Controverse libertaire cubaine

L’Atelier Libertaire de La Havane Alfredo López vient de publier le 10 août, sur le blog Observatoire Critique, sa déclaration « Anarcho-capitalisme ? Non merci ! », dans lequel il se démarque du Parti libéral cubain José Martí et des instituts Ludwig von Mises.

Selon l’Atelier libertaire Alfredo López, « la liberté sociale intégrale ne peut être basée que sur le travail commun, l’accord explicite et l’appui mutuel, et elle n’est compatible avec aucune variante du monopole sur la prise de décisions sociales ou sur les sources de bien-être collectives. Ce qui implique, bien sûr, l’incompatibilité entre la liberté sociale et l’appropriation privée du travail d’autrui sous la forme salariale, que ce soit dans sa variante d’entreprise privée ou celle de sociétés anonymes, ou également d’un quelconque type d’“État-providence“. Cela signifie le refus explicite du capitalisme sous quelconque de ses formes, le système salarial et la plus-value ».

Malgré des noms identiques où le mot « libertaire » signifie « le rejet de toute autorité de l’État au nom de la liberté personnelle », les deux organisations – l’Atelier libertaire Alfredo López et le Parti libéral cubain José Martí – ont des perspectives différentes :

L’atelier libéral Alfredo Lopez est anarchiste et anticapitaliste. Le parti libertaire cubain José Martí est anarcho-capitaliste, tout comme le sont les « Instituts von Mises » (réseau international d’institutions académiques et de groupes de pression, de tendance libertaire- capitaliste).

Pour le Parti libertaire, il s’agit de promouvoir les « gouvernements limités et les marchés libres », tandis que pour l’atelier Alfredo López, le socialisme libertaire est une proposition d’organisation sociale basée sur le consensus, l’autogestion économique collective et l’exercice intégral des libertés personnelles dans les communautés. Cet atelier fait partie de la Fédération anarchiste d’Amérique centrale et des Caraïbes (FACC).

Dans sa déclaration, l’Atelier libertaire insiste sur le fait que « le capitalisme privé n’est pas le remède aux problèmes de Cuba et les problèmes du monde d’aujourd’hui, comme il n’existe pas d’autre variante du capitalisme ». La déclaration proclame la défense du droit à la liberté d’expression et le refus des pratiques autoritaires étatistes, elle fait également allusion à l’actuel développement [à Cuba] de diverses discriminations à l’égard de la dignité humaine et à l’absence de garanties socio-politiques pour l’exercice de la protestation et de la grève, pour ceux qui travaillent dans les différents secteurs de l’économie. »

Havana Times a interrogé des membres de l’Atelier Alfredo López sur la raison pour laquelle ils ont écrit la déclaration de rejet de l’anarcho-capitalisme ; Ils répondent que c’est pour éviter tout malentendu ou toute confusion sur les positions idéologiques.

Ainsi, un activiste qui préférait l’anonymat, a déclaré qu’après avoir appris (via Facebook) l’existence d’un Parti libéral cubain, il a estimé « qu’il pourrait y avoir un mauvaise interprétation sur les intérêts et le positionnement de l’Atelier libertaire Alfredo López et les possibles alliances avec ce parti. Il est clair pour moi que le capitalisme n’est pas et ne sera jamais la solution pour ceux qui aspirent à l’émancipation de l’être humain, à la destruction de pratiques et de structures dominantes qui subjuguent notre liberté, aussi anarchiste soit-il. Ne pas manifester cette position ouvertement aboutirait à des traductions comme l’acceptation ou indifférence, et ce n’est pas le cas, du moins pour moi ».

D’autre part, Marcelo Liberato Salinas, l’un des initiateurs de l’Atelier libertaire Alfredo López il y a plus de 7 ans, a commenté pour Havana Times que « la logique de la vie quotidienne cubaine est de plus en plus capitaliste… Au-delà de la question où va le gouvernement même si le discours officiel se définit comme socialiste ou non, au-delà des idéologies sophistiquées anarcho-capitalistes, le capitalisme est ce qui régit la vie quotidienne, de plus en plus dure, plus capitaliste ».

L’anarcho-capitalisme est une tendance de la pensée philosophique et des positions politiques qui défend la possibilité d’un capitalisme sans état ou avec un état minimal ; dans les pays anglo-saxons, le mot « libertaire » est généralement associé à ces types de courants, en tant que version extrême de la position anti-étatiste et favorable au « marché libre ». Pendant ce temps, dans les pays latins, on utilise traditionnellement le terme « socialisme libertaire » pour désigner les opinions de ceux qui préconisent des variantes anti-étatistes et anti-autoritaires du socialisme, en incluant majoritairement le classique anarchisme anti-capitaliste.

Gabriela Radfar

Havana Times

http://www.havanatimes.org/sp/?p=125452


Enrique   |  Actualité, Politique   |  08 18th, 2017    |