Jan
29
Pourquoi le ministre de la Culture doit-il recourir personnellement à la violence ?
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ALPIDIO ALONSO NE DÉLÈGUE PAS LA VIOLENCE À SES SUBORDONNÉS, IL LA PRATIQUE LUI-MÊME
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Le vice-ministre de la Culture, Fernando Rojas, avait déjà montré par le passé des signes montrant qu’il pouvait résoudre les différends par la force. Son supérieur immédiat, Alpidio Alonso, son vice-ministre, viennent d’être filmé en train d’agresser physiquement un journaliste du Diario de Cuba.
Sur les images enregistrées par plusieurs téléphones à l’entrée du ministère de la Culture, le ministre Alonso s’avance vers les membres du mouvement 27N (1) escortés par ce qui semble être des gardes du corps, bien qu’ils puissent aussi être des spécialistes de la culture (avec un ministre et un vice-ministre comme ceux-là, tout énergumène a un bureau et ses opinions au sein du ministère).
Aujourd’hui, ces autorités se précipitent pour déclarer qu’elles ont invité le 27N à entrer et à dialoguer, mais que c’est le 27N qui a refusé. « La violence n’est pas la solution », a tweeté Fernando Rojas. Ils essaient de changer le sens de l’agression et, bientôt, la version officielle dira que ce sont les 27N qui ont agressé physiquement le ministre Alonso.
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Les images montrent que, en fait, Rojas les a invités au siège du ministère. À trois reprises, affirme-t-il. Mais ces mêmes images montrent que les membres de la 27N ont refusé, parce qu’ils étaient entourés de policiers. Et ils ont demandé au vice-ministre pourquoi ils se trouvaient assiégés par la police.
C’est donc au milieu d’un cordon de police et entouré de gardes du corps ou de spécialistes en tout genre, que le ministre Alpidio Alonso s’est risqué à mettre des coups-de-poing devant les téléphones portables qui le filmaient. Mais quelles raisons font qu’un ministre de la Culture se débarrasse de l’hypocrisie de sa fonction et recourt à la violence physique, sachant qu’il est filmé ?
On peut supposer qu’il l’a fait par conviction, par les convictions qui l’ont conduit à devenir ministre. Parce que la rue – sans parler de l’entrée d’un ministère – n’appartient qu’aux révolutionnaires au pouvoir. Et parce que contre ceux qui ne se soumettent pas à la vérité de l’administration, la seule mesure possible est la violence et l’acte de répudiation.
Si ce sont là les raisons du ministre Alonso, son comportement montre clairement à quel genre de culture le régime révolutionnaire aspire. Je soupçonne cependant que la principale raison de son étalage de violence a été le siège de la police dénoncé par les membres du 27N. Alpidio Alonso se sentait menacé, non seulement par un groupe de jeunes, mais aussi par la police politique qui contrôle le pays. Lui et Fernando Rojas doivent rendre compte devant la Sûreté de l’État et, par conséquent, ce siège policier les a marqués et fait d’eux un couple de personnes inutiles.
Il appartenait au ministre et au vice-ministre de démontrer aux chefs militaires qu’ils ne seraient pas assez faibles pour permettre aux manifestations de novembre de renaître aux portes du ministère. Les 27N ne continueraient pas à manifester, car les manifestations sont le patrimoine exclusif des révolutionnaires au pouvoir.
C’est pourquoi Alpidio Alonso n’a délégué la violence à aucun de ses subordonnés et s’est empressé de la pratiquer lui-même. C’est pourquoi il a descendu les escaliers accompagné de son entourage et est apparu dans une pose combative. Se faire voir devant les chefs qui commandent, se faire pardonner par leurs patrons le siège de la police.
Avec une attitude viriliste et exhibitionniste, Alpidio Alonso voulait ressembler au révolutionnaire combatif que sa position exige. Et après cette surenchère, il est temps pour lui de se comporter en victime et de se plaindre d’avoir été provoqué. C’est, pour la énième fois, cette bipolarité du Castrisme qui consiste à attaquer et, immédiatement après, à se lamenter sur les dégâts causés par l’ennemi.
Quelle que soit l’hypothèse qui explique ce spectacle répugnant, il a révélé la mentalité d’homme de main dont jouissent le ministre de la Culture Alpidio Alonso et le vice-ministre Fernando Rojas. En outre, cet épisode montre qu’avec les arrestations, les sièges antérieurs et les fonctionnaires qui s’attaquent physiquement aux opposants, le régime est, chaque jour, plus sensible aux provocations, chaque jour plus désespéré.
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Antonio José Ponte
Diario de Cuba
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1. Un groupe d’artistes et d’intellectuels a commencé à s’appeler « 27N » le 27 novembre dernier lors d’une manifestation devant le ministère de la Culture – où il a appelé à un dialogue plus approfondi, affirmant qu’ils n’étaient « pas des ennemis » mais des Cubains partisan de la liberté d’expression et à la recherche d’un pays meilleur.
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La vidéo dévoilant l’agression du ministre de la Culture contre les activistes du 27N :