A Cuba, la police politique s’acharne contre l’opposant Antonio Rodiles, animateur d’un forum de débats
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A La Havane, la police politique s’acharne sur l’intellectuel Antonio Rodiles, arrêté le 7 novembre avec une dizaine d’opposants, dont la blogueuse Yoani Sanchez. Ils s’étaient rassemblés devant un commissariat du quartier de Marianao, pour demander des nouvelles de l’avocate indépendante Yaremis Flores, interpellée la veille. La plupart ont été relâchés après quelques heures.
Quant à M. Rodiles, ses proches ont été autorisés à lui rendre visite dans sa cellule, lundi 12 novembre : il portait sur le visage et sur les bras les marques des coups reçus pendant une interpellation musclée au cours de laquelle ses lunettes avaient été brisées. Selon sa compagne, Ailer Gonzalez, aucun des hommes qui a procédé à son arrestation ne portait d’uniforme ni de signe d’identification. Accusé de « résistance » à l’autorité, il encourt une peine de trois mois à un an de prison ferme.
Physicien de formation, ayant fait des études et travaillé à Mexico et en Floride, Antonio Rodiles est une figure de la nouvelle scène culturelle alternative de La Havane. Depuis 2010, il anime un forum de débats, Estado de Sats, dont les rencontres ont lieu dans sa demeure, dans le quartier résidentiel de Miramar. Enregistrées à l’aide de deux caméras numériques, ces tables rondes sur des sujets culturels, politiques, économiques ou d’actualité sont ensuite mises en ligne sur Internet et diffusées sous forme de DVD ou de clés USB. Grâce aux nouvelles technologies, des Cubains ont ainsi accès à des opinions critiques, tenues à l’écart des médias, monopolisés par le régime. Estado de Sats exclut « tout appel à la violence ou attaque personnelle ».
Sous surveillance constante
La famille Rodiles a accueilli également des expositions de photos ou d’artistes plasticiens, des concerts et des récitals de groupes alternatifs, comme le collectif Omni Zona Franca. Des membres de l’Association juridique cubaine (indépendante du barreau officiel) y croisent des blogueurs contestataires, des peintres et des poètes, des rockeurs et des rappeurs, le social-démocrate Manuel Cuesta Morua ou le philosophe Alexis Jardines. Sous surveillance constante, les réunions d’Estado de Sats ont été parfois perturbées par l’interpellation de participants.
En septembre, Antonio Rodiles et d’anciens prisonniers politiques ont fait circuler une pétition qui demandait la ratification et la diffusion des pactes des droits individuels et collectifs des Nations unies, signés par La Havane en 2008, sans être pour autant respectés. Après le récent passage du cyclone Sandy, qui a provoqué des dégâts considérables dans l’est de l’île, les Rodiles, Yoani Sanchez et les Dames en blanc (l’association d’épouses de prisonniers politiques) ont transformé leurs résidences en centres de collecte d’aide matérielle. Les secours ont été acheminés au père José Conrado, à Santiago de Cuba.
Le général d’armée Samuel Rodiles, oncle d’Antonio, est un ancien commandant de la guérilla de Fidel Castro, membre du comité central du Parti communiste (parti unique) et député. « Toutes les familles cubaines ont été divisées par la politique », a coutume de dire Antonio Rodiles. Ses parents sont présents aux activités organisées chez eux. Ils soutiennent leur fils, qui est revenu à Cuba alors qu’il aurait pu rester vivre au Mexique.
Pour l’intimider, la Sécurité de l’Etat lui avait retiré l’autorisation de voyager à l’étranger. Le harcèlement n’ayant pas suffi à le faire taire, les policiers sont passés à la vitesse supérieure. Les « changements » pilotés par Raul Castro ne concernent pas encore les libertés publiques.
Paulo A. Paranagua.
Le Monde du 15 novembre 2012
EXIGAMOS LIBERTAD PARA ANTONIO RODILES !