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“L’humiliation est constante”. Témoignage d’un français détenu à Cuba
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Jacques est arrêté et incarcéré par la justice cubaine. ll témoigne, pour le site Prison Insider, de ses conditions de détention dans deux prisons et des actes de torture qu’il a subis.
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Jacques est arrêté, en février 2017, par la justice cubaine. Il est immédiatement incarcéré dans une prison de la Sécurité d’État, maintenu au secret sous le régime incommunicado (1) durant 48 jours. Sa fille se retrouve alors seule du jour au lendemain.
Il est transféré en France en septembre 2019 et indique que plus de 300 personnes étrangères sont ainsi détenues à Cuba.
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Il témoigne, pour Prison Insider, de ses conditions de détention à la prison de la Sécurité d’État (DTI) puis dans l’établissement de la Condesa à Mayabeque.
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La torture psychologique est fréquente, la torture physique, habituelle.
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Prison de la Sécurité d’État (DTI), La Havane
Je suis placé dans une cellule pour quatre personnes de 2,50 m². Aucune fenêtre, aucune indication de temps. Seulement un éclairage blafard et trois repas par jour.
Dans cette cellule et à la vue de tous, un espace douche/WC constitué d’un trou au sol et d’un petit tuyau sortant du mur duquel s’échappe un filet d’eau, à la fois pour se doucher et nettoyer le trou. L’eau est “branchée” de 6 h à 6 h 45 et de 17 h à 17 h 45. Maintenu au secret complet. Pas de famille, pas d’avocat ni de consulat. J’ai pu avoir un contact avec le consulat, au bout de vingt jours, pour une visite de dix minutes dans un “salon de réception” avec air conditionné et de bons canapés.
Interrogatoires 24/24 h chaque jour, même les samedis et dimanches. Ces interrogatoires sont réalisés par quatre ou six agents. La torture psychologique est fréquente, la torture physique, habituelle. Il est possible d’être interrogé plusieurs fois par jour et par nuit.
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“De manière générale, l’humiliation est constante.”.
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Prison “La Condesa”, Mayabeque
L’établissement est situé à 100 kilomètres environ de la Havane, entre une décharge et des champs de cannes à sucre. La prison est constituée de quatre bâtiments en béton armé, sans étages. Chacun est occupé par 90 prisonniers minimum. Les literies sont doubles, les sommiers sont faits de simples barres de fer, les matelas font cinq centimètres d’épaisseur. Ils sont moisis, sales, malodorants et datent de plusieurs années. On dénombre environ huit ventilateurs, souvent hors service ou en très mauvais état. Ils sont systématiquement mis à l’arrêt de 8 h à 11 h 30 et de 13 h à 17 h.
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Les bâtiments comprennent quatre douches avec seulement de l’eau froide durant quelques heures par jour. Il y a trois WC et deux urinoirs – toujours pour 90 personnes -. Les coupures d’électricité et d’eau sont fréquentes et durent parfois plusieurs jours ou semaines.
Enfin, les épidémies de toutes sortes sont monnaie courante. La prison a été placée en quarantaine plusieurs fois. Les uniques prescriptions sont “beaucoup d’eau à boire et du repos”… Dernière précision : on trouve, dans les bâtiments, des souris, des rats, des cafards par centaines, des scorpions, des tarentules, des moustiques et mouches noires par milliers.
• 6 h 00 – Le lit doit être fait. Vêtu d’un uniforme et au garde-à-vous.
• 6 h 15 – Fin de l’inspection.
• 7 h 15 – Petit déjeuner. Une boisson (une sorte de thé réalisé avec les fruits d’un arbre local), un morceau de pain d’environ dix grammes, sec et dur.
• 8 h 00 – Sortie au terrain, en file indienne, mains dans le dos avec au préalable une attente en rang et en plein soleil pendant une quinzaine de minutes.
Sur ce terrain, aucun espace pour s’asseoir. Si un prisonnier souhaite pouvoir le faire, il devra acheter une chaise en plastique et négocier avec la direction de la prison pour accéder à ce privilège. Ce terrain comporte un minuscule espace avec un toit (6 mètres x 2 mètres) pour se protéger du soleil. Les casquettes et lunettes de soleil sont interdites.
• 10 h 30 – Retour en bâtiment.
• 11 h 45 – Repas au réfectoire. La durée maximale du repas est de cinq minutes, sous peine de sanction. Le menu est identique chaque jour : riz (équivalent à un bol, toujours mal cuit, sale et contenant des vers et d’autres insectes), parfois une cuillerée de haricots rouges ou de pois chiches. Deux fois par mois, un morceau de poulet de 30 grammes avec les os. Une fois par mois, un morceau de porc de 30 grammes. Le reste du temps, une bouillie de soja (deux cuillères à soupe) et une soupe qui s’apparente à une eau chaude et salée avec quelques grains de riz et beaucoup de mouches noires mortes.
• 13 h 00 – Terrain
• 16 h 00 – Bâtiment
• 17 h 15 – Dernier repas (même menu qu’au déjeuner).
• 17 h 45 – Préparation à l’inspection de 18h00.
• 18 h 00 – Inspection identique à celle du matin.
• 22 h 00 – Inspection
• 23 h 00 – Extinction des feux
• 1 h 00 – Visite de contrôle des gardiens (bruyante)
• 3 h 30 – Visite de contrôle des gardiens (bruyante)
À tout moment, vous pouvez être frappé par plusieurs gardiens et mis au mitard pour 20, 30 ou 40 jours sans raison. De manière générale, l’humiliation est constante.
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Deux fois par an, il faut repeindre l’extérieur et l’intérieur de la prison. Les prisonniers doivent acheter la peinture, les pinceaux et les brosses. Ils doivent travailler de 6 h 30 à 22 h 00.
Lors des deux “anniversaires” par an des détachements, ce sont les prisonniers qui doivent tout acheter. Les gardiens et la direction de la prison mangent les trois quarts des produits. La prison réalise fréquemment des vidéos. Celles-ci sont scénarisées et détournées afin de montrer le bien-être des prisonniers aux ambassades. Les proches de prisonniers sont fréquemment maltraités, humiliés et menacés. Parfois arrêtés.