de l’île, avons contribué à donner au monde une fausse image de ce qui se passe réellement », a déclaré Hanói Veloz Padrón, qui a depuis ressenti le besoin de s’exprimer librement.

C’est ainsi qu’un autre projet musical est né, cette fois avec son père Ramoncitín et son grand-père Ramoncito dans la chanson « Por Cuba ».

« Il ne s’agit plus d’idéologies, mais d’humanisme. À Cuba, il y a des gens qui ont besoin de savoir ce qu’est la liberté d’expression, ce qui se passe est énorme et ne peut être arrêté. Je le fais parce que j’ai une dette envers ma famille, mes amis, pour tous ces gens que je ne connais pas mais qui méritent mieux », a-t-il déclaré avec conviction.

Comme beaucoup d’autres Cubains de la diaspora, il en est venu à ressentir les tentacules de la répression du gouvernement communiste qui étouffe même ceux qui vivent dans des pays démocratiques et les soumet à un chantage émotionnel avec la peur de ne pas pouvoir retourner sur l’île ou de voir les autorités se venger contre ceux qui sont restés à l’intérieur.

« Ce que je veux, c’est que Cuba soit libre et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour y parvenir, que ce soit par l’art ou le militantisme politique, mais je crois que les choses doivent changer et que nous devons unir tous les Cubains pour que chaque injustice cesse », a-t-il déclaré.

À cet égard, il a déclaré que, très bientôt, il commencera à réaliser un programme dans lequel il prévoit d’inviter d’autres artistes qui se trouvent en Europe pour briser le mythe selon lequel Cuba, c’est le rhum, le tabac et les belles femmes.

« Nous devons exiger des multinationales qui investissent à Cuba et soutiennent le régime, des hommes politiques qui font passer les profits économiques avant les droits de l’homme, des hommes d’affaires qui aident le Parti communiste dans ses affaires, de ceux qui louent les personnels soignants comme des esclaves modernes ? Tous ces agents du pouvoir doivent donner des réponses à nos questions », a-t-il déclaré.

Cependant, pour Hanói Veloz Padrón, le plus important est à venir et c’est précisément l’éveil humaniste que chaque Cubain doit avoir et ainsi contribuer à relever un pays qui a besoin de beaucoup de mains pour se construire.

__________________________

1. Anyell Valdés Cruz est une militante de l’opposition cubaine qui a été séquestrée au siège du mouvement San Isidro, dans la vieille Havane, en novembre 2020, avec d’autres membres de ce mouvement qui avaient entamé une grève de la faim pour protester contre l’emprisonnement du rappeur Denis Solís. L’acte de répudiation a toujours été pratiqué à Cuba depuis 1960. Il consiste à rassembler une foule, composée de membres du Parti communiste et de gens du quartier, devant le domicile d’un contestataire et sa famille pour l’insulter et recouvrir les murs de slogans.

Écoutez et voir le clip de la chanson El repudio :

https://www.youtube.com/watch?v=ShvPzAJzUiM&t=3s

Écoutez et voir le clip de la chanson Havana :

https://www.youtube.com/watch?v=u-A6GNUF1h8

Écoutez et voir le clip de la chanson Por Cuba :

https://www.youtube.com/watch?v=4kKunYQPNnk

Découvrez la page artiste d’Hanói Veloz Padrón :

https://www.facebook.com/HanoiVeloz/


Enrique   |  Actualité, Culture, Politique, Répression   |  03 25th, 2021    |