Le décret 349 vise à transformer les artistes en merde

L’œuvre

Ils ne sont pas arrivés ensemble, chacun avait un horaire et une fonction : vérifier que tout était calme, se maculer avec des excréments et faire connaître l’action. L’action était très basique: une fois couvert de merde, mettre en place un panneau : « Art libre. Non au décret 349 », ceci, sur les marches du Capitole de La Havane. Mais cela ne s’est pas passé ainsi, même si tout était secret pour qu’il n’y ait pas de fuite.

La police a arrêté Luis Manuel Otero Alcántara, Amaury Pacheco et Soandry del Río. Puis ils ont aussi emmené Iris Ruiz. Cependant, l’indignation a poussé Yanelys Núñez à s’impliquer plus directement. Quand elle a vu Luis être emmené, poussé dans la voiture de patrouille à coup de poings, elle a étalé ses excréments, elle a saisi le panneau et a commencé à marcher. Ils l’ont embarqué, mais l’action a eu lieu, pensa-t-elle. De l’autre côté de la rue, ils ont renversé le panneau et elle est arrivée au Capitole tellement bouleversée qu’elle a commencé à parler à ceux qui étaient assis sur les marches. C’était une impulsion, avec de la nervosité, de l’inconfort, de la douleur, de la colère. Personne n’a été choqué, tout le monde a écouté tranquillement, comme s’ils étaient hypnotisés.

La protestation

La protestation n’ avait pas seulement lieu contre le décret. Ces artistes attendent une réponse à une lettre ouverte qu’ils ont remis à l’Union des écrivains et artistes de Cuba, à l’Association Hermanos Saíz, au Conseil national des arts plastiques et au Ministère de la culture. La lettre appelle à éviter la censure et le harcèlement de ceux qui ont une façon d’agir différente de celle que les institutions admettent, et appelle à une réunion publique avec tous ceux qui s’intéressent à l’avenir de la politique culturelle du pays. En attendant la réponse à la lettre, le décret contient un message très clair : les artistes qui sont en marge des institutions ne travailleront pas à Cuba. C’est ce qui les rend furieux et les remplit d’impuissance, alors ils ont décidé de passer à l’action.

Couverte de merde, aux yeux de beaucoup, Yanelys a exigé le respect, demandé une rencontre avec le ministre de la Culture et revendiqué son droit de travailler dans son pays ; c’est une professionnelle, pas une criminelle.

Le décret

Le décret 349 donne le feu vert à la censure et constitue un bon outil pour contrôler strictement les prestations des musiciens et des artistes. Les infrations peuvent être considérées comme graves ou très graves ; aux moyens d’amendes, de la confiscation ou le retrait de la licence professionnelle, ils menacent les travailleurs indépendants afin qu’ils n’embauchent pas d’artistes sans l’approbation du ministère de la Culture.

Le décret punit également les peintres ou les artistes qui vendent leurs œuvres sans autorisation de l’État, les musiciens qui vendent leurs œuvres d’art sans le consentement de leur agence de recrutement ou du ministère de la Culture lui-même, ou ceux qui projettent des œuvres audiovisuelles contenant des scènes de violence, de pornographie, un langage sexiste ou vulgaire, et qui font un mauvais usage des symboles nationaux ou utilisent des messages discriminatoires.

Les entités de l’État ou les entreprises privées dont la programmation comportant des spectacles artistiques ou musicaux qui encouragent la violence dans un langage vulgaire, obscène, sexiste et discriminatoire seront sanctionnés. La littérature n’échappe pas à cette croisade et il est interdit de vendre des livres dont le contenu porte atteinte aux valeurs éthiques et culturelles.

Politique culturelle

Les naïfs peuvent penser que le décret n’est qu’une partie de la réglementation des activités du secteur privé, ou qu’il sert à réglementer les indisciplines qui les dérangent depuis un certain temps, mais beaucoup de gens dans le monde de l’art ne sont pas d’accord, ils ont le sentiment que l’artiste est laissé sans droits. Et si l’artiste n’a pas le minimum qu’est la possibilité de créer avec liberté, il n’a plus de raison d’être.

Amaury et Soandry ont été libérés avec des amendes de 30 pesos pour désordre public, Otero Alcántara est demeuré détenu plusieurs jours.

Yanelys assure que cette nouvelle politique culturelle vise à transformer les artistes en pure merde. Maintenant, la question est de savoir : si elle sera autorisée.

Irina Echarry

https://www.havanatimes.org/sp/?p=135263

Traduction : Daniel Pinós

https://www.havanatimes.org/sp/?p=135263


Enrique   |  Culture, Politique   |  08 10th, 2018    |