Le décret n°349 et la politique culturelle de l’Etat cubain
Depuis le 20 avril dernier, des artistes cubains non serviles luttent pour que ne soit pas pas appliqué le décret n°349 concocté par le gouvernement de Miguel Díaz-Canel, successeur de Raúl Castro à la tête de la dictature cubaine. Ce décret relatif à la politique culturelle devrait entrer en vigueur en décembre prochain et, s’il est maintenu, signer l’arrêt de mort de toute activité artistique indépendante sur l’île. Ceux qui pensaient honnêtement mais naïvement qu’après la mort de Fidel Castro puis le prétendu effacement de son frère à la tête de l’Etat allait s’instaurer une petite ouverture et naître à Cuba certaines libertés fondamentales, comme celle de s’exprimer librement, pourront une fois de plus verser de chaudes larmes sur leurs illusions perdues.
Vous trouverez ci-dessous un résumé en sept points du projet de décret, ainsi que des extraits dudit décret dont la traduction est due à l’organisation Amnesty International.
Les artistes cubains, qu’ils soient diplômés de l’enseignement artistique, de l’enseignement général ou amateurs, doivent être reconnus et enregistrés par l’Etat pour exercer professionnellement.
Seuls les artistes qualifiés et inscrits au Registre des créateurs des arts plastiques et arts appliqués sont autorisés à faire des présentations ou des prestations publiques, ou tenir des espaces de commercialisation dans le domaine des arts plastiques.
Les artistes seront tenus d’être en lien avec une institution de l’Etat pour obtenir une rémunération pour leur travail. Ceux qui ne respectent pas les normes de la politique culturelle pourront faire l’objet de mesures disciplinaires de la part de cette institution, y compris sur le plan économique.
Seules les institutions autorisées par le ministère de la Culture ou l’Institut cubain de radio-télévision peuvent établir des relations de travail avec les artistes, les représenter pour commercialiser leur production et œuvres artistiques auprès du public.
Les artistes ne pourront profiter de leurs productions et spectacles artistiques ou développer ou exposer en public leur art et leur talent sans autorisation de l’Etat. Ils ne sont pas autorisés non plus à s’exprimer en utilisant des symboles nationaux. Les personnes qui ne sont pas enregistrées comme artistes sont exclues de l’accès aux pratiques artistiques.
Les fonctionnaires de l’Etat décident par exemple, sans qu’aucun obstacle ne puisse leur être opposé, si un livre respecte ou non les valeurs éthiques et culturelles ; il leur appartient d’estimer si les productions audiovisuelles, la musique ou les représentations artistiques promeuvent la discrimination, la violence, ou emploient un langage sexiste, vulgaire et obscène.
Des superviseurs et inspecteurs de l’Etat décideront s’il est nécessaire de dresser des amendes allant de 1000 à 4000 pesos, ou d’opérer la saisie des biens culturels. Ces deux formes de sanction pourront être appliquées simultanément, dans tout lieu public dépendant de l’Etat ou pas, à une personne, un groupe, un organisme qui ne respecte pas la politique établie par le ministère de la Culture. Superviseurs et inspecteurs pourront également suspendre de manière immédiate tout spectacle ou projection, ou demander l’annulation de leur autorisation.
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Extraits du décret n°349
Dans la mesure où il est nécessaire d’actualiser le décret n° 226 (…) INFRACTIONS À LA RÉGLEMENTATION EN MATIÈRE DE POLITIQUE CULTURELLE ET SUR LA PRESTATION DE SERVICES ARTISTIQUES
Constituent des infractions à ce décret, les comportements qui enfreignent les normes et dispositions en vigueur en matière de politique culturelle et de prestation de services artistiques établies par le ministère de la Culture, dans toute manifestation artistique perpétrée par des personnes physiques ou morales, en des lieux ou installations publics, appartenant à l’État ou non.
DES INFRACTIONS
Dans la prestation de services artistiques, les comportements suivants constituent une infraction (…)
e) Celui qui effectue une prestation de services artistiques sans être autorisé à exercer un travail ou une activité artistique.
On considère qu’il y a infraction lorsqu’une personne physique ou morale utilisant des médias audiovisuels y montre des contenus comprenant : a) utilisation des symboles nationaux contrevenant à la législation b) pornographie c) violence d) langage sexiste, vulgaire ou obscène (…).
Il y a également infraction lorsqu’une personne physique ou morale s’engage dans l’un des comportements suivants : (…).
b) crée des espaces de commercialisation des arts plastiques sans posséder d’autorisation ni être inscrit au Registre du créateur des arts plastiques (…)
f) commercialise des livres dont le contenu est préjudiciable aux valeurs éthiques et culturelles (…)
DES MESURES
Contre les violations mentionnées dans le présent décret peuvent s’appliquer indistinctement une ou plusieurs des mesures suivantes :
a) avertissement b) amende c) confiscation des instruments, appareils, accessoires et autres biens.
2. Conjointement aux mesures qui s’imposent, l’autorité compétente peut :
a) suspendre immédiatement le spectacle ou la projection et
b) proposer l’annulation de l’autorisation à exercer une activité professionnelle en tant que travailleur indépendant (…)
AUTORITÉS COMPÉTENTES POUR APPLIQUER LES MESURES ET TRAITER LES RECOURS
Les autorités compétentes pour inspecter (…) et appliquer les mesures adéquates sont les superviseurs-inspecteurs désignés par le ministère de la Culture (…).
Fait au Palais de la Révolution, La Havane, le 20 avril 2018.
Floreal
Publié sur le Blog de Floreal : https://florealanar.wordpress.com/2018/09/07/le-decret-n349-et-la-politique-culturelle-de-letat-cubain/