Des agents américains ont infiltré la scène hip-hop pour affaiblir Castro
L’opération a notamment été désastreuse pour la vitalité de la scène hip-hop underground.
En 2002, le gouvernement cubain a créé une Agence cubaine du rap pour promouvoir les artistes de hip-hop dont le message correspondait à la ligne du parti. Mais la plupart des rappeurs les plus populaires du pays sont underground, avec CD faits maison et concerts secrets annoncés à la dernière minute. Un des groupes les plus connus est Los Aldeanos, un duo dont le message est très anti-castriste. Leur album Viva Cuba Libre critique ouvertement l’autoritarisme du gouvernement, et deux fans ont été condamnés à plusieurs années de prison pour l’avoir écouté en public.
Dans cette scène musicale subversive, l’agence américaine de développement USAID a vu le terreau idéal pour faire émerger un mouvement de protestation contre le gouvernement de Raúl Castro. Une enquête de l’Associated Press vient de révéler que sous couvert de soutenir des événements culturels, l’agence voulait tenter de déclencher une rébellion anti-castriste, particulièrement chez les jeunes.
A partir de 2009, l’organisation USAID (et des contractuels affiliés) a en effet financé des festivals de rap et aidé à la promotion de rappeurs critiques envers le castrisme, dont Los Aldeanos. L’organisation Creative Associates International a reçu des millions de dollars pour ce genre d’initiatives «culturelles», ainsi que pour d’autres tentatives de stimulation des mouvements anti-Castro, y compris la création d’une sorte de Twitter cubain, ZunZuneo, qui a été un échec.
Pour cette mission secrète dans le milieu musical, les officiels américains ont également embauché Rajko Bozic, un promoteur de festivals serbe qui s’est inspiré d’EXIT, des concerts liés au mouvement étudiant anti-Slobodan Milosevic.
Selon les journalistes de l’AP, Bozic a concentré ses efforts sur Los Aldeanos. Avec Creative Associates International, il a financé des événements promotionnels, ainsi qu’une émission télévisée avec les rappeurs. Il a aussi tenté de persuader une star colombienne (Juanes) d’inviter Los Aldeanos à chanter pendant son concert. L’idée était d’augmenter leur visibilité afin qu’ils puissent devenir des «agents de mobilisation sociale». Ils ont aussi été invités au festival EXIT en Serbie en 2010.
Pendant tout ce temps, les membres de Los Aldeanos ne savaient absolument pas que ce soutien était lié à une agence du gouvernement américain avec des visées politiques. Par contre, le gouvernement cubain a rapidement commencé à se douter de quelque chose. Plusieurs personnes impliquées dans l’opération, y compris le promoteur serbe, ont été détenues, et des ordinateurs confisqués ont révélé les noms d’officiels de Creative Associates International.
En réponse à l’article, l’agence USAID a nié que le programme était secret, et a expliqué qu’il s’agissait juste d’une volonté de renforcer la société civile du pays.
Selon l’Associated Press, cette opération a été désastreuse pour la vitalité de la scène hip-hop underground. Le festival indépendant Rotilla –où Los Aldeanos avaient ouvertement critiqué la police en 2010– est désormais entièrement contrôlé par le gouvernement.
«Los Aldeanos sont partis vivre en Floride après s’être plaints que le gouvernement cubain les empêchait de travailler dans leur propre pays. Leurs chansons récentes sont beaucoup moins politisées», expliquent les journalistes d’AP.
Selon le président du comité des Affaires étrangères du Sénat, Patrick Leahy, «USAID n’a jamais informé le Congrès de ce projet et n’aurait jamais dû être associée à une opération aussi inefficace et dangereuse. C’est complèment stupide».