Dec
06
Arrestations à La Havane des artistes luttant contre le décret-loi 349
À l’heure qu’il est des artistes cubains faisant partie de la mouvance alternative et libertaire essaient de protester devant le Ministère de la Culture, parce qu’un décret qui criminalise l’art indépendant entre en vigueur dans seulement deux jours. Ces artistes ont été arrêtés par la police et ils ont prévu de se mettre en grève de la faim jusqu’à ce que le décret soit abrogé.
Discréditer ceux qui remettent en question la politique officielle est manœuvre courante à Cuba, tout comme réprimer des individus ou des groupes qui luttent contre la stagnation économique ou le manque de liberté, en les calomniant avec une totale impunité et en déformant leurs réelles revendications. La publication du décret-loi 349 et la réaction d’un groupe d’artistes contre celui-ci démontrent, une fois encore, que cette méthode est efficace.
Le décret, publié le 10 juillet, entrera en vigueur le 7 décembre. Une campagne sur le thème « Artistes cubains contre le décret 349 » a débuté le 21 juillet, devant le Capitole, par une performance de la jeune Yanelys Nuñez qui s’est tartinée le corps d’excréments humains en brandissant une pancarte prônant « L’art libre» .
Ce jour-là également, le rappeur Soandry del Rio fut arrêté, visiblement pour sa seule présence devant la scène, ou peut-être pour avoir filmé avec son téléphone portable la façon dont la police emmenait Luis Manuel Otero, l’auteur de la mise en scène plastique.
D’importants événements culturels alternatifs ont lieu, ils sont d’une culture cubaine libre par rapport à un espace contrôlé en totalité par les institutions, c’est-à-dire par le gouvernement. Ce sont des événements authentiques qui englobent la musique, les arts plastiques, la danse, la littérature, l’audiovisuel.
Le décret 349 est la réponse donnée par le gouvernement cubain à tous les créateurs qui n’ont pas voulu renoncer à trois droits fondamentaux qu’une constitution pétrie d’habiles incohérences ne peut leur enlever : vivre dans le pays où ils sont nés, créer grâce à leur talent naturel, exprimer dans leurs arts et leurs vies ce qu’ils pensent de la société à laquelle ils appartiennent.
Les artistes savent désormais que c’est l’exercice de la liberté civile que les autorités veulent réfréner. Le droit de s’exprimer librement, par un poème, une chanson, une performance, penser ce que l’on pense, tout cela est réservé aux candidats au poste de délégué à l’assemblée de leurs circonscriptions.
Une loi, qui n’est autre qu’un prétexte diffamatoire, oblige les artistes indépendants à payer des impôts. Dans le manifeste de San Isidro, les activistes de la campagne contre le décret 349 sont clairs sur le sujet : ils sont disposés à payer des impôts mais refusent que leurs œuvres soient filtrées par une censure politique.
Ne les laissons pas nous induire en erreur, « criminalisation » ne veut pas dire « censure ». La censure attaque l’œuvre et la criminalisation s’en prend à l’artiste. L’annonce intempestive de l’entrée en vigueur du décret-loi, qui condamne l’art pour le simple fait d’être indépendant cherche à ébranler les actions des contestataires en les classant dans la catégorie « désobéissance civile », elle est présente dans divers délits : refus de payer une contravention, outrage à l’autorité, activité économique illicite, délit prémédité mettant en danger la vie d’autrui, et une infinité de mobiles potentiellement abstraits.