Bienvenue à vos Majestés (pourboires appréciés)

Cuba est parée aujourd’hui pour célébrer le 500e anniversaire du déplacement et de l’installation dans la zone nord, près de la rivière Almendares, de la Villa de San Cristóbal de La Habana fondée en 1515.

On estime qu’à l’arrivée de Christophe Colomb à Baracoa, il y avait dans l’île connue aujourd’hui sous le nom de Cuba, quelque trois cent mille aborigènes, dont les Siboney et les Tainos. Ils furent presque immédiatement asservis pour effectuer des travaux lourds à la recherche d’or dans les rivières. Les aborigènes construirent des forts et des maisons qui, au vu leur forme de société basée sur la récolte, la chasse et la pêche, ne pouvaient supporter la rigueur de l’esclavage, du travail, de la tristesse et des maladies portées par les Espagnols. Il n’en resta environ que quatre mille en 1555 et ils décédèrent presque tous avant la fin du XVIIe siècle. On peut encore trouver aujourd’hui des habitants de Cuba avec les traits des anciens aborigènes dans la partie la plus orientale de l’île. Précisément là où Colón et les frères Pinzón plantèrent leurs bottes pour la première fois sur le territoire de Cuba.

Le gouvernement cubain a décidé de célébrer l’holocauste des peuples autochtones de Cuba et l’asservissement de plus de deux millions d’Africains sous l’œil vigilant et la surveillance colonisatrice de leurs Majestés Bourbon venant directement de la métropole. Si le XXe siècle fut un cambalache(1), que reste-t-il pour le XXIe siècle ?

Au-delà de cette interprétation désordonnée mais non erronée, la vérité est qu’en effet, la Révolution, qui en d’autres temps était naturellement encline à se souvenir des souffrances des opprimés et à revendiquer leur émancipation, est aujourd’hui prête à vénérer le pouvoir et l’argent, après des décennies de colonisation par degrandes sociétés capitalistes considérées comme intouchables. La culture et la sensibilité révolutionnaires originelles ont disparu du visage de l’île, de la même manière que ses habitants des origines.

Après avoir assisté au spectacle embarrassant de Raul Castro embrassant les mains des trois derniers papes après avoir stigmatisé longtemps toutes les religions. Après tout le respect montré vis-à-vis de la couronne d’Espagne, quelle sera la prochaine étape ? Peut-être il s’agira alors de célébrer l’établissement de l’amendement Platt (2) de 1899 à 1902 durant l’occupation de Cuba par les Etats-Unis. Donald Tump pourrait être le prochain invité d’honneur ?

Felipe Juan Pablo Alfonso de Todos los Santos de Borbón y Grecia, aujourd’hui Felipe VI d’Espagne, n’est pas seulement allé commémorer l’anniversaire d’une grande et lucrative colonie de la Couronne espagnole. À la fin du XIVe siècle elle n’appartenait pas aux Bourbons, mais ils en devinrent plus tard les héritiers et ils élargirent leur empire au-delà des limites du crépuscule et du coucher du soleil. Les grandes capitales espagnoles alors investirent dans l’île, pour y faire de volumineuses récoltes qui profitèrent à cette nouvelle caste privée de toute modestie et de vergogne.

A partir d’aujourd’hui, quand un enfant à l’école devra décrire la barbarie contre les indigènes, il devra être d’une prudence infinie, il devra être un chirurgien des mots, des sens et des signifiants, de peur d’insulter la Couronne et ses représentants. Car cela pourrait lui coûter une visite permanente des services d’intelligence de l’État et de leurs gardiens, après avoir vu ses parents emprisonnés au nom de l’accusation révolutionnaire-inquisitrice, baptisée à Cuba “amusement idéologique”.

Martin Guevara Havana Times

1. Un cambalache est un marchandage.

2. L’amendement Platt est une disposition légale américaine votée en 1901 par le Congrès des États-Unis qui disposait les conditions du retrait des troupes américaines présentes à Cuba depuis la guerre hispano-américaine de 1898. Inclus dans la constitution cubaine, cet amendement définissait les termes des relations américano-cubaines et officialisa le droit d’ingérence des États-Unis sur la République de Cuba. Il restera valide jusqu’au traité des Relations de 1934.


Enrique   |  Actualité, Politique   |  11 19th, 2019    |