Pour les noirs à Cuba, toujours pas de Révolution
LE CHANGEMENT est la nouvelle à la mode actuellement quand on parle de Cuba, même si pour les Afrocubains comme moi, il s’agit plus d’un rêve que d’une réalité. Au cours de dix dernières années, de nombreuses interdictions ridicules pour les Cubains vivant sur l’île ont été éliminées, dont le fait de dormir dans un hôtel, d’acheter un téléphone cellulaire, de vendre une maison ou une voiture et de voyager à l’étranger. De tels gestes ont été célébré comme des signes d’ouverture et de réforme, même s’il ne s’agit en fait de rien de plus que des efforts de rendre la vie plus normale. Et la réalité est que, à Cuba, votre expérience de ces changements dépend de la couleur de votre peau.
Le secteur privé à Cuba jouit désormais d’un certain degré de libérté économique, mais les noirs ne sont pas bien positionnés pour en profiter. Nous avons hérité de plus trois siècles d’esclavage durant l’époque de la colonie espagnole. L’exclusion raciale, qu’un demi siècle de révolution depuis 1959, a été incapable de surmonter a continué après l’accession à l’Indépendance de Cuba en 1902.
Au début des années 1990, après la fin de la guerre froide, Fidel Castro a engagé des réformes économiques que son frère et successeur Raúl poursuit. Cuba avait perdu son plus grand bienfaiteur, l’Union Soviétique, et avait plongé dans une profonde récession que l’on connut sous le nom de la “Période Spéciale.” Il y a avait de fréquentes coupures d’électricité. Les transports publics fonctionnaient à peine. La nourriture était rare. Pour contenir les troubes, le gouvernement ordonna la dualisation de d’économie en deux secteurs: l’un pour les entreprises privées et celles tournées vers l’étranger, auxquelles on permettait essentiellement de commercer en dollar des États-Unis et l’autre, la continuation de l’ancien ordre socialiste, bâtit sur les emplois gouvernementaux rémunérés en moyenne $20 par mois.
Il est vrai que les Cubains disposent toujours d’un filet de sécurité fort : la plupart ne paye pas de loyer, et l’éducation et la santé sont gratuits. Mais l’écart économique a créé deux réalités contrastées qui persistent de nos jours. La première est celle des cubains blancs, qui ont mobilisé leurs ressources pour entrer dans la nouvelle économie de marché et empocher les bénéfices d’un socialisme supposément plus ouvert. L’autre réalité est celle de la pluralité noire, qui a été témoin de l’effondrement de l’utopie socialiste dans les logements les moins confortable de l’île.
La majorité des transferts d’argent venant de l’étranger— principalement du secteur de Miami, le centre nerveux de la communauté des exilés, blanche en grande partie — vont aux Cubains blancs. Ils ont tendance à vivre dans les maisons les plus luxueuses, qui peuvent facilement être converties en restaurants ou en bed-and-breakfasts — les types d’affaires les plus communs à Cuba. Les cubains noirs possèdent moins de biens et d’argent, et doivent également faire face à un racisme omniprésent. Il n y a pas longtemps, il était commun pour les gérants d’hôtel, par exemple, de n’embaucher que du personnel blanc, de manière à ne pas offenser les sensibilités supposées de leur clientèle Européenne.
Ce type de racisme flagrant est devenu moins acceptable socialement, mais les noirs demeurent manifestement sous représentés dans le tourisme — probablement le secteur le plus lucratif de l’économie — et sont bien moins susceptibles que les blancs de posséder une entreprise. Raúl Castro a reconnu la persistance du racisme et a réussi dans certains domaines (il y a davantage d’enseignants noirs et de représentants noirs à l’Assemblée Nationale), mais il y a encore beaucoup à faire pour faire face aux inégalités structurelles et les préjugés raciaux qui continuent à exclure les afrocubains des bénéfices de la libéralisation.
Le racisme à Cuba a été dissimulé et renforcé en partie parce qu’on n’en parle pas. Le gouvernement hasn’t allowed le débat, ni la confrontation politique ou culturelle sur le préjugé racial, prétendant souvent plutôt qu’il n’existait pas. Avant 1990, les Cubains noirs ont subi une paralysie de leur mobilité économique alors que, paradoxalement, le gouvernement décrétait la fin du racisme dans les discours et dans les publications. Le fait de questionner l’étendue du progrès racial était équivalent à un acte contre-révolutionnaire. Cela a rendu presqu’impossible le fait de souligner l’évidence, à savoir que le racisme est bel et bien vivant.
Si les années 1960, la première décennie post-révolution signifièrent des opportunités pour tous, celles qui suivirent démontrèrent que que tout le monde ne pouvait pas avoir accès et bénéficier de ces opportunités. Il est vrai que les années 1980 ont produit une génération de professionnels noirs, comme des docteurs et des enseignats, mais ces gains ont été réduits dans les années 1990 alors que les noirs étaient exclus des secteurs lucratifs comme l’hospitalité. Maintenant au 21ème siècle, il est devenu bien trop apparent que la population noire est sous représentée dans les universités et dans les sphères de pouvoir économique et politique, et sur-représenté dans l’économie sousterraine, dans la sphère criminelle et dans les milieux marginalisés.
Raúl Castro a annoncé qu’il quittera la présidence en 2018. J’espère que d’ici là, le mouvement anti-raciste à Cuba aura grandi, à la fois des points de vue légal et logistique, de telle sorte qu’il puisse éventuellement apporter des solutions depuis si longtemps promises, et attendues, par les cubains noirs.
Une première étape importante serait qu’enfin on ait le compte officiel exact des afrocubains. La population noire à Cuba est bien plus importante que les nombres fallacieux plus récents recensements. Le nombre de noirs dans les rues undermines, de la manière la plus évidente, la fraude numérique qui nous place à moins d’un cinquième de la population. Beaucoup de gens oublient qu’à Cuba, une goutte de sang blanc peut – si ce n’est que sur papier — transformer en mestizo ou en blanc une personne qui dans sa réalité sociale ne cadre avec aucune de ces deux catégories. Ici, les nuances qui gouvernent la couleur de la peau sont une tragicomédie qui cachent d’anciens conflits raciaux.
La fin du régime des Castro signifiera la fin d’une ère de la politique cubaine, Il est irréaliste de rêver d’un président noir, compte tenu de l’insuffisante conscience raciale sur l’île. Mais d’ici là que Raúl Castro quitte ses fonctions, Cuba deviendra un endroit différent. On ne peut qu’espérer que les femmes, les noirs et les jeunes pourront aider à guider la nation vers une plus grande égalité des chances et pour l’atteinte de la pleine citoyenneté pour les Cubains de toutes les couleurs.
Roberto Zurbano
Ce texte a été traduit de l’Espagnol par Kristina Cordero.