Cuba dit oui aux OGM
À Cuba, dont certains faisaient encore il y a peu un modèle à suivre en matière d’agriculture biologique, le gouvernement prône officiellement le développement d’une agriculture intensive à base de semences génétiquement modifiées.
Les gouvernements d’Amérique latine qui se réclament du socialisme du XXIe siècle préconisent des politiques environnementales qu’ils prétendent en avance sur celles du reste du monde. En 2008, la Constitution de l’Équateur a reconnu les droits de la Nature dans son chapitre sept qui traite du respect intégral de son existence, de sa conservation, de la régénération de ses cycles vitaux et de la réparation des dégâts causés par l’exploitation de ses ressources.
Le gouvernement bolivien a organisé la Conferencia Mundial de los Pueblos sobre Cambio Climático y Derechos de la Madre Tierra à la suite de l’échec de la COP 15 de Copenhague (mars 2015). Réunie à Tiquipaya en avril 2010, elle a abouti à une proposition de Déclaration des droits de la Terre Mère. Elle a été suivie de la Ley de Derechos de la Madre Tierra (loi 071), promulguée le 21 décembre 2010, qui reconnaît la diversité de la vie sur la Terre Mère, son équilibre, le droit pour tous à l’eau et à l’air pur, et qui énumère les obligations de l’État plurinational bolivien et des personnes à son égard. « Défendre la planète terre est plus important que défendre les droits de l’homme” s’est risqué à déclarer Evo Morales. Son “combat en faveur de l’environnement” lui a valu le titre de docteur honoris causa en sciences politiques de l’université de la Havane en septembre 2011 [1].
Mais dans les faits, aussi bien en Bolivie qu’en Équateur, au Venezuela et au Nicaragua, le souci de préserver l’environnement s’efface au profit d’une exploitation destructrice et polluante des ressources du sous-sol, et de la construction de gigantesques barrages hydroélectriques non moins dévastateurs [2].
À Cuba, dont certains faisaient encore il y a peu un modèle à suivre en matière d’agriculture biologique [3], le gouvernement prône officiellement le développement d’une agriculture intensive à base de semences génétiquement modifiées. C’est l’objet de l’article qui suit.
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Cuba dit oui aux OGM [4]
Cuba la combative ne cesse de nous surprendre par ses changements : en premier lieu la fermeture du ministère du Sucre et son remplacement par le Grupo Empresarial de la Agroindustria Azucarera ; son ouverture au capital occidental ; son retour, lent mais certain, à l’économie de marché ; l’élimination de centaines de milliers d’emplois d’État ; l’offre de terres à l’initiative privée ; l’encouragement du travail à son compte ; le rétablissement des relations diplomatiques avec les États-Unis son rival idéologique acharné. Plus encore, la Cuba révolutionnaire opte pour la biotechnologie, non seulement en matière de santé – c’était le cas depuis de nombreuses années –, mais aussi pour produire des aliments de manière pragmatique.
Une note d’Inter Press Service (IPS) de 2012 nous apprenait que Cuba avait décidé d’encourager l’usage de semences génétiquement modifiées pour cesser d’importer des aliments transgéniques onéreux, et les produire sur place en économisant ainsi des millions de dollars.
Carlos Borroto, vice-directeur du Centro de Ingeniería Genética y Biotecnología de Cuba(CIGB) a révélé l’existence de plantations de maïs et de soja transgéniques dans la partie occidentale et au centre de l’île, en soulignant qu’il se cultivait déjà 160 millions d’hectares de terres avec des semences génétiquement modifiées dans le monde [5].
Cette note révélait aussi que Cuba utilisait des semences génétiquement modifiées depuis plus de vingt ans : « Le CIGB a développé le maïs transgénique en collaboration avec l’Instituto de Investigaciones Liliana Dimitrova [6], tandis que le soja a été promu avec l’Instituto Nacional de Ciencias Agrícolas (…). On a aussi travaillé sur les modifications génétiques de la canne à sucre, de la pomme de terre, de l’ananas, du café, de la tomate, du riz, et de la papaye, entre autre(…). Augmenter la consommation du maïs transgénique cubain se justifie par son coût de production très inférieur (…) Les rendements sont multipliés.» Mais le plus important, c’est que « Cuba cultivera du maïs et du soja transgéniques à grande échelle en 2017 pour diminuer son déficit alimentaire, sous un contrôle scientifique et légal strict.» [7]
Quel est le résultat de cette stratégie de production ? Cuba est parvenu à produire 2, 8 à 4 tonnes de soja transgénique par hectare (en Bolivie, la moyenne est de 3,2) et elle espère produire 9 tonnes de maïs transgénique à l’hectare (3,2 en Bolivie) pour économiser 500 millions de dollars par an avec pour objectif d’atteindre la souveraineté alimentaire. Un exemple à suivre, non ?
Voilà donc une preuve de plus, s’il en était besoin, qu’en matière d’environnement – comme dans bien d’autres domaines –, il ne faut pas se fier aux effets d’annonce des gouvernements se réclamant du socialisme du XXIe siècle. Il y a loin de la coupe aux lèvres. Tous ont mis en œuvre des politiques en contradiction avec leurs promesses et contribué à l’accélération de la destruction des équilibres biologiques et de la pollution de la terre, de l’air et de l’eau. Il ne suffit pas d’émettre des propositions séduisantes.Les hommes et leurs organisations productives ou partisanes doivent être jugés sur leurs actes et non sur leurs intentions ou leurs publicités qui ne sont, bien souvent, que des boniments.
Gary Rodríguez
Gary Rodriguez est économiste. Il dirige l’Instituto Boliviano de Comercio Exterior(IBCE) depuis 1996. Comme son nom l’indique, l’IBCE fournit des services en matière de promotion et de suivi de négociations commerciales internationales : études de marché, consulting, expertise, promotion…
Publié sur le blog de Jean-Pierre Lavaud
https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-lavaud/blog/260117/cuba-et-les-semences-transgeniques
[1] Une distinction prestigieuse que l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA) lui a aussi délivrée pour la même raison, en décembre 2015. https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-lavaud/blog/191215/evo-morales-docteur-honoris-causa
[2] Pour plus de détails sur ces destructions voir le billet : https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-lavaud/blog/291116/la-devastation-de-l-amazonie-bolivie-equateur-venezuela
[3]https://www.legrandsoir.info/Cuba-agriculture-biologique-et-relocalisation-de-l-economie.html ; https://reporterre.net/Cuba-le-pays-ou-l-agroecologie-est-vraiment-appliquee
[4] https://www.eldeber.com.bo/opinion/Cuba-dice-si-a-los-transgenicos-20170117-0092.html
[5] Cuba produce transgénicos…, IPS, 26 avril 2012. http://industrie-agroalimentaire.com/contre-aleas-climatiques-cuba-culture-ogm/ ; https://www.periodismodebarrio.org/2016/09/08/el-debate-sobre-los-transgenicos-en-cuba-explicado/
[6] El Instituto de Investigaciones Hortícolas “Liliana Dimitrova”a été fondé en 1971. Il dépend du ministère de l’Agriculture de la république de Cuba.
[7] Granma, 16 décembre 2016. Voir aussi http://www.14ymedio.com/nacional/Cuba-cultivos-transgenicos-disminuir-alimentario_0_2129787004.html