5 août 1994. Le “Maleconazo”, la première manifestation contre le régime de Fidel Castro depuis la révolution de 1959
La manifestation du 5 août 1994 appelée « Maleconazo » est une manifestation à Cuba contre le régime castriste. Elle est considérée comme l’une des plus importantes depuis le début de la révolution cubaine en 1959.
Depuis le départ des soviétiques et la fin de l’aide économique de l’URSS, le pays était affronté à une grave crise humanitaire. Fidel Castro avait décrété la ”période spéciale en temps de paix”.
Le 4 août 1994, un policier est tué lors du détournement d’un bateau pour fuir Cuba et rejoindre les États Unis, il s’agit du quatrième détournement depuis le 13 juillet, date à laquelle un bateau a été coulé faisant 41 victimes par noyade dont 10 enfants. Les hommes survivants étant emprisonnés dans la villa Marista, une prison de haute sécurité pour la détention de prisonniers politiques par l’agence de sécurité nationale cubaine.
Dans l’après-midi du 5 août 1994, des centaines de Cubains se rassemblent sur le Malecón de La Havane pour essayer de quitter l’île, à la suite d’une rumeur infondée indiquant l’arrivée prochaine de bateaux américains. L’espérance de ces candidats à l’exil est déçue. Alors ce rassemblement spontané se transforme en manifestation contre Fidel Castro et la révolution cubaine. Pour la première fois depuis des décennies les gens descendent dans les rues. Des dizaines, des centaines, des milliers de Havanais.
Je suis à La Havane en cet été 1994, c’est un acte de rébellion, mais aussi un acte libérateur. Les gens ne crient pas seulement les mots « faim » ou misère », mais ils hurlent le mot « liberté » sous le soleil infernal de ce vendredi du début du mois d’août.
Le centre de La Havane est investi par les manifestants, les vitrines des magasins sont détruites. L’hôtel Deauville fait aussi l’objet de dégradations. Des manifestants attaquent les forces policières avec des cailloux. L’armée intervient, les forces de police procèdent à des « interpellations parfois musclées ». Fidel Castro vient en personne sur le site de la manifestation. Les manifestants scandent : « Cuba sí, Castro no. ¡Libertad! ¡Libertad! ».
Les médias cubains n’ont pas rapporté de coups de feu ou de morts. Cependant, les images du photographe Karel Poort montrent des hommes avec des armes à feu. L’émeute fait trois morts et une centaine de blessés. Trente quatre manifestants sont jugés et condamnées lors de « procès expéditifs », les accusés sont défendus par un avocat désigné par le régime castriste.
Fidel Castro, comprenant la gravité de la situation, décide d’annuler l’interdiction d’émigrer. Plus de trente mille Cubains essayent de fuir Cuba pour gagner les côtes des États-Unis à bord de radeaux et d’embarcations de fortunes, appelés les « balsas». Certains réussissent, d’autres sont conduits en centre de rétention sur la base US de Guantanamo, enfin de nombreux « balseros » disparaissent en mer. Au bout d’un mois, La Havane et Washington trouvent un accord. Les États-Unis autorisent l’entrée à plus de demandeurs d’asile Cubains soit 20 000 par an. En contrepartie le régime cubain s’engage à freiner les départs illégaux en mer.
Après la manifestations d’août 1994, les Comités de défense de la révolution doivent se doter d’une « Brigade de réponse rapide » pour s’opposer immédiatement à toute manifestation spontanée d’opposition au pouvoir.
Daniel Pinós
Voir les images vidéo de la manifestation :