Un printemps libertaire à La Havane
L’Atelier libertaire Alfredo López, l’un des collectifs autonomes qui agissent au sein du réseau Observatoire critique vient d’annoncer avec la galerie Christ Sauveur, la première journée du Printemps libertaire de La Havane, du 11 mai au 7 juin.
Le programme d’activités de ces jeunes activistes commence par une citation du collectif Santé antiautoritaire du Chili qui définit l’anarchisme comme “une conception de la vie où l’individu s’auto-réalise avec pour base la liberté. Une liberté atteinte par sa conscience et par sa formation culturelle, à partir de la réflexion et l’apprentissage mutuel”.
Dans les régimes tant de droite comme de gauche, les organisations anarchistes ont toujours eu mauvaise presse dans les médias officiels.
Un dictionnaire de termes philosophiques publié sur l’île définit l’anarchisme comme un courant “petit-bourgeois”.
Converser avec un anarchiste
L’historien et militant anarchiste Mario Castillo, l’un des promoteurs de cette initiative, avance certaines des idées et des objectifs qui ont motivé ce groupe de Cubains :
“Nous voulons récupérer un point de vue sur l’existence qui a été perdu dans le scénario cubain. Une façon d’avoir des relations, de s’organiser, qui a eu une certaine pertinence dans les premières décennies du XXe siècle, tant dans le mouvement ouvrier, que dans d’autres secteurs sociaux”.
“En outre, et c’est peut-être le plus important, nous essayons d’offrir dans la pratique une proposition existentielle face au désert culturel dans lequel nous vivons, face au processus d’expansion constant de l’État sur le plan de la culture et des interactions”.
“Je pense qu’il s’agit d’une proposition alternative pour agir au niveau socio-culturel, pour agir hors du cadre institutionnel officiel qui s’est renforcé dans le pays, ce qui a les conséquences désastreuses que nous voyons aujourd’hui.”
“Et enfin, nous voulons témoigner sur l’existence d’individus qui partagent ce point de vue libertaire à Cuba aujourd’hui, sur la relance des travaux de notre Atelier, et donner à connaître notre mode de vie social et culturel”.
Interrogé à propos de la dernière époque où des personnes ou des actions porteuses de ce point de vue sur l’île, avant l’existence de l’Atelier, celui qui est aussi anthropologue a également signalé deux dates, il y a plus de cinquante ans :
“En 1960, fut écrite la dernière déclaration du Groupement syndical de Cuba (de tendance libertaire), il publia un texte qui à mon avis était un avertissement sur la manière qu’évoluerait la Révolution. En janvier de l’année suivante eut lieu le dernier grand déjeuner libertaire organisé par le Syndicat gastronomique (également de tendance libertaire) dans son siège. Un mois plus tard, il était fermé”.
Les propositions pour ce printemps
Sur le thème “Mon anarchisme et celui de mes amis”, les libertaires proposent un cercle de dialogue qui tentera d’expliquer comment et pourquoi ils se sont consacrés à l’étude et la promotion des pratiques anarchistes.
Lors de la première réunion sera présentée une compilation numérique “L’anarchisme à Cuba, des empreintes et des récupérations”.
Le dimanche 18 mai, les participants se réuniront sur le thème “Alimentation et responsabilité”, où l’objectif est de stimuler une vision alternative aux actuelles pratiques culinaires dans les cuisines cubaines.
L’invitée spéciale sera l’ingénieur Myriam Cabrera, de qui on présentera le livre “Alimentation biologique”, un livre édité par l’Atelier libertaire. La spécialiste a fait la promotion de la culture alimentaire, de l’agriculture durable et de la permaculture, en défense de la communauté.
Une séance d’élaboration et de dégustation de plats biologiques proposés par Myriam Cabrera. Ils seront préparés collectivement, ce sera le point culminant de la réunion.
La troisième des propositions, le 23 mai, sera lié à l’art . “Qu’est-ce l’anarchie a fait à l’art et l’art a fait à l’anarchie ?” Les libertaires se poseront la question, ils présenteront la compilation numérique “Terrorismes poétiques et d’autres arts sublimes”.
La réalisation inédite de ce qu’on appelle un vidéo cadavre exquis, aura pour leitmotiv la phrase “moi aussi je suis un oppresseur”, et se tout terminera par une session ludique, où les participants pourront produire de la musique originale avec des instruments de musique et d’autres objets, questionnant ainsi les canons de l’art, cela donnant à tous l’opportunité d’être des créateurs.
Le thème de l’anarcho-syndicalisme centrera les discussions du 31 mai, le film “Une autre mémoire syndicale cubaine”, ainsi que le journal cubain historique ¡Tierra!” et son successeur actuel “Tierra Nueva”, que les organisateurs éditent.
Un échange équitable de musique, de livres, de vêtements et d’autres articles clôturera cette journée.
Pour finaliser la journée, le 7 juin, a été planifiée un parcours sous le titre “Sur le chemin des anarchistes à La Havane”, il mènera les participants à des sites historiques, souvent oubliés par le gouvernement, et qui forment une partie essentielle des luttes ouvrières et populaires cubaines.
Renaissance à Cuba
Les activités des anarchistes cubains après le triomphe insurrectionnel de 1959, les ont conduit à l’emprisonnement, et dans certains cas au peloton d’exécution. Après que beaucoup soient conduits à l’exil forcé, ce mouvement n’a jamais récupéré ses forces jusqu’à tout récemment.
L’Atelier libertaire Alfredo López a favorisé depuis sa création, il y a cinq ans, des actions avec un impact au niveau de la communauté dans la capitale cubaine, elles étaient surtout axées sur la récupération de la mémoire historique locale.
En outre, des débats sur divers sujets ont été promus par ce groupe : le mouvement étudiant au Chili et les Indignés en Espagne, le chômage à Cuba, le massacre de la place Tiananmen en Chine, la pathologisation dans les établissements de santé, la vie et le travail de l’anarchiste Frank Fernandez, la révolution espagnole, la situation en Grèce et au Venezuela, entre autres.
Actuellement, des mouvements ouvriers, libertaires, syndicaux, socialistes ou sociaux en général, entretiennent des liens fraternels avec ce mouvement naissant sur l’île, en particulier dans des pays comme l’Espagne, le Venezuela, la France, l’Allemagne, la Colombie, les Etats-Unis, la République dominicaine, l’Italie et le Brésil.
Isbel Díaz Torres
Havana Times
http://www.havanatimes.org/sp/?p=95636