A Cuba, les catholiques demandent des élections libres à tous les niveaux
La revue des laïcs de La Havane diffuse une plate-forme « pour l’avenir immédiat » de l’île
Les catholiques cubains demandent des « élections directes, libres, secrètes, périodiques et concurrentielles » à tous les niveaux de la représentation. Ils précisent que les plus hauts dirigeants de la République devraient être élus selon ces règles. Ils reprennent à leur compte la limitation à deux mandats pour toutes les charges de l’exécutif, promise par le chef de l’Etat, le général Raul Castro, 82 ans, mais y ajoutent la nécessité d’une limite d’âge.
Ces revendications font partie d’une plate-forme en 23 points diffusée fin mars par Espacio Laical, la revue des laïcs de l’archidiocèse de La Havane, placée sous le patronage du cardinal Jaime Ortega, primat de l’Eglise cubaine. Imprimée à 4 500 exemplaires et distribuée dans toutes les paroisses de l’île, Espacio Laical touche un lectorat beaucoup plus large avec une version numérique et une diffusion par messagerie électronique. Elle est la seule publication indépendante, disposant d’un réel impact, tolérée par le pouvoir.
Espacio Laical est devenue un lieu de débats et de convergences entre personnalités d’« origines idéologiques dissemblables ». S’y expriment des réformateurs, partisans d’un dialogue national, des jeunes intellectuels libertaires ou des représentants modérés de l’exil. Les « propositions pour notre avenir immédiat » mises en ligne sont justement le résultat de ces discussions. Le texte ressemble à un programme pour une transition démocratique, sujet qui reste tabou à Cuba. Les catholiques poussent leur avantage, après que l’Eglise cubaine s’est placée au centre du jeu politique, au moment où le monde célèbre le premier pape latino-américain, François.
Outre des élections libres, le texte inclut une périphrase qui peut être interprétée comme une revendication du pluralisme, contre le dogme du parti unique : « Assurer à la multiplicité sociale et politique de la nation le droit de choisir diverses formes d’auto-organisation dans le but de promouvoir ses objectifs, d’influencer l’opinion et l’action de la société, ainsi que de participer à la gestion publique. »
« Humaniste et diverse »
Les catholiques plaident aussi pour une information libre et diversifiée, « sans censure ni monopolisation », alors que le Parti communiste de Cuba (le parti unique) s’arroge le monopole des médias et de la communication. Ils prônent un accès massif à Internet, réservé par La Havane aux instances officielles et à l’élite proche du régime. Leurs revendications s’étendent à une éducation « humaniste et diverse », à l’autonomie des universités et à la liberté d’enseignement et de recherche.
Le texte critique des dispositions du code pénal qui condamnent à des peines de prison la simple « dangerosité » présumée de l’inculpé, tout comme les discriminations entre Cubains et étrangers, sensibles en matière de propriété et d’investissement. Enfin, les catholiques estiment que la « diaspora cubaine » devrait se voir reconnaître une « participation équilibrée » à la vie du pays.
Paulo A. Paranagua
Le Monde du 27 mars 2013