Un an après son exil forcé, le journaliste Albert Santiago Du Bouchet a mis fin à ses jours
C’est avec une profonde tristesse que Reporters sans frontières a appris le décès par suicide, le 4 avril 2012 à Palmas de Gran Canaría (Espagne), du journaliste indépendant et ancien prisonnier politique Albert Santiago Du Bouchet Hernández, à l’âge de 52 ans. Notre organisation s’associe à la douleur de ses proches, notamment de son ex-femme et de son fils, également établis en Espagne.
Sorti de prison le 7 avril 2011, Albert Santiago Du Bouchet avait dû se résoudre à l’exil, dès le lendemain, en échange de sa libération, intervenue après celle des anciens détenus du “Printemps noir” (http://fr.rsf.org/cuba-liberation-du-dernier-journaliste-07-03-2011,39685.html), eux aussi contraints pour la plupart à quitter l’île. Condamné à deux reprises, en 2005 et 2009, officiellement pour “outrage”, l’ancien directeur de la petite agence de presse indépendante Habana Press était le dernier journaliste cubain libéré après une peine de prison ferme (http://fr.rsf.org/cuba-avec-la-liberation-d-albert-08-04-2011,39986.html). Le pays n’en compte plus dans ce cas à l’heure actuelle.
“Nous ne connaissons par le motif exact d’un tel geste. Mais Albert était très déprimé, véritablement miné par le sentiment de déracinement que provoque l’exil”, nous a confié Juan Carlos Herrera Acosta, journaliste dissident du “Printemps noir”, lui aussi exilé en Espagne en 2010 et désormais installé aux Etats-Unis.
“Les raisons pour lesquelles Albert Santiago Du Bouchet a mis fin à ses jours n’appartiennent, en effet, qu’à lui. Il est néanmoins impossible de dissocier ce geste des années de souffrance endurées par un homme victime de disgrâce, de persécution, d’emprisonnement et enfin d’exil forcé. Comme d’autres journalistes dissidents en ont témoigné auprès de nous lors de leur arrivée en Espagne en 2010 (http://fr.rsf.org/cuba-la-liberte-apres-le-printemps-noir-02-09-2010,38246.html), leur fin de période carcérale n’a jamais été vécue comme une ‘libération’. La ‘sortie définitive’ tamponnée sur leur passeport constitue pour eux l’ultime humiliation infligée par un régime qui n’accepte pas l’opinion dissidente, se complaît dans la propagande ordurière et renie même ses propres citoyens”, a souligné Reporters sans frontières.
Originaire de La Havane et historien de formation, ancien militant du Parti communiste, Albert Santiago Du Bouchet s’était d’abord démarqué de l’historiographie officielle dans le cadre de ses travaux. En 1996, il avait décidé de rejoindre les journalistes indépendants, puis pris la tête, en 1999, d’Habana Press. Il avait été détenu la première fois, le 3 décembre 2000, par la Sécurité de l’État, qui avait alors confisqué et détruit son matériel.
Les autorités cubaines ne consentent toujours pas à honorer leurs engagements internationaux en matière de libertés publiques. En particulier, à ratifier les deux pactes des droits de l’homme de l’ONU sur les droits civils et politiques qu’elles ont pourtant signés. La visite pontificale du 26 au 29 mars dernier, marquée par une répression intense et des blocages de communications, en a une nouvelle fois rendu compte.
Tout en continuant d’appeler à la levée de l’embargo absurde imposée par les Etats-Unis à l’île depuis 1962, tout en reconnaissant les apports du gouvernement cubain dans les domaines de la santé et de l’éducation, Reporters sans frontières condamne le déni – voire le tabou – de trop nombreux États concernant les libertés publiques à Cuba.
Benoît Hervieu
Despacho Américas / Americas desk
Reporters sans frontières