L’avenir de Cuba, un futur incertain suspendu aux choix de Donald Trump


Un an après la visite très médiatisée de Barack Obama à La Havane, Cuba retient son souffle dans l’attente de la ligne qu’adoptera le nouveau président des Etats-Unis Donald Trump à son égard. L’enjeu est majeur.

L’administration américaine s’est engagée dans “un réexamen complet de toutes les politiques des Etats-Unis à l’égard de Cuba”, a déclaré le porte-parole de la Maison Blanche Sean Spicer le 3 février dernier. Cette révision se justifie par la question des droits de l’homme, dans le cadre d’une défense de ces droits pour les citoyens du monde entier, a-t-il précisé.

Dès sa campagne électorale, Donald Trump n’avait pas caché qu’il voyait d’un mauvais oeil le rapprochement entre La Havane et Washington mené par l’administration Obama pour mettre fin à un demi-siècle d’hostilité. Mais si le républicain a beau jeu de remettre en cause les choix politiques de son prédécesseur, il doit faire face, sur ce dossier, à la pression des milieux industriels américains.

Télécommunications, construction, agrobusiness, tourisme, banques… Les investisseurs sont dans les starting-blocks, mais restent frileux face aux incertitudes liées à l’embargo américain (lire encadré).

Investissements étrangers insuffisants

Alors qu’il faudrait 2 à 2,5 milliards de dollars par an à Cuba pour moderniser son économie, la moyenne des investissements étrangers dans l’ensemble du pays s’élève à 418 millions de dollars annuels, indique l’économiste cubain Carmelo Mesa-Lago, de l’université américaine de Pittsburgh.

Même le tourisme, malgré un nombre record de 4 millions de visiteurs en 2016, se heurte à des difficultés structurelles. Seconde source de revenus de Cuba, après la vente de services professionnels, en particulier médicaux, il génère 2,8 milliards de recettes par an.

Les compagnies qui assurent les 110 vols quotidiens partant des Etats-Unis à destination de Cuba  – annoncés à grand fracas en février 2016 – réduisent la voilure, souligne un article du Monde. Outre une demande moindre que prévu, les opérateurs relèvent l’insuffisance cubaine en matière d’aéroports qui les oblige souvent à se reporter sur des aéroports de province moins prisés des voyageurs.

Quant aux infrastructures hôtelières, en nombre insuffisant, leur mauvais rapport qualité-prix dissuade souvent les touristes de revenir, ajoute le quotidien français.

Une difficile métamorphose

Ce constat illustre à lui seul le défi que représente la transformation de l’économie cubaine entreprise par Raul Castro depuis son arrivée au pouvoir en 2008. Les réformes mises en place n’ont pas eu l’effet escompté, même si elles ont permis le spectaculaire développement du petit entrepreneuriat privé et la construction du port de Mariel, qui ambitionne de devenir le plus grand des Caraïbes.

“Le système de double monnaie n’a pas été éliminé, le secteur agricole n’a pas décollé, la dépendance vis-à-vis du Venezuela n’a pas été réduite et les salaires n’ont pas augmenté”, énumère l’économiste cubain Pavel Vidal, de l’université Javeriana en Colombie.

Le défi de l’après-Castro

La lenteur des réformes et la crise subie par le Venezuela, partenaire numéro un, ont plongé Cuba dans la récession (-0,9%) en 2016. La pression s’accroît donc sur les épaules de Raul Castro, 85 ans, qui a annoncé qu’il quittera le pouvoir le 24 février 2018.

Début mars, il a toutefois, pour la première fois, critiqué publiquement la politique migratoire et commerciale de Donald Trump, dénonçant son égoïsme et rappelant que l’immigration est le résultat des inégalités et de la pauvreté résultant d’un système économique international injuste.

“On ne peut pas contenir la pauvreté, les catastrophes et les migrants avec des murs, mais grâce à la coopération, la compréhension et la paix”, a-t-il déclaré devant des dirigeants de gauche au Venezuela et retransmis à la télévision d’Etat cubaine. Un appel du pied au président américain?

Juliette Galeazzi

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Frilosité face aux transactions en dollars

Malgré l’autorisation délivrée le 15 mars 2016 par l’administration Obama de faire des transactions en dollar avec Cuba, les banques ne se risquent pas. L’amende de 9 milliards de dollars infligée en 2014 par la justice américaine à BNP Paribas pour des transactions en dollar avec Cuba, l’Iran et le Soudan a marqué les esprits, selon une enquête de RFI publiée le 20 mars.

Résultat: malgré l’assouplissement de certaines restrictions, l’embargo n’est pas levé et cela pénalise l’île, relève la chaîne de radio internationale sur son site internet. Les dommages causés par le blocus des Etats-Unis contre Cuba depuis 1962 auraient coûté 125 milliards de dollars, selon des estimations.


Enrique   |  Actualité, Politique, Économie   |  06 12th, 2017    |