Anticapitalistes pour notre propre compte
Un groupe d’amis, activistes des projets autogestionnaires du Réseau Observatoire critique a décidé, pour son propre compte, de manifester contre le capitalisme, le samedi 12 mai, date à laquelle le mouvement des Indignés 15-M, faisait la même chose au niveau international.
Ce que nous pensions organiser n’était pas un grand évènement : il s’agissait de nous retrouver dans un parc, d’installer quelques bannières, chanter des morceaux de l’Internationale (la même que nous avons chanté le 1er mai dernier), et dire quelques mots pour dénoncer le développement de la prédation capitaliste dans notre monde (y compris à Cuba).
Cependant, les réactions que cela occasionna dans les médias publics (et les occultes aussi) nous donna l’impression que nous allions prendre d’assaut la Bastille. On ne peut nier que, après tout, cela a eu un certain charme.
La réalité est que nous avons atteint nos objectifs. Nous avons installé une bannière qui clamait À BAS TOUS LES CAPITALISMES, tandis que sur une autre banderole “le fou d’Abela” disait à un bureaucrate ennuyé : SI TU PENSES COMME UN BOURGEOIS, TU VIVRAS COMME UN ESCLAVE.
Nous avons entonné quelques strophes de l’Internationale. Les gens ne s’en souvenaient pas très bien, mais nous avons chanté avec force la partie correspondant au chœur. Moi, même si je me souvenais de la partie anti-religieuse, j’ai préféré ne pas la chanter, par respect pour de nombreuses personnes que je connais et qui ont ce genre de spiritualité.
Le frère Mario Castillo plaça des fleurs sur la tête de Marx, car il n’y avait pas d’autre endroit pour les mettre. Cela m’a fait sourire, en raison de qu’avait d’iconoclaste ce geste, mais avoir apporté ce bouquet, depuis la Vieille Havane, avec la chaleur qu’il faisait, avait déjà beaucoup de mérite.
D’autre part, Marx est un symbole de la lutte contre le capitalisme, mais il me semble qu’il n’est pas vénéré comme un dieu par les gens de l’Observatoire Critique. La très utile pensée marxiste a également été critiquée, et elle a été complétée par d’autres visions et d’autres spiritualités, loin des sectarismes connus (et dangereux).
Personnellement, j’aurais aimé parler un peu du développement des logique et des pratiques capitalistes dans notre environnement immédiat… vous connaissez les questions qui me hantent :
- La réintroduction des technologies prédatrices dans l’agriculture cubaine (une nouvelle Révolution verte ?) en faisant allégeance aux transnationales impérialistes qui fabriquent des OGM, des pesticides, des herbicides, et d’autres.
- La livraison de propriétés pour la vie et de terrains en usufruit pour 99 ans à des étrangers, sur des terrains de golf dommageables pour l’environnement.
- L’opération incroyable qui s’est développée dans le secteur privé, avec des salariés sans aucune protection sociale, sans congés, sans horaires normalisés, et d’autres.
Ce débat n’a pu avoir lieu, cela doit être admis, non par peur de dire ces vérités, abordées plus d’une fois dans cet espace et dans d’autres, mais en raison des erreurs d’organisation commises par le collectif.
En plus de cette petite réunion, j’ai assisté, accompagné d’autres activistes de l’Observatoire critique, à la conga (fête carnavalière) de la Journée contre l’homophobie célébrée le même jour dans la matinée. C’est là où nous avons reçu une valeureuse déclaration du groupe HxD, du Centre national pour l’éducation sexuelle, exhortant le gouvernement cubain à approuver le projet de Code de la famille qui prétend légaliser les unions entre couples du même sexe.
Un autre groupe de personnes de l’Observatoire critique a, dans la matinée dans la Vieille Havane, rendu hommage à l’anarchiste Alfredo López, une figure majeure dans les luttes sociales et prolétariennes à Cuba aux débuts du XXe siècle.
L’expérience dans le parc fut magnifique, seulement éclipsée par la présence d’un grand nombre d’agents en civil de la Sécurité de l’État et de policiers en uniforme, qui selon un voisin, un membre du Parti communiste cubain, étaient là pour “nous protéger” contre des ennemis dont nous n’avons jamais connu les attaques. Mais nous savons que la police sera toujours là.
Nous avons ressenti avec enthousiasme la solidarité qui est venue de France, du Mexique, d’Espagne, du Venezuela, du Brésil et d’autres pays, au moment même où nous ne recevons aucune assistance ou aucune solidarité de la part des intellectuels de gauche vivant dans l’île, des blogs auto-proclamés révolutionnaires et de la part des autres acteurs de la vie publique cubaine.
En bref, ce fut une journée terrible et utile… Je suis mort de fatigue.
Isbel Díaz Torres
Lire l’article en espagnol :
http://observatoriocriticodesdecuba.wordpress.com/2012/05/13/anticapitalistas-por-cuenta-propia-3/