Traditions du nouvel an

Le dernier jour de l’année dans l’île à ses propres caractéristiques. Les plans pour organiser ce jour spécial en famille prennent le dessus sur le quotidien, pour le divertissement et faire le nécessaire pour un bon repas. Tout cela pour la conviction de boucler un cycle et repartir de zéro, sous le signe de la chance. Dès les premiers jours de décembre les conversations tournent autour du billet pour voyager en province, de l’argent à réunir pour acheter de la viande de porc… bref pour que la fête du 31 décembre soit un moment unique.

Longtemps avant le jour J, il faut également se décider pour savoir où passer ce moment qui revêt tant d’importance pour les Cubains. Ils appartiennent en majorité à des familles nombreuses et parfois d’autres invitations les tentent. Cependant, les Cubains optent pour l’entourage de leur coeur pour passer les dernières 24 heures de l’année: la famille prend le pas sur les meilleurs amis. Il ne s’agit pas de n’importe quelle célébration mais de celle qui marque les douze prochains mois.

Jour de tous les superlatifs

Comme le disent les anciens et comme cela se répète de génération à génération: « la manière de passer la fin de l’année déterminera comment se passera la suivante ». C’est peut-être pour cela que la majorité des cubains prépare la grande fête. Ils la passent ensemble, dansent et partagent leurs meilleurs voeux. Certains font primer l’excès des dépenses mais ce qui doit primer est la joie. Ce sont des moments d’espérance, de désirs de jours meilleurs où les gens souhaitent, ne serait-ce qu’en partie, que la prophétie la plus répétée ici se réalise:  santé, argent et amour.

La Havane, qui est toute en ébullition et agitation durant les 365 jours de l’année, voit encore son rythme s’accélerer en décembre. La première quinzaine du mois est occupée par le Festival International du Nouveau Cinéma Latino-Américain et après par les préparatifs pour les fêtes de Noel, beaucoup plus discrètes que dans bien des pays.

Les plans de fin d’année et tout le cheminement pour arriver au 31, prennent cependant le pas sur tout cela. La maison, par exemple se doit d’être très propre. Ainsi, il est commun de voir toute la famille durant les jours qui précèdent l’évènement, nettoyer tout le foyer en profondeur, peindre et réparer ce qui, durant l’année, ne l’aurait pas été. C’est pour cette raison que le 31 décembre commence bien plus tôt à Cuba. Et tous travaillent pour que ce diner soit le point culminant jusqu’au moment des douze coups de minuit où l’on se souhaite le traditionnel « bonne année ». Le menu de ce repas est typiquement cubain: viande de porc, riz aux haricots noirs, tubercules avec bananes plantins-frites, salade et pâtisseries accompagné, pour la célébration, de bière bien fraîche, de vin ou de rhum.

La journée commence par la répartition des rôles: ceux qui épluchent, ceux qui préparent le porc, ceux s’occupant du dessert et les autres qui iront au marché chercher les produits frais pour la salade et les tubercules tout récemment arrivés en provenance de la campagne. D’autres encore, auront pour unique tâche de veiller aux enfants. Durant toute la journée, se mêlent au sein du foyer, parties de dominos et musique que l’on entend dans chaque recoin.

Parce que ce jour est celui d’une table bien fournie et cela même dans les foyers les plus humbles où l’on travaille dur pour tout préparer, il est coutume, le matin du 31 de petit-déjeuner léger et attendre avec anxiété le banquet de la nuit. Dans tout Cuba les ingrédients de base sont les mêmes, à la différence qu’il existe de nombreuses manières de les cuisiner.

La technique pour faire cuire le porc est différente dans chaque région du pays. Par exemple dans la partie est du pays, « l’Oriente », il est cuit à la broche. Une grosse branche d’arbre est utilisée, elle traverse l’animal de part en part sur sa longueur. Cette branche, sur laquelle repose l’animal, est superposée sur d’autres et suspendue au dessus du feu. Celui-ci, doux, est allumé à même la terre dans un jardin puis du charbon y est ajouté. Cette broche est faite de telle manière pour que le porc soit cuit également sur chaque partie du corps. La coutume est également de le fourrer avec des haricots noirs. Dans la partie ouest du pays, « occidentale », le porc se prépare à la planche ou au barbecue, technique d’origine indienne. Selon le type de cuisson utilisé, la saveur du porc sera différente. Il est également commun d’utiliser le poivron rouge et les rames de goyave. Dans la province de Pinar del Rio, quand le porc est en cuisson,il est commun de le faire cuire avec des feuilles de bananes.A La Havane, la forme la plus courante de faire cuire le porc est le four, cela en raison de l’espace limité.

La cuisson à la casserole est la plus employée à Cuba, car au final elle ne demande pas tant de moyens (charbon, broches ou encore espace). Ceux qui ne peuvent acheter le porc entier ou une grande pièce, notamment les familles réduites,  se contentent de savourer ce moment avec les mêmes plats qu´au quotidien. Les premiers à manger ce jour là sont les enfants. A 20 heures, tout le monde se dépêche car la viande en cuisson est ce qui prend le plus de temps. Une fois que les enfants ont terminé, les plus grands accélèrent le rythme pour commencer à sortir les plats qui garniront la table du 31.Tout se joue dans la cuisine parce que cela fait parti de la tradition: de la recherche de la meilleure façon de cuire le porc au choix de sa meilleure partie lors de la confection des plats. Alors le diner, une fois cela terminé, se déroulera lentement et l’ample table du nouvel an sera témoin de blagues jusqu’à minuit pile. Sans discontinuer.

Quand tout commence

A 23 heures 45, la famille se mobilise et le décompte des minutes commence. On réveille ceux qui ne pouvaient plus tenir debout après le diner, on sort les verres et on se prépare aux accolades les plus franches de l’année. Les Cubains préparent également des bassines d’eau qu’il balançeront pour nettoyer le passif de l’année passée, cela dans la vieille tradition paysane qui peut s’observer dans n’importe quel endroit du pays. Personne n’a la science infuse pour savoir comment et d’où sont nés ces rituels mais ce qui est certain, c’est que l’on jette la bassine d’eau de la porte d’entrée principale de la maison. Il est également coutume de mettre feu à une poupée vêtue de vieux vêtements avec un cigare ajouté à sa bouche… Tout cela pour éloigner le mauvais oeil et amener la prospérité au sein du foyer.

Phénomène plus récent: il est possible d’observer, à partir de minuit, des personnes sortant avec des valises, sacs ou sacs à dos faire un une balade improvisée. Il se dit que cet acte peut favoriser une possibilité de voyage. Les pratiques sont très variés mais toutes tendent vers la recherche du bonheur et à donner la croyance une chance de réalisation à travers la pratique rituelle.  » A minuit je vide une bassine remplie d’eau dans la rue, après cela je fait le tour de ma maison avec un coco et je disperse un peu de riz, tout cela pour que s’en aille le mal et pour amener la chance, la fortune et le bonheur pour moi et ma famille », raconte Pancho, un vieil homme vivant dans le Centre Havane.

Il existe d’autres traditions, dont certaines ne se pratiquent malheureusement plus et qui restent des souvenirs pour les seniors cubains: « si tu veux avoir de l’argent toute l’année, il faut le recevoir dans des chaussures » ou encore, la coutume chinoise millénaire adaptée à la cubaine qui est « pour ne pas rester inculte, il faut bruler un papier avec écrit dessus, ce qui s’est passé de pire l’année écoulée et jusqu’au nom de celui qui vous a fait du mal ». Il y a aussi celle-ci « pour avoir beaucoup de vêtements neufs, il faut mettre les anciens vêtements à l’envers » ou encore « pour rencontrer l’amour de sa vie, la couleur des vêtements du 31 doit être rouge ».

Plus que des coutumes familiales, cela descend des mythes et légendes, ce qui est certain, c’est la nécessité d´utiliser ce prétexte pour rapprocher la famille. Il en résulte la priorité sur le plan individuel de faire le point sur le passé. Et surtout… prendre du bon pied les 365 jours à venir. Bonne année !

Habana XXI


Enrique   |  Actualité, Culture, Histoire, Société   |  12 30th, 2012    |