François Hollande à Cuba, attendu au tournant
Le voyage présidentiel du 8 au 12 mai est à la fois un déplacement national et international, dans les Antilles, à Cuba et en Haïti. Le programme officiel ne prévoit aucune rencontre de François Hollande avec des opposants cubains. Lundi 11 mai, le président de la République va remettre la Légion d’honneur au cardinal Jaime Ortega, chef de l’Eglise catholique cubaine, qui a joué les médiateurs lors de la libération de prisonniers politiques, en 2010. L’archevêque de La Havane n’est pas pour autant le représentant d’une société civile indépendante de l’Etat, qui a du mal à se faire une place. La modération de Mgr Ortega, détenu dans un camp de travail dans les années 1960, est critiquée par les dissidents les plus radicaux.
Le gouvernement castriste estime que la « société civile » est représentée par les « organisations de masse » (syndicats, fédération des femmes, entités professionnelles), inféodées au parti unique. La rencontre de M. Hollande avec des étudiants de l’université de La Havane sera strictement encadrée. Les autorités souhaitent éviter tout dérapage ou dérive de la parole. Au forum économique, « business as usual » reste l’unique souci des hommes d’affaires, qui veulent consolider l’implantation française dans l’île avant le déferlement des entreprises américaines, bridées par l’embargo. Le nouveau site de l’Alliance française à La Havane pourrait abriter une programmation culturelle ambitieuse, à condition que le Quai d’Orsay cesse de tailler dans les budgets des ambassades et de la coopération.
Ainsi balisée, la première visite d’un chef d’Etat français à Cuba semble soucieuse d’éviter les sujets qui fâchent. Aussi bien François Hollande que son ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, savent très bien de quoi il retourne, puisqu’ils avaient épinglé la brutalité de la dictature castriste lors de la répression de 2003.
Le pouvoir n’a pas vraiment changé de mains, il y a eu une succession dynastique. Raul Castro a pris la relève et a libéré les opposants condamnés par son frère aîné Fidel, mais il n’a pas pour autant relâché la pression sur la dissidence (près de 9 000 interpellations en 2014). Des journalistes indépendants, des blogueurs comme l’écrivain Angel Santiesteban Prats (primé par Radio France internationale en 1989) ou encore un graffeur et artiste réputé, Danilo Maldonado, « El Sexto », sont toujours emprisonnés. Alors que la Biennale d’art de La Havane s’ouvre le 22 mai, la performeuse Tania Bruguera fait l’objet de poursuites pour avoir voulu installer un « micro ouvert » à la parole des passants sur la place de la Révolution.
La Havane n’a pas ratifié les deux pactes des Nations unies sur les droits individuels et collectifs : signés en 2008, ils ne sont toujours pas respectés. A Cuba, il n’y a ni Etat de droit ni libertés publiques. François Hollande, président de la patrie des droits de l’homme, va-t-il en parler ?
Paulo A. Paranagua
Blog América latina (VO) du journal Le Monde
http://america-latina.blog.lemonde.fr
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Lire ci-dessous, le reportage de l’envoyé spécial de Libération à Cuba, sur les pas de Matthias Fekl, secrétaire d’État au Commerce intérieur. Instructif
http://www.liberation.fr/economie/2015/03/08/a-cuba-la-france-cherche-la-cle-des-caraibes_1216856