D’anciens officiers des Forces armées cubaines et du ministère de l’intérieur envoient une lettre aux militaires cubains
D’anciens officiers des forces armées cubaines et du ministère de l’intérieur ont envoyé, à l’occasion du 126e anniversaire du début de la guerre d’indépendance, un document aux militaires d’active dans lequel ils font appel à leur conscience pour qu’ils ne se joignent pas à la répression déclenchée par le régime ces derniers mois contre les opposants.
Le manifeste, signé entre autres par le général de brigade Rafael del Pino et le lieutenant-colonel Omar Ruiz Matoses, père des opposants Ariel et Omara Ruiz Urquiola, reconnaît que « si la pauvreté est répandue dans tout le pays, une caste corrompue d’officiers et de bureaucrates de haut rang a formé un État mafieux et vit à son aise ».
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Le document souligne que l’élite militaire « contrôle toutes les activités rentables du monopole de la GAESA (1), sans que personne ne supervise ses opérations et ses revenus et sans que personne n’investisse les bénéfices au profit du peuple ».
Les signataires, qui se déclarent objecteurs de conscience, soulignent :
1- Nous nous opposons à tout ordre ou projet d’utilisation de la force militaire pour réprimer les justes protestations et demandes du peuple. Une caste mafieuse donne aujourd’hui des ordres répressifs aux forces armées contre nos compatriotes. Ce sont des ordres immoraux. Personne ne devrait exécuter des ordres répressifs contre nos familles, nos voisins, nos amis et les autres citoyens. Nous invitons tous ceux qui en ont les moyens à demander leur libération ou leur retraite de ces forces. Assez de réprimer les femmes, les personnes âgées, les enfants et les jeunes qui réclament une vie digne.
2- Nous nous opposons à la poursuite du recrutement des FAR (Forces armées révolutionnaire) pour le service militaire général au milieu de la crise actuelle. Le seul danger réel et immédiat pour la nation est la famine généralisée. Les familles doivent pouvoir compter sur leurs jeunes d’aujourd’hui pour les soutenir dans les nombreuses tâches de la survie quotidienne.
3- Nous nous opposons à la poursuite de GAESA en tant que monopole militaire non transparent dont les propriétés, les actionnaires, les activités et les profits ne sont pas audités de manière indépendante ou dans le domaine public. Ses bénéfices doivent être connus et investis au profit de toute la société cubaine. La GAESA est le noyau financier d’un nouvel État mafieux. Une élite de militaires et de civils corrompus s’est approprié les entreprises économiques les plus lucratives et s’enrichit en dehors de tout contrôle. La nouvelle caste des exploiteurs continue de parler au nom de la révolution qu’ils ont eux-mêmes enterrée il y a longtemps alors que la population – surtout les retraités – est abandonnée à la plus terrible des misères. Il n’y a plus de révolution ni de socialisme à défendre. Ça suffit !
4- Nous nous opposons à l’utilisation des armes pour attaquer le peuple. Notre devoir professionnel est de le protéger, pas d’assassiner des compatriotes. Si le temps vient où quelqu’un ose donner l’ordre de tirer sur le peuple, le véritable mandat de la patrie à tous les militaires dans de telles circonstances est de le refuser et de protéger les citoyens contre toute attaque. Il y a eu trop de morts. Ce que nous voulons et exigeons, c’est « la patrie et la vie ». La patrie libre, indépendante, souveraine, démocratique et prospère dont rêvait José Martí.
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1. L’industrie touristique cubaine est sous la coupe de l’armée à travers la gestion de « compagnies aériennes, hôtels, restaurants, marinas, agences de location de véhicules ou grands magasins ». Le conglomérat touristique Gaviota fait partie du Gaesa, dont le président en 2017 est le colonel Luis Alberto Rodriguez Lopez-Callejas, par ailleurs gendre de Raul Castro.